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Fragments disséminés d'une mémoire tourmentée
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 04 - 2013

C'est déjà l'aube à Alger. La lumière naissante à l'horizon permet à la baie de révéler toute sa splendeur. L'air est humide et les sirènes ont hurlé toute la nuit. Amine prie dans la petite mosquée d'El Madania. Amine a vingt-deux ans et vient juste d'avoir un fils. Il doit aujourd'hui rencontrer son destin et accomplir sa mission. Exécuter un sinistre personnage, sanguinaire, tortionnaire et assassin de dizaines des meilleurs enfants de ce pays.
Ce matin, Hector est de mauvaise humeur. Responsable de la maintenance des ascenseurs de cette petite résidence plutôt calme et agréable de l'Ouest parisien, il a décidé de ne plus parler à son voisin. Depuis qu'ils ont échangé quelques propos amers, ils ne pourront plus jamais discuter de sujets qui fâchent. Ni même être de bons voisins. Seulement deux personnes dont la probabilité de se croiser dans le hall d'entrée de l'immeuble est très petite. Hector est natif de Castiglione, aujourd'hui Bou Ismail, ville côtière de l'ouest d'Alger qu'il quitta adolescent durant l'été 62. Juif d'Algérie, ses parents étaient artisans-tailleurs. Il se souvient de ce départ précipité sous une chaleur torride et de ce bateau en partance pour d'autres rivages. Un jour, il relata à son voisin qu'adolescent il vit un colon, grand propriétaire terrien parcourant à cheval «ses immenses vergers», interpeller ses ouvriers indigènes qui travaillaient sous un soleil de plomb en usant de l'indigne vocable de «sales crouilles». Ces propos ne firent pas du tout sourire son interlocuteur qui lui asséna en guise de réponse qu'en Algérie les femmes ne s'appellent désormais plus, comme au bon vieux temps, toutes Fatma mais qu'elles ont un nom, un prénom, une dignité et surtout un pays. Hector se rend de temps à autre au Proche-Orient. Depuis que son voisin lui a dit qu'il y a dans cette région du monde de la place pour deux Etats distincts et que Jérusalem appartient aussi aux chrétiens et aux musulmans puisqu'elle abrite en son sein des lieux sacrés qui appartiennent à ces deux religions, il se vexa. Il déclara que la poire ne pourra jamais être partagée en deux et qu'«on ne les chassera plus de là-bas comme on les a chassés d'Algérie». Jamais personne ne comprit l'allusion mais tout le monde en déduit que Hector ne peut plus contenir son ardeur militante. Dans ses propos, le triste sort qu'il réserve aux Palestiniens est sidérant. Nadia étend son linge au balcon de l'appartement délabré que ses parents occupent depuis l'indépendance de l'Algérie dans ce quartier populaire d'Arles. Elle ne connaît de l'Algérie que ce que lui ont raconté ses parents. Elle n'y a jamais mis les pieds. Née en France, elle sait que son père, combattant dans les rangs de l'armée française, a dû quitter précipitamment l'Algérie au début des années soixante. Il lui arrive de penser parfois à ce pays baigné de lumière qui ne sera probablement jamais le sien. Hector exerça de nombreux métiers dans la banlieue parisienne. Il milita dans des organisations de nostalgiques de l'Algérie française souvent proches de l'extrême droite. Il les quitta l'une après l'autre car il surprit à plusieurs reprises quelques-uns de ses amis politiques, attablés avec lui autour du même repas, en train de se congratuler en utilisant le salut hitlérien. Mais il ne changea jamais d'avis ni sur l'Algérie, ni sur le colonialisme, et cultiva avec l'âge la haine des immigrés. Jacques est à la retraite. Il porte en bandoulière ses souvenirs d'ancien appelé du contingent en Algérie. Il se souvient de ces années de feu et de sang passées dans les rangs des commandos ou il dû affronter dans l'Ouarsenis la combativité et la détermination des combattants de l'ALN. La nuit, le souvenir de ses camarades morts au combat et celui des sévices infligés aux blessés algériens le hantent et l'empêchent de dormir. Il essaie d'oublier comme il peut ce pays où il vécut les plus douloureuses années de sa vie. Clothilde est dans son jardin. Elle appartient à une très ancienne famille protestante originaire de l'est de la France. Ses parents n'ont jamais visité l'Algérie. Ils n'ont connu ce pays que par le combat qu'ils ont mené pendant leur jeunesse contre le système colonialiste et contre la torture. Ses parents ont cette noblesse des justes qui vous oblige à réagir et à refuser que l'infâme ne soit commis dans le silence des consciences. Albert est proviseur d'un célèbre lycée parisien réputé pour ses classes de prépas. Il est agrégé de lettres françaises, humaniste et aime l'Algérie. Son père, natif de Blida, militant communiste et grand ami des nationalistes algériens, y était instituteur. Albert grandit au quartier des Trois-Horloges. Il aime cet endroit célèbre et demande toujours à des personnes de passage à Paris de lui décrire ce qu'est devenue cette légendaire place d'Alger. Son enfance a baigné dans la musique chaabie qu'il affectionne particulièrement. Sa famille est depuis des siècles native d'Algérie. En plus de parler l'hébreu, Léon s'exprime parfaitement en arabe et maîtrise le parler algérois. Il vit à Jérusalem et s'intéresse à l'Algérie dont il suit