Le passage de la musique diwan du milieu sacré et intime à celui de la scène artistique "peut porter préjudice au rituel ancestral, si ce dernier n'est pas préservé", a estimé, samedi à Béchar, l'universitaire spécialisé en patrimoine, Mohamed Tahrichi. Lors d'une conférence animée dans le cadre du septième festival culturel national de musique diwan, le chercheur a souligné l'évolution de ce genre pour ses pratiquants, en tant qu'expression des souffrances et de l'interaction entre l'humain et son cadre de vie, puis comme rituel sacré qui prend, aujourd'hui, la forme d'une expression artistique festive. Cette transition représente un risque de perdition des éléments - autres que musicaux - du rituel sacré, aux yeux de l'universitaire et de plusieurs cheikhs, lesquels estiment cependant que les pratiques qui ne sont pas portées sur scène disparaîtront, si elles ne sont pas préservées. Les jeunes troupes émergentes en Algérie s'orientent "naturellement" vers l'aspect spectaculaire, porteur de notoriété, omettant souvent la philosophie et le rituel du diwan, a précisé l'intervenant, tout en proposant une consultation ouverte avec les "mâalmine", les jeunes troupes, les universitaires et les organisateurs du festival afin de baliser le processus de préservation du rite. Pour Mohamed Tahrichi, la tendance à la fusion avec le diwan n'est que l'expression d'une "créativité arrivée à saturation dans d'autres genres musicaux" et elle conduit, aujourd'hui, à la perte de symboles importants du rituel, comme les couleurs et la transe. Cependant, l'universitaire estime que cette tendance a apporté au diwan une plus large diffusion, avec une aspiration à l'universalité et un élargissement de l'identité de la communauté gnawa, qui s'est ouverte à des musiciens étrangers et qui a connu une plus grande notoriété. Les troupes ont également bénéficié du succès et de la diffusion du diwan qui leur apporte une plus large médiatisation ainsi qu'une possibilité de commercialiser leur produit. Redéfinir les objectifs du festival afin de mieux servir la tradition musicale du diwan est aussi une nécessité aux yeux du chercheur qui souhaite "ne plus résumer le festival à une succession de spectacles". Le festival culturel national de musique diwan se poursuit jusqu'au 13 juin à Béchar, avec la participation de 15 troupes en compétition ainsi qu'une série de conférences autour du thème "Diwan, de l'espace sacré à la scène artistique".