La salle Atlas de Bab El-Oued a abrité jeudi dernier une belle soirée en hommage à l'un des piliers de la chanson kabyle, Akli Yahiatène. Un grand nombre d'artistes étaient présents à ce gala, organisé par l'Office national des droits d'auteurs et droits voisins (ONDA). La foule qui était elle aussi nombreuse à se déplacer malgré le froid hivernal a eu droit à un spectacle de très haute facture animé par des artistes de belle renommée à l'image de Lounis Aït-Menguellet, Farid Ferragui, Nacer Mokdad, Ahcène Ath Zaim, et la jeune Amel Zen. Il a pu également assister à la projection d'un film documentaire, produit par la télévision algérienne et qui retrace le parcours riche de cet artiste hors pair, auteur de l'inégalée «El manfi». Akli Yahiatène qui a assisté ému à cette soirée initiée en son honneur, l'a été encore davantage en voyant son ami, le compositeur Kamel Hamadi, monter sur scène pour évoquer quelques souvenirs chers aux deux hommes, partagés dans la froideur de l'exil, durant la guerre de libération nationale. Kamel Hamadi a confié à l'assistance, elle aussi touchée par ce moment de partage, avoir connu Akli Yahiatène en tant que militant, évoquant aussi les circonstances de son arrestation dans un café parisien en raison de son implication dans la collecte de fonds au profit du Front de libération nationale. Le programme musical de la soirée sera étrenné par une reprise de «Thamourt nagh Thamourt Idhourar» (notre pays), interprétée par le chanteur Ahcène Ath Zaim, chanson dans laquelle Akli Yahiaten loue la beauté de sa Kabylie natale. Quant à Nacer Mokdad, Amel Zen et Farid Ferragui, ils ont chanté des partitions de «Azrigh Ezzine di Michli» et «Ines Iwaghrib» dédiées à la femme et à l'exil. Lounis Aït Menguellet, pour sa part, chantera à sa sauce la très célèbre «Djahagh Bezaf Damezian» (je me suis exilé très jeune), une interprétation magistrale qui sera très applaudie par le public. Il faut noter que ce titre est l'une des premières chansons enregistrées par Akli Yahiatène, à l'âge de 24 ans, avec Amraoui Missoum. A la fin de cette soirée, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, a remis un trophée-hommage au chanteur en signe de reconnaissance pour tout ce qu'il a apporté à la culture algérienne en général et au patrimoine musical en particulier. La ministre a également remis aux artistes présents des coffrets d'enregistrements de Akli Yahiatène. A noter que cette soirée s'inscrit dans la série d'hommages aux grands maîtres de la musique algérienne organisée par le ministère de la Culture, en partenariat avec l'ONDA. Akli Yahiatène qui fête ses 80 ans a vu le jour en 1933 à Ath-Mendès, près de Boghni, dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Orphelin de père, il ne connaît pas les bancs de l'école et est contraint, dès l'âge de 12 ans, de s'installer à Alger en quête de petits boulots pour subvenir aux besoins de sa maman, restée elle en Kabylie. En 1945, il est arrêté et emprisonné pendant plusieurs mois en maison de redressement. Il embarque en 1952 pour la France, se faisant embaucher comme manœuvre chez Citroën, il fréquente néanmoins, à ses heures perdues, le Quartier latin, point de rencontre des artistes algériens exilés, à l'image de Slimane Azem, Zerrouki Allaoua ou Cheikh El Hasnaoui. Le compositeur et chef d'orchestre Amraoui Missoum qui découvre son penchant pour la musique l'encourage à persévérer dans cette voie. A la fin des années 1950, il est arrêté à deux reprises pour collecte de fonds au profit du Front de libération nationale. C'est lors de l'un de ses séjours, qu'il compose sa très célèbre chanson «El manfi» et «Ya moujarrab», écrites en arabe populaire et qui lui ouvriront la voie du succès. Plus tard, il interprétera d'autres chansons dont «Inas i mlaayun Taos» (1959), «Thamurthiw» (1962), «Jahagh bezzef dhameziane», «Zrigh ezzine di Michelet», «El Fraq bezzaf youar», «Aminigh awal fahmith» ou encore «Yedja yemas». Il quitte ensuite la scène pendant de nombreuses années avant de prendre part en 2002, en France, au Festival Sons d'hiver de Vitry-sur-Seine, lors d'une soirée baptisée «Tontons du bled», aux côtés de Kamel Hamadi, du regretté Salah Saadaoui, Sghir Boutaïba, Amar El Achab et Louiza. En septembre 2003, sous la direction du compositeur et chef d'orchestre Kamel Hamadi, Akli Yahiatene chante en Algérie, où il ne s'était plus produit depuis des décennies. Il effectue alors une mini- tournée en compagnie de Meriem Abed, Rachid Mesbahi et Thoraya. En novembre 2003, dans le cadre du festival «L'Algérie des musiques» organisé à l'Institut du Monde Arabe à Paris, il est sollicité pour rendre hommage à Cheikh El Hasnaoui et Slimane Azem en interprétant des chansons de leurs répertoires. Depuis, il continue à faire des apparitions sporadiques sur scène, au grand bonheur du public, toujours très admirateur de sa voix si forte et de sa présence si charismatique sur scène.