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Les servitudes de la recherche scientifique en Algérie
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Publié dans El Watan le 21 - 08 - 2010

La circulaire du 18 mai 2010 du MESRS, relative à la limitation imposée à la participation des chercheurs nationaux aux colloques internationaux, se présente à la lecture comme une forme de censure détournée et une atteinte grave à la liberté académique qui suppose esprit critique et autonomie du chercheur par rapport à l'ordre politique.
La teneur de cette circulaire ressort d'une volonté délibérée de domestiquer la recherche et d'en faire un instrument au service exclusif du «politique» qui ne voit de salut pour le pays que dans la surveillance et le contrôle des expressions libres et des initiatives citoyennes, individuelle et collective, susceptibles d'apporter un «plus» aux changements dans le sens de l'innovation et du progrès de la pensée.
La circulaire de la censure
Que dit cette circulaire ? Que la participation des enseignants chercheurs à des colloques internationaux doit être dorénavant subordonnée à une demande d'autorisation préalable auprès des chefs d'établissement qui sont tenus à leur tour d'en informer le ministre dans «le cas de participation à des manifestations pouvant revêtir un caractère sensible afin de se prononcer sur l'opportunité et d'organiser la concertation avec le ministère des Affaires étrangères». La même circulaire justifie les mesures prises par l'existence de «lobbies» qui seraient derrière «la manipulation» des chercheurs nationaux se rendant à l'étranger, ce qui «peut amener les participants, à travers des pétitions et des motions, à prendre des positions contraires aux intérêts nationaux». L'esprit de cette circulaire est claire : surveiller, contrôler et punir la pensée critique qui détonne avec la vision de la politique gouvernementale. Tant la critique reste cantonnée dans la sphère générale ou portant sur des objets de savoir abstraits, telles les sciences «dures» supposées non seulement plus «exactes» que les sciences sociales, mais encore plus «neutres», car moins entachées de «passion» et d'«irrationalité», elle pourrait librement déployer à l'infini ses imaginations. Les grandeurs mathématiques, les différentielles et les intégrales, l'étendue et l'espace en physique, le système de l'organisation et des structures en biologie moléculaire et organique, etc., relèvent du domaine de l'abstrait et de l'invisible et n'interfèrent nullement ou presque avec les sciences sociales qui, elles, s'occupent de l'organisation sociale et se mêlent, par leur statut même, du domaine politique.
Mépris et méfiance envers la dangerosité des sciences humaines
En Algérie, depuis l'indépendance, tous les dirigeants politiques n'ont eu de cesse d'avoir un préjugé fort négatif envers les sciences sociales. Même les plus incultes d'entre eux regardent ces disciplines avec un certain mépris qui n'a d'égal que le culte mystique, voire aveugle, qu'ils éprouvent envers les «sciences exactes». Leur méfiance des sciences sociales procède autant de leur ignorance du rôle fondamental joué par ces disciplines dans l'histoire du développement, de la civilisation, notamment occidentale, que de la peur que leur inspirent ces disciplines qui ont révolutionné pourtant les modes de pensée et de représentation du monde des phénomènes. Les réactions du ministre Harraoubia aux pressions des enseignants traduisent parfaitement cet état d'esprit qui institue une dichotomie entre les sciences exactes et les sciences sociales. Dans sa mise au point, il affirme sans ambages que la circulaire vise :«Seulement les enseignants en sciences humaines».
Cette manière d'instituer arbitrairement des clôtures entre les deux espèces de sciences vise deux objectifs sous-jacents : accréditer, d'une part, l'idée que les sciences sociales sont non seulement «mineures», mais «dangereuses» en raison de leur statut qui en fait des instruments conceptuels critiques et, d'autre part, les présenter comme repoussoir par rapport aux sciences exactes réputées à la fois «nobles» et «neutres». La neutralité connote ici la non interférence du détenteur de la science «noble» dans les affaires politiques, champ réservé aux seuls détenteurs du pouvoir. Au contraire, les sciences humaines ne sont pas indifférentes aux choses politique, et du fait même de leur statut, elles se trouvent au cœur même de l'engagement social qui exclut «neutralité» et retrait par rapport à la société et au monde politique qui constituent leur objet principal de recherche et leur raison d'être. Ce sont ces sciences humaines, déjà disqualifiées et minorisées, que l'on cherche à surveiller et à contrôler de manière à ce qu'elles n'empiètent plus sur les périmètres «sacrés» de la politique gouvernementale.
