Entretien avec le Dr Sari Ali Hikmet, écrivain et chercheur en soufisme, et conseiller culturel de la zaouia de Sidi Bouazza, dans la wilaya d'Aïn Témouchent. La Nouvelle République : Vous avez animé une conférence au centre culturel espagnol Cervantès d'Oran le 23 janvier dernier, quel en était le thème ? Sari Ali Hikmet : C'était la veille de la fête du Mawlid ennabaoui El sharif. J'ai animé cette conférence sous le thème «Sidi Boumediène, le poète de l'amour absolu ou le tourisme spirituel». Ce grand cheikh et érudit en soufisme a répandu la culture de l'amour comme fondement pour l'union du Maghreb. Il est né à Cantillana, près de Séville au 12e siècle et a eu pour maître spirituel Sidi Bouazza du Maroc. Il a ouvert une zaouia à Béjaïa en Algérie où il a formé plusieurs Tunisiens comme Sidi Abdelaziz El Mahdaoui. Il a parcouru plusieurs pays et exprimé son amour de Dieu et du Prophète dans des poèmes traduits en français par Sari Ali Hikmet. L'émir Abdelkader a commenté un poème de Sidi Boumediène qui fait la différence entre le croyant et le gnostique. L'école soufie de Sidi Boumediène a répandu et théorisé la notion de réalité mohamedienne qui fait du Prophète l'homme universel de tous les temps. C'est la période Sidi Boumediène qui a vu l'expansion du Mouloud et l'implication des zaouias dans sa célébration. Les étapes du parcours de Sidi Boumediène seront celle du tourisme spirituel qui a commencé en Tunisie et continuera par le Maroc, l'Espagne, la Turquie. Il faut noter que pour la première fois, la célébration du Mouloud à La Mecque a eu lieu sous la direction du Cheikh Bouazza Gherbi Mohammed, chef de la confrérie de Aïn Témouchent. Quelle était la réaction des présents ? La salle de conférences était pleine de monde passionné par la culture dont le directeur de l'institut Cervantès, M. David Alvardo, le Dr Boutaleb Chamyl, président de la Fondation Emir Abdelkader, le Cheikh Benyellès Abdesselam, chef de la confrérie derkaouia de Damas, le professeur Mostefa Kara Saïd, cardiologue et philosophe, Mme Daouadji Dalila, romancière soufie, Mme Bessaoud Hafida, poétesse, Mme Benmansour Nabila de la section féminine de la zaouia de Sidi Bouazza. Certains d'entre eux ignoraient l'effet de notre cheikh en matière d'enseignement et ont pu établir le lien entre sa terra natale en Espagne et celle où il a évolué et rendu l'âme. Grâce à ses voyages fréquents en Moyen Orient et au Maghreb, il a formé des élèves et des disciples. Les présents ont tous apprécié le thème de la conférence qui entre dans le dialogue des civilisations, comme en témoigne le débat riche et fructueux qui a prévalu. Que signifient les termes quotb, vin et tourisme spirituel ? Sidi Boumediène est un pôle quotb. Cependant, le vin dont parle Sidi Boumediène exprime une métaphore qui parle de l'extase. Et le tourisme spirituel veut dire que le cheikh était ouvert à toutes les sensibilités et s'adaptait à toutes les sociétés.