Zoé Genot est députée Ecolo au Parlement belge, militante infatigable pour la cause des sans-papiers et des étrangers, elle est également membre de la commission intérieure de la Chambre des représentants. La Nouvelle République : Vous êtes connue pour être impliquée, voire militante, dans la cause des sans-papiers en Belgique. Pourriez-vous nous parler plus de vous ? Zoé Genot : Je suis arrivée au militantisme politique à la fac en participant à des manifestations, surtout dans le cadre de l'enseignement ; nous avions fait une manif et un mouvement de soutien à la suppression des postes de trois mille professeurs du secondaire en 95-96. Ensuite, mon action militante s'est renforcée lorsque j'ai découvert le centre fermé du 127 bis de Zaventem. J'ai été choquée et je trouvais inconcevable de mettre des gens qui n'ont rien fait derrière les barreaux, je n'imaginais pas que cela pouvait exister en Belgique. Ce qui a constitué un véritable séisme pour moi, c'est en 1997, lorsque Semira Adamou, qui avait 21 ans, a été étouffée par des policiers lors de son expulsion. J'avais 23 ans, j'étais jeune comme elle et je trouvais cela abominable. J'avais déjà participé à des manifestations pour elle lors de son incarcération, et nous avons fait d'autres manifs après son décès. Nous pensions qu'elle était vivante et nous manifestions devant l'hôpital St Luc, en ignorant qu'elle était morte. Suite à cela, le ministre de l'Intérieur Louis Tobback a dû remettre sa démission. Des manifs géantes ont été organisées lors du transfert de sa dépouille et ce mouvement sans précédent a engendré la régularisation de 2000. Les syndicats et mon parti Ecolo ont rejoint le mouvement. Dans un accord avec le gouvernement, mon parti a proposé la régularisation de sans-papiers et cette proposition a débouché sur la régularisation massive de 52 000 personnes. Sur la question des centres fermés, malheureusement, nous n'avons pas réussi à les faire supprimer. La crise que vit l'Europe a des répercussions négatives sur la solidarité entre les étrangers et les pays d'accueil. Pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet ? C'est clair que chaque fois qu'il y a une crise économique, on cherche des boucs émissaires et on refuse de partager. C'est un réflexe humain. Si l'on cautionne ce fait, le travail en noir risque de détruire l'emploi déclaré et, toutes les études le montrent – notamment celle menée par l'ULB-KUL qui montre qu'en ce qui concerne les régularisés de 2000, la majorité des personnes travaillent officiellement. Cette régularisation apporte des avantages au pays d'accueil, c'est ce que j'appelle «l'équilibre positif», car ces gens-là payent leurs impôts, consomment, donc participent à l'économie du pays. Autre aspect, on voit le succès des partis néerlandophones Vlaamse Belang et NVA, où la tendance affichée à chercher des boucs émissaires se manifeste à l'égard des francophones et des étrangers. Le gouvernement belge actuel a-t-il durci davantage les lois concernant l'immigration par rapport aux gouvernements précédents ? Le durcissement a commencé avec Melchior Wathelet, lorsqu'il était secrétaire d'Etat à la Politique de migration et d'asile sous le gouvernement Van Rompuy. Il a mis en place ce qu'on appelle le Sefor, qui consiste à établir une plus grande coordination entre les polices locales et l'Office des étrangers et qui conduit à permettre l'arrestation des sans-papiers chez eux. Le deuxième point concerne le regroupement familial, avec, par exemple, l'obligation d'avoir un revenu important. Autre point, un(e) Belge ne peut plus se marier ici en Belgique avec un sans-papier, il faut que la personne demande un visa et retourne dans son pays d'origine chercher un visa. Sur le volet demande d'asile, on a établi une liste de pays «sûrs» et les personnes qui bénéficient d'un statut doivent à nouveau apporter des preuves des menaces qui pèsent sur elles dans leur pays. Au niveau administratif, on bâcle les dossiers, on ne va pas au fond des choses. L'Etat belge applique maintenant la convention de Chicago qui détermine que si une personne passe par un pays avant de venir en Belgique, on peut la renvoyer dans un des pays de passage, par exemple les Afghans qui passent par la Russie ou la Turquie sont renvoyés dans un de ces pays sans se préoccuper de leur sort là-bas et des risques en cas d'expulsion