Mais il y a pire : cette circulaire ne vise pas seulement à ériger une ligne de démarcation infranchissable, une sorte de «ligne Morrice» entre sciences exactes et sciences humaines ; elle entend également de manière insidieuse créer un clivage, une opposition irréductible, entre les enseignants chercheurs, toutes disciplines confondues, dans le but de «diviser pour mieux régner», selon le vieux adage. Et les initiateurs de la pétition, et parmi lesquels, Teyssir Sidi Abdelkader, ont bien relevé les intentions de cette manœuvre de division et de discorde.
Le culte mystique de la technologie et des sciences exactes
Les plus intelligents et les plus consciencieux d'entre les enseignants des sciences exactes, ceux qui n'avalent pas si facilement les couleuvres de l'idéologie «élitiste», comme le très sympathique mathématicien Ali Derbala de l'université Saâd Dahlab de Blida, ont bien saisi, et depuis belle lurette, que les mathématiques si exactes et si utiles au développement de la recherche ne suffisent pas à elles seules à apporter leur contribution au progrès social, mais qu'il fallait leur associer la pensée réflexive, issue des sciences humaines, comme l'ont pratiquée les grands scientifiques de l'histoire moderne (Copernic, Einstein, Descartes, Racine, Lamarck .... ). D'où ses nombreuses contributions publiées dans les quotidiens nationaux, et qui apportent des éclairages utiles aux divers aspects relatifs au fonctionnement de l'enseignement et de la recherche qui pâtissent justement de la gestion incohérente et brouillonne du MESRS dont les fonctionnaires coupés du terrain et de la réalité sociale ne voient pas les liens nécessaires et complémentaires entre sciences exactes et sciences humaines, mais un divorce que seule leur vision étriquée de bureaucrates satisfaits de leur statut de «supérieurs hiérarchiques» se représente et impose de facto. Les responsables de notre tutelle ne font que reproduire et réactualiser des schémas de pensée fort anciens.
Comme leur prédécesseurs des années soixante dix, ils pensent que le développement du pays, «le décollage économique» ne saurait s'effectuer que par le biais des sciences exactes, et de la technologie. On sait maintenant les conséquences désastreuses d'une telle représentation «scientifique» du
«progrès». EI Hadjar, ce «fleuron» de notre industrie, qui a englouti des milliards de dinars, n'est aujourd'hui qu'un immense hangar abritant une accumulation de machines obsolètes. Nos connaissances scientifiques et nos savoir-faire acquis au prix d'énormes investissements en capitaux ont été dissipés,dilapidés en vain. Quels gâchis ! Tout cela s'est accompli au nom d'une vision et d'une appréhension fausse de la science et de la technologie ; vision que «le père» de l'industrie industralisante, Belaïd Abdesselam et son équipe de technocrates conseillés alors par des économistes, tels de Bernis, de François Palloix et de Paul Bairoch, avaient imposée commune unique alternative au «retard accumulé». On devait rattraper et même« dépasser » les pays industrialisés en leur achetant un flot incroyable de technologie qu'on n'avait pas réussi finalement à maîtriser, d'où le fiasco dont nous recueillons aujourd'hui les fruits, ces pulpes amers de nos prétentions exorbitantes et de nos certitudes absurdes.
