A près de 80 berges, le chanteur de l'exil, Akli yahiathène semble en pleine forme ! La preuve c'est qu'il a donné un spectacle mémorable, vendredi dernier, au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi. Sa voix profonde qui a bercé, depuis les années 50 les cœurs déchirés des émigrés maghrébins a hanté l'institution théâtrale qui n'a peut être jamais reçu cette artiste qui revient depuis quelques temps et malgré le poids des âges au devant de la scène artistique algérienne et étrangère. Comme presque souvent, son congénère et ami de toujours, Kamel Hammadi était à ses côtés. Le public comme on pouvait s'y attendre s'est déplacé en masse et il était presque entièrement formé de cheveux grisonnants. Pleine à craquer, la salle a vibré de ses rythmes anciens et de ses mélodies à la fois nostalgiques et douloureuses. Da Akli, a puisé dans les anciens classiques, les vieux tubes que le public connaissait par cœur et qu'il fredonnait comme un seul homme. L'inoubliable El Menfi fut l'un des premier tube a être proposé à un public qui cherchait visiblement à réinstaller un temps révolu qui est celui de la jeunesse. Durant plus de deux heures, Da Akli a su captiver un public qui se mettait en action en répétant à tue tête les standards de cet artiste de l'exil. Comme l'actualité l'exige, le chanteur a puisé dans les chnats religieux comme "Priez sur le Prophète" (QSSSL), un air du dhikr puisé des chants religieux du Djurdjura, avant d'enclencher par "Thamourth Idhurar", en hommage à la terre des hommes. Akli Yahietène était pareil le 16 août dernier à l'occasion d'un spectacle animé à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. De plus en plus visible sur la scène artistique, Akli Yahiathène faisait en 2007 un come back fracassant dans pas moins de trois villes, Alger, Bouira- Tizi Ouzou. A 78 ans, l'interprète de la fabuleuse, El Manfi avait emballé un impressionnant public l'ayant accompagné dans chacune des villes jusqu'à très tard dans la nuit. Il a certes fait son retour sur scène en 2002, 2003, 2004, 2006 à Alger et à Paris, mais point d'album depuis déjà 15 ans. Son retour sur scène s'est fait naturellement, accompagné par un retour du public qui continue à l'apprécier comme un artiste authentique de la chanson chaâbi kabyle, puisée dans les souffrances des émigrés, "ces bras en fer " qui ont construit la France après la Seconde Guerre mondiale dans des conditions d'extrême précarité. Et c'est çà que chante Akli qui a embarqué pour la France à l'âge de 21 ans à la recherche d'un boulot. Il n'a pas connu les bancs de l'école, mais il s'initie, dès son arrivé en France, à la mandoline. Avant d'être embauché par Citroën, Akli Yahiatene vit de petits métiers en s'adonnant à son art favori, la musique, pendant ses temps libres. Le pays " Tamurth ", " l'ghorva", (l'exil) …sont les thèmes qui se sont imposés à ce chanteur qui a eu, à peu près le même parcours que ses compères, Slimane Azem, Cheikh El Hasnaoui… Le chanteur de l'exil Comme eux, il a rencontré le compositeur et chef d'orchestre, Amraoui Missoum qui l'encourage à éditer ses 33 tours. Comme eux il a chanté l'amour de la patrie…dans notamment Inas i mlaayun Taos (1959), Thamurthiw (Mon pays) qu'il compose en 1962, Jahagh bezzef dhameziane (Je me suis exilé trop jeune), Zrigh ezzine di Michelet (j'ai rencontré la beauté à Michelet), El Fraq bezzaf youar (La séparation est trop dure), Aminigh awal fahmith (Je voudrais que tu comprennes) ou encore Yedja yemas (Il a laissé sa mère). Son titre fétiche, celui qu'il admire parmi tous les titres qu'il a signé, Yal Menfi (Le Banni), a été composé en 1959 durant son séjour en prison, après être suspecté de collecter des fonds pour le FLN. Le titre est un succès immédiat. Un autre aussi le fut Ya Moujarrab. Avec ces deux succès écrits en arabe populaire Akli Yahiatène a eu une consécration suprême. D'ailleurs, l'un comme l'autre figurent encore au catalogue des "Scopitones ", ces fameux juke-box qui diffusaient l'ancêtre des vidéo- clips dans les cafés maghrébins de Paris, Lyon ou Marseille. Même si ce chanteur de l'exil n'a pas paraphé d'album depuis plus d'une décennie, sa musique continue de charmer nostalgiques et férus de ce chaâbi épuré de fioritures. Ayant tant clamé qu'il préparait un album pour bientôt, mais de produit y en a pas ! Aucun titre n'a été signé depuis, l'auteur n'a visiblement pas la plume preste. Avec Taleb Rabah (né en 1930) et une pléiade de chanteurs, Akli Yahiatène était l'une des têtes d'affiche du concert "100% kabyle" du 4 janvier 2009 au Zénith de Paris, à l'occasion de "Yennayer" (Jour de l'an berbère). Durant le mois de janvier, une séance proposée par le Centre culturel français d'Alger (23/01) était dédiée aux scopitones, ces fameux juke-boxes qui équipaient nombre de cafés de l'émigration algérienne. A l'issue d'une conférence de Rachid Mokhtari, la soirée avait été suivie d'un tour de chant d'Arezki Bouzid, Ameziane Mohammed et Akli Yahiatène. Sur le même sujet, le CCF proposait de découvrir Trésors de scopitones, un documentaire de Michèle Collery et Anaïs Prozaic (Fr, 1999). En mai 2006, Lounis Aït Menguellet et Akli Yahiatène ont été réunis sur la scène du Zénith de Paris lors d'un concert en forme de dialogue de générations pour célébrer une tradition poétique encore vivace des montagnes de Kabylie qui s'est perpétuée dans l'émigration. La reprise ou l'adaptation de "El Menfi" (Le Banni) et de "Ay-Axxam" (La Maison), respectivement par Rachid Taha (albums Diwân 1998 / 1, 2, 3 Soleils Live 2001 / Rachid Taha Live 2001) et le groupe ibérique Radio Tarifa ("La Tarara", album Temporal 1996), témoignent, si besoin est, du rayonnement d'Akli Yahiatène qui compte parmi les têtes d'affiche encore en activité de la chanson algérienne de l'émigration.