l'évolution de la situation politique. Il continue de rédiger à ce sujet des notes de synthèse quotidiennes en exploitant les informations qu'il reçoit de partout dans le monde. Léon quitta la France et s'installa avec ses parents en Palestine où il fit carrière dans l'armée. Il exerça ses talents de fils «d'ancien baroudeur d'Afrique du Nord» et participa activement à de nombreuses exactions commises contre le peuple palestinien, notamment à Gaza. Il déclara abusivement un jour, à propos de cette ville, n'avoir pas utilisé la «méthode algérienne» en référence à une supposée méthode utilisée dans la gestion des événements qui se déroulèrent en Algérie en octobre 1988. Contrairement à Albert et Clothilde dont les parents étaient amis et fervents défenseurs de la cause algérienne, ceux d'Hector et de Léon étaient activistes de l'Algérie française, viscéralement antimusulmans et membres pour certains d'entre eux des fameux commandos delta de l'OAS. Durant la colonisation de l'Algérie, des membres de leur familles respectives négocièrent et arrachèrent le fameux décret Crémieux qui conféra aux Juifs d'Algérie le statut de Français à part entière et les distingua des autochtones. Ces derniers demeurèrent prisonniers du fameux statut de l'indigénat qui leur conféra pendant de nombreuses décennies le statut de race inférieure dans le pays de leurs ancêtres jusqu'à ce que la révolution armée de 1954 et l'indépendance nationale ne les libèrent et leur permettent de recouvrer liberté et dignité. Les parents de Léon et d'Hector ont en réalité fui l'Algérie. Ils avaient les mains rouges. Amina est heureuse. Elle vit entourée de ses enfants et de ses petits-enfants. Sa jeunesse ne fut pas de tout repos. Durant deux décennies, elle exerça le métier de femme de ménage et travailla chez de nombreuses familles françaises pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle trima dur pour élever ses enfants, et la mort de son mari, renversé en 1957 au bastion d'Alger par un vieil autobus en partance pour Boufarik, ne lui facilita pas l'existence. A l'automne de sa vie, Amina se souvient toujours de ce passé si douloureux mais regarde l'avenir avec sérénité. Roger est un ancien curé d'une petite paroisse située dans le sud-ouest de la France. Durant de nombreuses années, il a été économe dans un établissement d'enseignement catholique situé à Alger, ville où il a vu le jour. Il a dû renoncer à sa fonction dès la rétrocession à l'enseignement public de l'établissement dans lequel il passa la plus grande partie de sa vie. Roger se souvient de ces années mouvementées algériennes. Mais il garde aussi en mémoire ces moments de partage avec les plus démunis et espère retourner un jour là-bas pour y finir ses jours. Saïd quitte comme chaque matin sa Casbah natale pour rejoindre la petite embarcation qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. La mer est de moins en moins généreuse et le poisson se fait rare. Les murs de sa maison portent encore les stigmates des combats héroïques de la Bataille d'Alger. Sais est triste de voir des pans entiers de son quartier tomber en décrépitude. La Casbah se meurt en silence et la mémoire d'Alger disparaît peu à peu. Il est parfois en colère mais est convaincu que les choses finiront par s'améliorer même si les fruits de l'indépendance ont parfois été confisqués. Albert a promis de revenir un jour à Bab el Oued. Ses amis d'Algérie et quelques-uns de ses proches, de confession juive, restés encore au pays l'appellent de temps à autre pour lui donner des nouvelles. En ce début de printemps 2013, l'air d'Alger a comme une odeur de poussière. La ville vit au rythme des soubresauts de la société algérienne et ses rues vibrent de nouveau. Tous les moments sombres de l'Algérie indépendante sont revisités et débattus par une opinion qui étouffe, refuse l'amnésie et veut se libérer de cette chape de plomb qui n'a que trop duré et qui empêche le pays d'émerger. Omar à la mine triste. Il vient d'apprendre la mort de son vieil ami et frère de combat. Un célèbre avocat algérien, grand militant de la cause algérienne et défenseur acharné des droits des plus humbles vient de quitter ce monde. Il appartenait à cette race des seigneurs, à ces justes qui ont toujours préféré l'ombre pour que la lumière puisse mieux jaillir et éclairer les autres. Que son âme repose en paix ! L'appel du Muezzin se fait entendre et la mosquée est toute proche. L'Islam illumine toujours de sa lumière la ville d'Alger. Ali vient de sortir de prison pour délit d'opinion et activités politiques dans une organisation dissoute. Il est fils unique et vit avec sa famille dans cette vieille maison du quartier de Cervantès. Ce matin, il s'est recueilli sur la tombe de son père Amine, tombé en martyr en 1959, au Clos-Salembier, sous les balles assassines de parachutistes en patrouille. Il n'a pas eu la chance de connaître ce père disparu à la fleur de l'âge après avoir accompli sa mission. Il en est particulièrement fier. Des bruits d'une colère diffuse se font parfois entendre, et décidément dans ce pays le vent de la contestation ne cessera jamais de se lever. Il faut vite partir et quitter la plage pour ne pas subir la fougue des vagues.

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