La générale de Sonate pour Darwich et la lune a été donnée mercredi, au Théâtre national algérien (TNA), à l'occasion du 65e anniversaire de la «Nakba» (catastrophe), mettant en valeur la dualité entre l'être et le néant et la détermination du peuple palestinien à vivre sur ses terres. Adaptée de l'œuvre poétique de Mahmoud Darwich et mise en scène par le Palestinien Khaled Mohamed Ibrahim Al Tarifi, la pièce s'inscrit dans le genre épique avec une forme esthétique tragique aux chorégraphies évoquant le tourment, face au sentiment d'opiniâtreté qui défie le spectre de la mort dont la sentence est chaque fois repoussée. Etre ou être (tournure antiphrastique d'être ou ne pas être de Shakespeare), a été le leitmotiv du spectacle marqué par des antagonismes intellectuels où les conflits se sont installés dans la réflexion, opposant les concepts de l'amour, du temps, de la famille, de l'honneur et du combat pour la liberté à celui de la mort pour faire régner la vie dans l'essence même de sa beauté et sa puissance. Une succession de tableaux retraçant les étapes franchies, depuis 1948, par le peuple palestinien dans son combat contre l'occupation israélienne est suggérée dans un jeu d'acteur juste et crédible. Des chorégraphies expressives bien conduites, ont été conçues sur des dualités telles que la rose dans le noir d'une nuit triste, le vol irrégulier d'un apollon guetté par le spectre de l'obscurité ou encore le cavalier, gardant dans sa besace un testament et une poignée de terre, guetté par le néant. Dans un décor nu qui a laissé émerger la puissance du texte, plus de vingt personnages sont apparus dans ce spectacle auquel a pris part Sara Dib Omar Er'Rachq, l'unique comédienne palestinienne aux côtés d'artistes algériens dont ce fut la première scène pour certains d'entre eux. L'agencement des lumières, les costumes noirs, les effets d'ombre, la musique, les bruitages et le battement régulier renvoyant au temps qui passe, entretenu durant toute la pièce, ont donné au spectacle les ingrédients nécessaires à la transmission d'émotions et la création d'atmosphères adéquates à la trame. Mahmoud Darwich est né en 1941 à El-Jallil (Palestine), encore sous mandat britannique, aujourd'hui occupé par Israël. Lors de la guerre israélo-arabe de 1948, ce village a été rasé et ses habitants, dont la famille Darwich, forcés à l'exil. Le poète, décédé en 2008, a publié son premier recueil Oiseaux sans ailes en 1960, à l'âge de 19 ans. Rédacteur du texte de la proclamation de l'Etat de Palestine, il avait acquis une notoriété internationale, avec près de trente ouvrages traduits en quarante langues. Lauréat du prix Lénine de l'ex-URSS et chevalier des Arts et des Lettres (France), l'auteur du célébrissime Eloge de l'ombre, poème plus connu sous le titre de Beyrouth, avait reçu plusieurs distinctions internationales dont le prestigieux Prix Prince Claus pour «son œuvre impressionnante». «Dans un texte poétique profond où toutes les entrées possibles convergent vers l'attachement à la terre, la poésie de Mahmoud Darwich, présente dans tous les foyers palestinien, est une arme qui finit par prendre la dimension du territoire», dira à l'APS, Khaled Mohamed Ibrahim Al Tarifi. Sonate pour Darwich et la lune est produite dans le cadre des échanges culturels entre l'Algérie et la Palestine.