L'esprit « tiers mondiste»et ses ravages
Aujourd'hui encore, ce culte de la science, surtout de la science exacte, demeure vivace dans les esprits. Le MESRS le réactualise en valorisant les chimistes, les physiciens, les mathématiciens, etc. au détriment de leurs pairs des sciences humaines regardés comme des sortes de «charlatans». Cette manière de créer une césure artificielle entre les deux champs disciplinaires relève en effet d'une conception ignorante de la complémentarité qui les lient inévitablement. Les pays industrialisés n'ont pu historiquement se développer qu'en instituant, dès le départ, le principe de croisement des champs et donc de l'interdisciplinarité. Aujourd'hui, en Occident, il est plus que jamais inconcevable de séparer les disciplines en les opposant les unes aux autres. Cette séparation quasi radicale n'existe que chez nous et tient son origine à une mentalité dont on trouve les traces dans certains pays du tiers monde. Le tiers-mondiste plus ou moins «modernisé» que le sont certains de nos hauts fonctionnaire du MESRS imbus de leurs hautes fonctions, est un personnage qui ne retient des enseignements et des expériences de l'Occident qui le fascine tout à la fois et le repousse, que l'aspect «technologique» dont il attribue l'invention à la seule « science exacte».
Il ignore totalement les idées philosophique, politique, sociologique, juridique et constitutionnelle qui ont précédé et aplani le terrain à l'émergence et au développement de la science «exacte» et de la technologie sous leur forme actuellement achevée. Obnubilé, voire «drogué» même par le culte aveugle de la science exacte, il oublie le rôle essentiel joué par les idées philosophiques et sociologiques dans l'éveil et le développement prodigieux de l'Occident. Aliéné par ses performances technologiques, il rejette en bloc ou presque ses idées philosophiques et ses valeurs spirituelles au nom de «l'identité nationale». Le tiers mondiste «moderne» n'est donc pas seulement un personnage ambivalent, il est aussi un personnage qui imite et singe l'autre dans ce qu'il a de négatif et d'unilatéral : j'imite ta technique, certains de tes modèles technologiques et scientifiques, voire même tes modes vestimentaires et de consommation, mais je n'imite pas ta pensée rationnelle, sociologique et politique, qui pourraient dénaturer «mon identité arabo- musulmane». En langage vulgaire, cela s'appelle hypocrisie et ignorance crasse. Tous ces traits de conduites paradoxales se retrouvent à l'état latents ou actifs chez nos gestionnaires du MESRS, et pas seulement ; on les retrouve aussi bien chez les politiques plus ou moins distingués que chez le petit peuple des villes et des campagnes. Les Occidentaux n'ont point tort lorsqu'ils confèrent au substantif tiers monde une signification «négative». Inventé par Alfred Sauvy en 1945 et appliqué au sous-développement économique de ces régions du monde, ce concept s'est chargé par la suite d'une autre connotation, non moins négative, et signifie en l'occurrence : une mentalité de sous-développé.
La prétendue manipulation des enseignants- chercheurs nationaux par l'« étranger».
Pour justifier leur geste, les concepteurs de cette circulaire honteuse prétendent qu'elle est faite pour préserver les chercheurs d'éventuelles «manipulations» par des puissances tierces et non pour leur interdire la participation aux rencontres scientifiques. Penser ainsi, c'est supposer que les chercheurs nationaux ne sont pas seulement malléables, immatures et irréfléchis, mais si intéressés qu'à la moindre suggestion ou appât tendu par l'autre, l'étranger, ils se jetteraient «à leur insu» et à corps perdu dans son piège ! C'est ce que pense d'ailleurs le ministre Haraoubia lorsqu'il déclare :«Nous n'interdisons rien, nous avisons qui de droit, afin de les prévenir qu'ils peuvent être manipulés à leur insu». Manière peu élégante en effet d' infantiliser les chercheurs et de les traiter comme s'ils étaient des enfants à la mamelle ! C'est suggérer aussi- ce qui est une insulte suprême- qu'ils sont complètement hétéronomes et qu'en vertu de ce trait, ils seraient facilement prêts à vendre «leur âme» au plus offrant. Voilà un ministre qui se comporte paternellement envers ses administrés comme s'ils n'avaient pas atteints encore le stade de raison. A en croire le ministre, il n'a en vue par cette circulaire que «les intérêts nationaux», et c'est pourquoi, il met en garde les enseignants contre ces organismes et ces associations «étrangères ou non (qui) font appel font appel à nos professeurs pour les besoins de rencontres ayant pour thèmes des questions qui vont à l'encontre des intérêts nationaux ».
