Recueil de poèmes, sous un générique Le patrimoine, porteur de références culturelles algériennes et qui nous fait faire un voyage dans l'espace et le temps. On ne peut pas faire une lecture attentive du livre sans que l'on découvre qu'il est conçu pour permettre à tous les passionnés de poésie de se ressourcer, sinon de se retremper dans l'histoire liée aux traditions langagières d'antan. Une poésie à connotations nationales qui reconstitue des pans entiers d'un héritage dans toute son extrême variété en partant des parties prenantes à tous les mouvements sociaux : «Femmes ! vous vous donnez tant de mal à nous sortir du néant», passage d'entrée au thème : «La femme» indicateur de repères de nos traditions littéraires, à l'exemple de «Hyzia», genre dominant en poésie populaire dont Benguittoun représente une figure de proue. On peut dire que Abderrahmane Zakad fait partie de la catégorie des poètes de génie. Il a su associer à l'art de composer des vers, des faits historiques comme Sidi Ferruch, l'Akfadou, le temps des palais sans qu'il ait eu besoin de donner des détails, préférant parler par allusion en laissant au lecteur le soin de décrypter. Et pour préciser sa pensée, il s'appuie sur deux références du patrimoine populaire. D'abord Frantz Fanon, qui dit dans un extrait des Damnés de la ter- re : «Le contact du peuple avec les contes et la poésie suscite un rythme respiratoire, des tensions musculaires oubliées et développe l'imagination». Puis Zakad cite Youcef Nacib pour cette note : «Nombreuses et anonymes furent et demeurent les poétesses en Kabylie. Elles ont excellé dans la chanson d'amour mais aussi dans le chant de travail. Ce genre est sans conteste un des plus anciens de la littérature orale amazighe». Pour nous aider à mieux aborder son livre, l'auteur a classé par rubrique ses poèmes - six au total. L'idéal aurait été de les présenter séparément, mais hélas ! cela deviendrait un long commentaire. C'est pourquoi nous optons pour l'analyse en plusieurs parties avec des rubriques chacune, à l'appui. Femmes, florilège, mon pays Nous vous les présentons dans l'ordre où ils ont été donnés en raison des liens sociohistoriques qui les ont unis depuis les origines. D'abord quatre poèmes pour un même thème «la femme», celle qui a donné sa vie à une progéniture après l'avoir mise au monde, souvent dans la douleur et qui a eu à lutter pour ses droits élémentaires qu'il lui a fallu arracher de haute lutte à ses risques et périls. Les mots, combat et décret, sont des indicateurs de cette volonté de se libérer de l'exploitation multimillénaire bien que la femme algérienne se soit libérée elle-même en participant les armes à la main à la libération du pays. Les textes non ponctués à la manière des surréalistes et composés dans le style de la poésie classique sont d'une densité sémantique remarquable. On peut les commenter à l'infini. «Poème à mère», «Amour oasien», «La beauté», «Souvenir de Hyzia» et «Femme sauvage» entrant dans une relation de complémentarité sur le thème de la femme pour ses nombreux attributs : l'amour ou l'affection d'une mère dans tous les sens de l'expression, l'amour oasien composée par référence au poète Benguitoun parlant d'un amour voué à celle qu'on aime. Ce poème portant une signature est suivi de «La beauté» traitant de la beauté en général dont il fait une peinture très nuancée, un travail de ciseleur tant le vocabulaire est assez bien choisi pour aller bien au-delà de l'indicible : «Les rumeurs berbères sous le bleutage du ciel/ont fixé la beauté et l'ont faite plus belle aux spasmes des poètes aux lèvres sans baiser / elle s'en est revenue pour plaire et s'y coller / Que n'ai-je un pinceau pour peindre la beauté» dernière strophe du poème l'Amour» «et souvenirs de Hyzia», composé en vers mais à l'allure d'un discours adressé au personnage féminin objet d'adoration pour vanter ses mérites dans un décor féerique du Sud. Est-ce là le produit d'un travail de Zakad ou de celui de Benguittoun ? En voici quelques vers qui vous donneront un avant goût de la qualité du tex-te : «J'entends, je vois, je te sens passer là tout près. Dans les masses de l'oued sec la mémoire fêlée». Quant à la «Femme courage», il s'agit de celle qui a vécu dans les pires difficultés à la montagne, qui s'est sacrifiée corps et âme aux autres. Elle a fait la révolution, s'est occupée de toutes les corvées, a marché pieds nus sur les routes pierreuses, hiver comme été, a donné naissance à de grands hommes. Florilège Terme à la mode en ces temps modernes dans tous les pays. Il s'apparente ici à une sorte de légende des siècles, en plus bref, parce qu'on y parle d'hommes et de lieux historiques. C'est d'abord «Said Mekbel» dont on connaît tout le sort malheureux, «Anthropologie» qui est la science de l'homme depuis les origines «Job», personnage des livres religieux, «Les immigrés», Sidi Ferruch que personne n'a le droit de méconnaître, les deux mendiantes, «grand-mère au marché», une diversité de thèmes dont on peut imaginer le contenu pour peu qu'on ait un aperçu sur l'histoire de notre pays. Mon pays C'est le titre de la seconde rubrique. Il s'ouvre sur «Tibane des Ath Ouaghliss», un poème composé en l'honneur de tout ce qui appartient à cette région, différente par ses traditions, ses dimensions, ses sites merveilleux, son histoire, son paysage. Puis des poèmes sur le colonialisme arrivent bien à propos avec les «manifestations de décembre 1960», «Le couchant maghrébin», «Mon pays», «La gronde dans Alger», «Les nuits de Bougie», «Timimoun». Cet extrait donne une idée de cette richesse historique : «Ibn Toumert venant de loin / Pourchassant une jeunesse gaie/ Ibn Khaldoun avec tant de soins préparait au combat contre Charles. Dans «les nuits de Bougie (actuelle Béjaîa). Le patrimoine, Afrique, Palestine Dahmane El Harrachi, comme El Anka et d'autres hommes de culture ont eu droit à des poèmes évoquant l'histoire, la Casbah d'Alger et ses palais qui racontent le passé glorieux. «Raconte Casbah» est un injonctif aussi beau qu'expressif, long poème plein d'enseignements sur la vieille cité urbaine porteuse de nombreux stigmates restant à décrypter». L'Afrique dans sa diversité a eu droit à une place qui la valorise par trois poèmes qui ne laissent rien dans l'ombre : sites, écrivains, aèdes appelés griots. Lorsqu'on dit «Baobab», titre d'un long poème ,«A l'heures des griots», on entre de plain-pied dans l'histoire, les langues, les civilisations africaines. Aux côtés de l'Afrique vient «La Palestine», si chère à tout le monde et dont le quotidien reste instable. La guerre s'y est installée avec tous les maux que cela a entraîné. Chacun de nous vit chaque jour ce qui s'y passe. On préfère parmi les poèmes qui lui sont consacrés celui qui porte le titre «Renaissance», indicateur de changement que nous lui souhaitons en bien, à l'image de la Palestine libérée en 1197 par Salah Eddine El Ayyoubi pour devenir un grand pays.