Pourquoi la sociologie n'a-t-elle pas sa place partout en Algérie ? Comment connaître l'Algérien si on ne l'étudie pas ? Quels programmes et quelles lois à appliquer à un «inconnu» ? Lors du dernier séminaire sur la pensée islamique, qui s'était tenu à l'hôtel El-Aurassi, en mai 1990, nos séminaristes avaient condamné à mort les sciences sociales. Pourquoi ? Parce que ce sont des instruments d'analyse occidentaux qui prétendent «expliquer» le musulman. Les dégâts de cette condamnation sont énormes. Pour les pouvoirs publics, ce sont des sciences de la subversion, pour les islamistes, ce sont des instruments qui dénaturent le musulman. Pourquoi sommes-nous toujours empreints à faire l'économie d'études approfondies à la fois sur la réalité du terrain et sur les différents scénarios politico-sécuritaires qui pourraient survenir dans l'avenir, et ce, en toute transparence ? Nous n'en faisons même pas sur le plan politico-économique. Qui doit passer les commandes et en prendre l'initiative ? Des enquêtes de terrain sur la situation des différentes communautés ethniques et religieuses aussi bien chez nous que dans les pays arabes doivent être entreprises pour pouvoir construire une parade sur les différentes menaces qui nous guettent. Or, si nous renonçons à nous regarder nous-mêmes dans les yeux, populations et autorités publiques, et ne pas nous dispenser de nous interroger mutuellement, nous ne pourrons pas identifier nos vulnérabilités, savoir pourquoi la violence avait-elle pris racine dans notre société, pourquoi deux décennies plus tard est-elle encore là parfois à nous rappeler ce qu'elle fut, à nous menacer de nous replonger dans un «inhumanisme» que l'on disait étranger à notre société.Nous regarder dans les yeux, c'est analyser sans complaisance notre dimension partisane, celle qui rend compte de notre soumission aux enjeux de pouvoir, aux enjeux d'intérêts personnels (corruption), claniques, où on ne voit pas trop poindre l'intérêt général, et où on voit nos parlementaires évacuer les vrais débats de l'enceinte dont la mission est d'organiser les débats.