La chasse à l'Ours d'or de la Berlinale, premier grand festival européen de cinéma de l'année, s'est ouvert jeudi soir en mode kung fu avec «The Grandmaster» du Chinois Wong Kar Wai (In the mood for love), président du jury. Portant des lunettes de soleil argentées, Wong Kar Wai a été ovationné sur le tapis rouge qu'il a franchi avec les stars de son film, son acteur fétiche Tony Leung et l'actrice Zhang Ziyi. Projeté hors compétition, ce biopic sur Ip Man, maître historique de la légende du cinéma asiatique Bruce Lee, donne le coup d'envoi de onze jours (7-17 février) de festivités pendant lesquels seront projetés plus de 400 films, tous accessibles au public. Vingt-quatre longs métrages de 22 pays ont été retenus pour la sélection officielle dont 19 sont en lice pour l'Ours d'or, décerné le 16 février. Pendant deux heures d'une grande poésie, «The Grandmaster» plonge le spectateur dans la philosophie et le code d'honneur des maîtres des arts martiaux, avec en filigrane les premières années de la Chine moderne. Les combats, filmés sous la pluie, souvent la nuit ou en intérieur au ralenti, montrent combien le geste, qui peut tuer, s'enracine dans une profonde maîtrise du corps et de l'esprit, et «un mode de vie basé sur l'humilité», a souligné Wong Kar Wai devant la presse. Outre leur talent, les deux héros, Ip Man (Tony Leung) et Gong Er (Zhang Ziyi), une femme, partagent ce mode de vie et de pensée, une histoire de transmission et d'amour interdit qui rappelle, par son atmosphère, le cultissime «In the mood for love» du même réalisateur. «L'Art martial, c'est un art de défense et ça peut tuer, ils le savent et sont extrêmement disciplinés», a expliqué Wong Kar Wai, ovationné par la presse. «La discipline et la générosité, c'est ce qui caractérise les grands maîtres qui partagent leur expérience et la transmettent. C'est une partie de notre culture que je voulais partager avec le public mondial», a-t-il ajouté. A 46 ans, Tony Leung, son acteur fétiche s'est entraîné 4 ans au Kung fu. Il s'est cassé le bras en début de tournage, en réalisant lui-même des cascades. «J'ai compris que ce n'était pas une technique de lutte mais une façon d'entraîner l'esprit, un mode de vie très spirituel», a-t-il dit. Zhan Ziyi s'est dit «l'actrice la plus chanceuse au monde», ajoutant : «Il n'y a pas de mots pour décrire combien ce film m'a fait grandir». Endossant son costume de président du jury, Wong Kar Wai a estimé que la Berlinale était un festival plus «intime» que d'autres, consacré au «véritable plaisir» de partager des idées et de savourer le cinéma, plutôt qu'un endroit dédié au business. «Nous sommes ici pour servir les films, nous ne sommes pas là pour les juger mais pour les apprécier, promouvoir ceux qui nous inspirent... et nous transportent», a-t-il déclaré. La sélection 2013 est éclectique, alliant des films hollywoodiens à très gros budgets et des réalisations d'auteurs peu ou pas connus. Matt Damon, Gus Van Sant Au programme dès vendredi : «Wimie» (In the name of) de la Polonaise Malgoska Szuwoska, qui aborde le thème de l'homosexualité d'un prêtre charismatique, et le dernier opus de l'Américain Gus Van Sant «Promised land». Matt Damon, qui retrouve le réalisateur pour la première fois depuis 1997 et son «Will Hunting» oscarisé, y interprète un commercial tentant de convaincre les habitants d'un village américain d'autoriser des forages de gaz sur leurs terres. Trois films, très attendus, défendront les couleurs de la France: «Elle s'en va» d'Emmanuelle Bercot avec Catherine Deneuve dans un rôle atypique, «Camille Claudel 1915» de Bruno Dumont avec Juliette Binoche et «La religieuse» de Guillaume Nicloux d'après le roman de Diderot avec Isabelle Huppert en mère supérieure. Toutes trois sont attendues sur le tapis rouge, ainsi que Matt Damon, Jude Law, Ethan Hawke, Julie Delpy, Nicolas Cage, Emma Stones, Geoffrey Rush, ou encore Christopher Lee. Le jury est composé de l'acteur et réalisateur américain oscarisé Tim Robbins (Mystic River), des réalisatrices iranienne Shirin Neshat et grecque Athina Rachel Tsangari, de la cinéaste danoise Susanne Bier, du réalisateur allemand Andreas Dresen et de l'opératrice américaine Ellen Kuras.