Quand le politique s'immisce des affaires académiques ...
Par «thèmes», le ministre entend bien évidemment les sujets sensibles, tels les droits de l'homme, les poursuites judiciaires à l'encontre des journalistes nationaux, le terrorisme, et bien sûr, le conflit du Sahara occidental, dont on ne voudrait pas qu'ils soient objet de débat ou de communication dans une rencontre internationale. Pourtant, tous ces thèmes, quelques sensibles qu'ils soient, sont régulièrement et librement débattus en Algérie par la presse nationale, mais aussi par de nombreux enseignants et acteurs politiques, sans qu'ils se fassent pour autant les «j ouets» des puissances étrangères. Ne peut-on pas produire, dans un colloque international, une analyse critique, indépendante et distincte de celle du gouvernement sans aller «à l'encontre des intérêts nationaux» ? Ne peut-on pas critiquer son gouvernement sans être ni «vendu» ni «renégat» ? Le devoir de réserve et la défense de la ligne officielle ne s'appliquent qu'aux diplomates et à tous ce qu'on appelle les «commis de l'Etat», et non aux chercheurs dont la raison d'être consiste en un examen critique, rationnel et indépendant de toutes les formes phénoménales. Que dit la nouvelle charte de déontologie universitaire nouvellement élaborée par le MESRS ? Que la liberté académique et l'esprit critique constituent justement, entre autres principes énoncés, les meilleurs garants de l'autonomie de l'universitaire.
L'on se demande dès lors pourquoi produire une circulaire qui annihile tous les effets de la charte de déontologie universitaire? Parce que dans le cas de la circulaire, précise le ministre, «il y a un enjeu beaucoup plus que scientifique», et qui serait en l'occurrence, d'ordre idéologique. Certains enseignants qui partent pour l'étranger auraient pour seuls objectifs de nuire «aux intérêts nationaux». Mais de quelle façon ? On ne le précise pas, mais l'on suggère qu'il s'agit de ceux qui usent d'esprit critique en émettant une opinion sur tel ou tel aspect de la politique extérieure ou intérieure du pays. Mais en quoi justement de telles critiques pourraient-elles constituer une atteinte à la souveraineté nationale ? La question reste posée. Mais ce qui est certain, c'est que l'ingérence du politique dans la sphère académique conduit inévitablement à un appauvrissement de la pensée, et par suite, à une régression générale qui n'épargnera aucun des aspects de la vie sociale, politique et économique du pays
.... Démenti, affirmations contradictoires et subterfuges
Alors que la circulaire du 18 mai 2010 est claire dans ses intentions comme dans sa formulation, le ministre en vient à la démentir en partie, et seulement en partie, en déclarant qu'il n'avait jamais été question d'interdire aux enseignants de sortir du pays et de prendre part aux rencontres scientifiques. Lors de son «point de presse» en date du 8 août 2010, il avait cru pouvoir se justifier et convaincre son auditoire de la légitimité de la circulaire en jouant sur les mots, substituant ainsi au mot «demande d'autorisation de sortie» à «autorisation d'absence». Pressé par les journalistes d'expliquer sa position à ce sujet, le ministre s'est fourvoyé dans des démentis et des contradictions inextricables.
En fait, il disait une chose et son contraire avant d'aboutir involontairement à produire sur-le-champ une circulaire bis qui se veut une atténuation de la précédente : «Je défie quiconque de m'apporter une phrase, dans ce document, qui stipule qu'une autorisation de sortie est exigée aux professeurs et chercheurs désireux de prendre part à un colloque ou à un séminaire organisé à l'étranger». Si c'est bien le cas, c'est que les enseignants protestataires ont mal compris la version initiale ? Le ministre semble le croire, puisqu'il ajoute que «ce qui est demandé aux enseignants, c'est de déposer une demande d'absence auprès de leur administration au sein de l'université», car «l'intérêt suprême des étudiants prime. Afin de ne pas laisser ceux-ci dans la nature et de ne pas les pénaliser par des absences itératives, une mise en ordre de ces activités est impérative».
