La Coalition nationale syrienne (CNS) a reporté dimanche la constitution d'un gouvernement de transition, dernier revers en date dans les efforts de l'opposition pour mettre sur pied un cabinet à même de prendre les rênes du pays en cas de chute du régime. Pendant ce temps sur le terrain, la crise humanitaire continue de s'aggraver et le nombre de réfugiés ayant fui la Syrie pourrait doubler voire tripler d'ici la fin de l'année, selon une estimation de l'ONU. La réunion lors de laquelle doit être élu un Premier ministre de gouvernement provisoire, qui devait avoir lieu le 12 mars après avoir déjà été remise à plus tard, a été reprogrammée au 20 mars, sans que l'on soit certain qu'elle aura bel et bien lieu à cette date-là, a-t-on appris dimanche auprès de la Coalition. «Nous ne pouvons pas nous permettre de nous diviser encore une fois sur cette question», a déclaré Kamal al Labouani, figure éminente de l'opposition et ancien prisonnier politique. Il a expliqué que la Coalition s'était scindée en deux sur la question de la nécessité de constituer un gouvernement dès aujourd'hui, certains préférant attendre pour voir si les efforts du médiateur international Lakhdar Brahimi pour former un gouvernement de transition aboutiront. D'autres estiment qu'il faut former un gouvernement sans tarder pour empêcher tout accord susceptible de maintenir Assad au pouvoir, a expliqué Labouani. Selon une seconde source au sein de la CNS, la rencontre pourrait bien se tenir le 20 mars et même si un petit nombre de personnes y participe, elles pourraient tomber d'accord sur la formation d'un gouvernement à la majorité simple. L'économiste Oussama al Kadi fait figure de favori pour le poste de Premier ministre. L'incapacité de l'opposition à s'organiser et l'absence de solution sur le plan diplomatique continuent de favoriser l'hémorragie de réfugiés, qui pourrait encore s'accélérer cette année. Quelques jours après avoir annoncé que le nombre de réfugiés syriens avait dépassé le million, le Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) Antonio Guterres a estimé dimanche qu'ils pourraient doubler voire tripler d'ici la fin de l'année, si la tendance actuelle se poursuivait. Guterres effectue une visite de quatre jours en Turquie. Il doit à cette occasion rencontrer les dirigeants turcs et se rendre dans un camp de réfugiés proche de la frontière syrienne. La Turquie compte plus de 185 000 réfugiés syriens enregistrés dans des camps sur son territoire, tandis que des dizaines de milliers d'autres vivent probablement dans les villes. Selon les chiffres du HCR, plus de 400 000 réfugiés syriens, soit près de la moitié du total, ont quitté leur pays depuis le 1er janvier. La moitié des réfugiés sont des enfants, pour la plupart âgés de moins de 11 ans. En décembre, on comptait en moyenne 3 000 réfugiés passant les frontières chaque jour. En janvier, cette moyenne est passée à 5 000, et elle a grimpé en février à 8 000. «Si cette escalade se poursuit, nous pourrions atteindre à la fin de l'année - et rien ne va dans le sens d'une résolution du problème - un nombre bien plus important de réfugiés, de l'ordre de deux à trois fois le nombre actuel», a déclaré Antonio Guterres à la presse à Ankara. «Tout dépend si nous aboutissons ou pas à une solution politique, mais nous devons nous préparer à une très forte augmentation des chiffres actuels», a-t-il ajouté. La plupart des réfugiés syriens ont gagné le Liban, la Jordanie, la Turquie, l'Irak et l'Egypte. En plus du nombre d'exilés, le HCR rappelle que plus de 2 millions de Syriens, sur une population qui en compte 22 millions, ont été déplacés à l'intérieur même du pays. Seuls 25% de la somme 1,5 milliard de dollars (1,15 milliard d'euros) promise par la communauté internationale pour venir en aide aux déplacés syriens ont été versés, a rappelé par ailleurs le HCR. A Damas, le président Bachar al Assad a accusé la Turquie de soutenir les «terroristes». «Nous ne pouvons pas contrôler la totalité de la Syrie. Nous concentrons nos efforts sur les grandes villes. Il existe des terroristes dans les campagnes», a dit le chef de l'Etat syrien en recevant une délégation d'élus turcs du Parti républicain du peuple (CHP, opposition). Il a ajouté, selon la version des échanges diffusée dimanche par le CHP: «Soixante-quinze pour cent environ de la frontière syro-turque est aux mains du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, maquisards kurdes de Turquie)». «Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan et l'émir du Qatar ont fait de la crise syrienne une affaire personnelle (...) pour conforter leur position et appliquer leur programme islamiste en Syrie».