vers l'Afghanistan. Cela pose un véritable problème parce que certains Etats n'ont pas signé la convention de Genève en matière de statut de réfugiés. Concernant la régularisation par le travail, elle a complètement échoué, car les promesses faites par le gouvernement n'ont jamais été tenues. Pour ce qui est de la régularisation médicale, seulement 7% de dossiers sont acceptés. Le fait que des médecins affirment que certaines personnes malades sont en danger de mort n'est absolument pas pris en compte. Quant à l'accès à la nationalité, la procédure coûte plus cher et exige donc un emploi stable, sinon, dans certains cas, on peut attendre 10 ans avant d'avoir la nationalité. Elle nécessite toute une série de mesures obligatoires, dont un examen en néerlandais et en français (langue écrite et parlée). Tout cela nous ramène des situations où des personnes âgées qui sont ici depuis 40 ans, et qui ont plus de 70 ans, ne peuvent pas bénéficier de la nationalité parce qu'elles ne savent ni lire ni écrire. Je vous ai connue à l'église des Béguinages 2008 pendant la grève de la faim des sans-papiers, que reste-t-il de ce combat ? Cette occupation a apporté la régularisation de 2008 en donnant un visage au combat des sans-papiers et en faisant découvrir la souffrance des grévistes de la faim aux gens. C'est cette action, et d'autres similaires, qui a ramené un résultat positif en 2008. Cette régularisation n'est pas parfaite mais elle représente une nouvelle vie pour bien des personnes qui n'avaient pas de permis de séjour légal. Mon travail actuel, vu la crise, est axé sur les enfants nés sur le sol belge et les malades d'origine étrangère. Je siège dans la commission de l'Intérieur du Parlement et j'ai pour interlocutrice Maggy De Block, la secrétaire d'Etat à l'Asile et à la migration. J'essaie d'ouvrir le cœur des Belges sur ces cas dramatiques. Nous sommes en train de préparer un colloque sur la régularisation médicale qui se déroulera en mars, en partenariat avec des ONG impliquées dans le combat des sans-papiers. Existe-t-il une coopération active entre le Parlement belge et le Parlement algérien ? Il y a des accords sur la réadmission et dans le domaine de la justice concernant l'immigration. Il existe aussi des accords dans le secteur de la sécurité sociale pour les Algériens qui ont travaillé en Belgique, ainsi que des accords bilatéraux dans le secteur fiscal pour que les gens ne payent pas deux fois leurs impôts. Il y a aussi un accord sur le remboursement de la dette et un accord sur les énergies renouvelables. Zoé Genot Licenciée en économie, Zoé a goûté les joies des contrats précaires dans les ONG avant de rejoindre les permanents de la FGTB-Bruxelles. Etudiante, elle a participé activement au combat du mouvement estudiantin à l'ULB. Actuellement députée fédérale , elle s'occupe de dossiers sociaux, économiques, du renouveau politique, des droits des minorités, des questions liées aux cultes et à la laïcité. Avec une idée fixe : plus d'égalité ! Elle vit à Saint-Josse (Bruxelles). Formations Enseignement général secondaire supérieur (Athénée Royal de Dinant) Licence en sciences économiques – orientation analyse et étude (ULB 1995) Expériences professionnelles : Employée à la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB Interrégionale de Bruxelles) Economiste dans un centre d'entreprises d'économie sociale (Eco-Soc) Animatrice dans une association de femmes spécialisée dans les analyses de genre et les relations nord-sud (Le monde selon les femmes) Coordinatrice de l'opération 11.11.11 (région namuroise) Expériences associatives : Participation au Mouvement étudiant (FEF, BEA, Assises de l'enseignement) Remédiation en mathématique en écoles secondaires en difficultés (ULB) Expériences politiques : Mandat de députée fédérale de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvoorde (50e, 51e, 52e et 53e législatures : cad depuis juin 1999) Dans le groupe parlementaire Ecolo-Groen de la Chambre, en charge des dossiers : emploi-chômage, renouveau politique (démocratie directe -révision de la constitution - démocratie représentative - statut et déontologie des mandataires), asile, cultes et laïcité, homosexualité (lutte contre les discriminations, adoption, parentalité, cohabitation, etc.), logement. Militance au sein du parti Ecolo (mandat de secrétaire régionale de 1997 à 1999).