Quel absentéisme ?
De la justification, on passe à l'accusation des enseignants qui s'absenteraient, mais ceux-ci n'ont pas besoin de demander à partir à l'étranger pour s'absenter. Les alibis ne manquent pas dans le pays même pour s'absenter en laissant les étudiants en «rade». Ceux qui «sèchent» leurs cours et TD ce ne sont pas, il est vrai, les enseignants honnêtes et consciencieux, mais ce sont les enseignants administrateurs (chefs de département, adj oints... ) et leurs amis et«protégés». Il y en a même qui émargent sur le Trésor public tout en étant souvent absents, sans que cette absence soit portée sur les registres administratifs. Il existe même des cours et des TD fictifs pour lesquels on est rémunéré. La tutelle le sait, mais ferme les yeux, comme elle ferme les yeux sur la répartition des heures supplémentaires et des stages à des profils d'enseignants paresseux et médiocres au détriment de ceux qui font preuve de sérieux et de volonté d'apprendre et de donner le meilleur d'eux-mêmes. Si la tutelle était vraiment soucieuse, comme l'affirme le ministre, de l'intérêt suprême des étudiants, elle ne confierait pas le destin de ces derniers à certains enseignants notoirement connus tant par leur faible niveau scientifique que par la récurrence de leur absence des cours, absence que l'administration dont ils sont les «protégés» et les obligés transforme en une assiduité sans faille... Parler dans ces conditions des intérêts des étudiants, c'est détourner l'attention de la pénalisation dont ils sont victimes de la part de ces enseignants qui s'autorisent à s'absenter souvent au nom de «missions» souvent fictives, d'accidents et de maladies non moins imaginaires et que le chef de département et ses adjoints, proches de ces «victimes», couvrent de leur autorité ...
Les visas et la panne d'imagination politique
Feindre de cette manière de penser aux étudiants ne traduit manifestement pas un sentiment sincère. C'est aussi un prétexte de discréditer et de délégitimer l'action entreprise par les protestataires contre cette circulaire anti-scientifique et anti-nationale. Le ministre, en panne d'arguments convaincants, reproche aux signataires de la pétition faite contre celle-ci de s'être égarés : «Ces personnes, déclame-t-il,qui ont mobilisé les étrangers pour soutenir leur action, devraient plutôt leur demander de faire pression sur leur gouvernement afin de les amener à leur délivrer des visas». Belle chute ! Le sens politique aurait dû recommander au ministre de s'abstenir plutôt que d'évoquer de cette manière terre à terre la question «des visas».
Au lieu de suggérer aux chercheurs algériens d'intervenir auprès de ces organisations pour qu'elles exercent des pressions sur leurs gouvernements respectifs pour nous accorder des visas, il aurait fallu mieux que le ministre haussât le ton en disant : «Nous demandons ou exigeons des gouvernements européens de lever toutes les entraves faites à la circulation de nos citoyens entre notre pays et les leurs, et de faciliter en particulier la circulation de nos chercheurs afin de nous prouver, en actes et non en paroles, leurs bonnes volontés de coopérer avec nous sur le même pied d'égalité. Il n'y a aucune raison de parler de liberté de circulation quand celle-ci se limite aux seuls capitaux tout en faisant obstacle aux déplacements des hommes...». La défense suprême des «intérêts nationaux» suppose avant tout une hauteur de vue, une vision distinguée et globale des choses et non une politique à la «petite semaine».... Faire quémander des visas de cette façon, c'est non seulement se défausser de sa responsabilité d'homme d'Etat, mais encore s'abaisser à ras- le- sol devant l'autre, et c'est là que le bât blesse !


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