C'est à l'Hôtel de ville de Paris, les samedi 16 et dimanche 17 février 2013, qu'a lieu la 19e édition du «Maghreb des livres». Les lettres algériennes seront à l'honneur cette année. A cette occasion, Georges Morin, président de l'association «Coup de soleil» dévoile le contenu et les objectifs de cette manifestation culturelle considérée comme la plus grande librairie de France sur les pays du Maghreb. La Nouvelle République : Dans quelles circonstances est né «le Maghreb des livres» ? Georges Morin : C'est une conception adoptée dès la création de l'association «Coup de soleil» en 1985. Elle concerne le Maghreb central, la Libye, la Mauritanie et les populations de France ayant un lien de vie ou d'amitié avec le Maghreb, parce qu'elles y sont nées, y ont leurs racines familiales, y ont séjourné ou travaillé. Quels seront les thèmes de cette édition consacrée aux lettres algériennes ? Les «cafés littéraires», les «cartes blanches», les «rencontres», les «tables rondes» aborderont des thèmes d'actualité tels que «les Printemps arabes», l'Islam, la situation de l'Algérie après cinquante années d'indépendance... Le thème de l'histoire sera traité lors de débats qui porteront sur l'Algérie coloniale, les réformistes, la guerre, les relations judéo-arabes et les nombreux Musulmans de France qui ont sauvé des Juifs pendant l'occupation nazie. Un hommage sera rendu à Pierre Chaulet, médecin et militant algérien. Dans le domaine de la littérature, un débat portera sur les «50 ans d'écriture algérienne au féminin». Par ailleurs, deux hommages seront rendus à l'écrivain Mouloud Feraoun assassiné en 1962 par l'OAS, et au poète journaliste Tahar Djaout, tué en 1993 par des intégristes. Concernant le «Maghreb d'en France», un livre écrit par des jeunes des quartiers populaires, «Nous la cité...» sera mis à l'honneur afin de mettre en lumière les talents culturels qui s'épanouissent en banlieue. Un hommage sera également rendu à Mouloud Aounit, grand militant de la fraternité. Quels auteurs seront présents à cette manifestation ? Tous les auteurs invités sont, par définition, intéressants à rencontrer, qu'ils soient romanciers, poètes, universitaires, chercheurs, écrivains-voyageurs, auteurs de polars, auteurs de BD, etc. Plus de 2 000 titres sont édités chaque année en France ou au Maghreb. Tous ceux qui nous concernent sont en vente au Maghreb des livres. Quelques noms des auteurs qui seront présents cette année ? Vous me soumettez à un exercice difficile, car toutes celles et ceux qui n'y figureront pas vont m'en vouloir ! Même si les «grands» noms n'ont pas besoin de nous pour se faire connaître, leur présence est appréciée. C'est pour nous le signe d'une reconnaissance. Mais nous veillons toujours à ce que ces «locomotives» servent aussi à l'émergence des nombreux jeunes auteurs que nous invitons avec le même plaisir. Alors allons-y ! On va commencer par deux «figures» liées à l'Histoire de l'Algérie : Michèle Audin, fille de ce jeune pied-noir assassiné par l'armée française en 1957 et Ali Haroun, qui dissèque dans son dernier livre ce que fut la guerre d'Algérie en France. Nous mettrons également en exergue des hommes et des femmes engagé-e-s par leurs actes ou leurs écrits dans la vie citoyenne, comme Esther Benbassa, Rachid Benzine, Malek Chebel, Christian Delorme, Jean-Pierre Filiu, Saïd Hammouche, Pierre Joxe, Marie-Christine Saragosse, Benjamin Stora ou Zahia Ziouani. Et puis, reste la longue cohorte des talents littéraires les plus connus, comme Azouz Begag, Tahar Bekri, Tahar Ben Jelloun, Anouar Benmalek, Maïssa Bey, Mahi Binebine, Aziz Chouaki, Azza Filali, Louis Gardel, Abdellatif Laabi, Waciny Laredj, Fouad Laroui, Fadéla M'Rabet, Mohamed Nédali, Jean-Noël Pancrazi, Noureddine Saadi, Habib Tengour ou Amin Zaoui. Cette année, le Maghreb des livres honore la mémoire de Mouloud Aounit. Que représente cette figure militante pour la France, l'Algérie et le monde, en général ? Mouloud Aounit a lutté, toute sa vie durant, contre l'intolérance et le racisme. Ce combat l'a conduit aux plus hautes responsabilités avec la présidence du MRAP, le principal mouvement antiraciste de France. Il y a pris des positions courageuses, sans concession, dès lors que la dignité d'un homme, d'une femme, d'un groupe d'hommes et de femmes lui semblait atteinte, que ce soit en France ou dans des pays proches d'Europe ou de la Méditerranée. Cela lui a valu de prendre des coups mais il y a fait face. Et seule la maladie a réussi à venir à bout de sa détermination. Un bel exemple pour ce pays, quelque peu déboussolé par des crises qui n'en finissent pas et par un monde en pleine tourmente. L'autre figure honorée est Pierre Chaulet. Quel est l'aspect de son combat que vous mettez en lumière ? Pierre Chaulet est ce médecin pied-noir d'Alger, nationaliste algérien de la première heure, ami de Ramdane Abane, entre autres, et qui a très vite rejoint le Front de libération nationale à Tunis, où il a milité comme médecin et journaliste. Lui et sa femme Claudine ont pris la nationalité algérienne dès l'indépendance et, mis à part quelques brèves années d'exil pendant les années noires, la famille n'a pas quitté l'Algérie. L'hommage très fort que lui ont rendu des milliers d'Algériens lors de ses obsèques m'a ému. Et plus encore, j'ai entendu des jeunes, cet automne à Alger, me dire qu'ils venaient de découvrir «qu'il y avait des Français d'Algérie à nos côtés pendant la guerre». Et ils étaient manifestement heureux de le savoir. Le Maghreb des livres rend hommage à ces deux personnages qui viennent de nous quitter (décédés en 2012) car ils incarnent, dans deux générations différentes, deux conceptions de l'engagement pour la liberté et la dignité de l'Homme. Le Maghreb des livres a également une fonction pédagogique à l'égard des jeunes. En quoi consiste votre action ? C'est en travaillant avec les enseignants, les élèves, les écrivains et autres créateurs qu'on accomplit le travail le plus efficace. C'est pourquoi nous développons, avec beaucoup de détermination, chaque année un peu plus, des activités spécifiques. C'est d'abord par le biais de l'espace «Jeunesse», en partenariat avec l'équipe éducative de l'Institut du Monde Arabe : expositions, conteurs et bédéistes, qu'on sensibilise les enfants et les adolescents aux civilisations méditerranéennes. C'est ensuite le travail avec les classes de lycéens : malgré un échec partiel cette année (deux classes des lycéens s'étaient engagées dans un bon travail sur des auteurs maghrébins mais des circonstances diverses les ont conduites à y renoncer), nous allons travailler, dès avril 2013 (pour la session de février 2014), avec les administrations nationales ou locales concernées et des associations impliquées dans ce champ éducatif, pour reprendre ce travail fondamental. Nous vous donnons rendez-vous l'an prochain, pour le 20e Maghreb des livres, avec l'objectif d'entendre de deux à quatre classes de lycéens, nous rendre compte de leur travaux sur des auteurs du Maghreb. En 2014, nous fêterons le vingtième anniversaire de la création du Maghreb des livres !