Le partenariat que cherchaient à promouvoir les Etats-Unis avec les Frères musulmans ne résulte pas d'un amour immodéré pour les musulmans, mais vise à livrer une compensation au rabais des turpitudes antérieures à leur égard. V- Le «surge» d'Al-Qaïda en Syrie et le percement du Canal Ben Gourion Si le déferlement djihadiste en Syrie a permis à Al-Qaïda d'opérer un rebond spectaculaire, la plaçant en fer de lance du combat contre l'ultime pays laïc du monde arabe, la Syrie, le ralliement du Jobhat Al-Nusra, la colonne vertébrale militaire de l'opposition syrienne, à Al-Qaïda, ainsi que son allégeance au successeur d'Oussama Ben Laden, Ayman Al Zawahiri, et sa fusion avec la branche irakienne en vue de fonder un «nouveau califat» à Damas, ont constitué un revers stratégique majeur à ses anciens parrains, les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite, deux ans après l'assassinat de Ben Laden, le 2 mai 2011, au Pakistan. S'il a provisoirement réduit la pression sur l'Arabie Saoudite, l'engagement massif d'AlQaïda dans le pays qui fut le siège du premier empire arabe, l'Empire omeyade, a augmenté les risques de dissémination de terrorisme de basse intensité dans les pays européens d'accueil à forte immigration arabo-musulmane, indice indiscutable de l'échec de la guerre décennale contre le terrorisme, symptomatique du fléchissement des Etats-Unis dans la gestion des affaires du monde, en témoignent les négociations de Doha entre Américains et talibans, vainqueurs a posteriori de la guerre d‘Afghanistan. Al-Qaïda et la confrérie musulmane constituent les deux seules organisations transnationales de la sphère arabo-musulmane, l'une à vocation politique, l'autre à vocation terroriste, c'est-à-dire vouée à exercer une nuisance destructrice, jamais constructive. Si Ben Laden a exonéré les Occidentaux de leur dette d'honneur à l'égard des Arabo-Musulmans et des Africains, en substituant la thématique de la «guerre contre le terrorisme» au seul vrai débat qui vaille la contribution du monde arabo-musulman au triomphe du camp occidental dans la guerre froide soviéto-américaine et à la libération de la France du joug nazi, les Frères musulmans au pouvoir dans trois pays arabes (Egypte, Libye, Tunisie), équation incontournable en Syrie et à Ghaza, paraissent tétanisés par le poids des contradictions que leur comportement ambigu a suscité le long de leur carrière entre connivence souterraine avec le camp atlantiste et dénonciation publique de leur politique de soutien à Israël. Deux ans après le déclenchement du printemps arabe, alors qu'Al-Qaïda et sa matrice formatrice, les Frères musulmans, multipliaient les communiqués de victoire sur tous les fronts arabes, au rythme des concessions arabes sur le problème palestinien, sur fond d'un paysage dévasté d'un champ de ruines généré par la guerre mercenaire menée par des Arabes contre des Arabes pour le plus grand profit de leurs ennemis communs, Israël et les Etats-Unis, le Sud-Soudan et le Kurdistan irakien étaient promus au rang de plateformes opérationnelles israéliennes sur les deux versants du monde arabe, en superposition à la tenaille turque, avec une Palestine à l'abandon, en état de décomposition avancé, l'Irak, le Yémen, le Soudan, la Libye et la Syrie étaient déchiquetés par des guerres sectaires. Le dernier sommet arabe de Doha, en avril 2013, constitue à cet égard un chef- d'œuvre de mystification. Brièvement tenu sous les auspices du Qatar, le démiurge moderne du monde arabe, le sommet s'est borné à proposer la création d'un fonds pour Jérusalem d'un milliard de dollars, auquel son émirat contribuerait à hauteur de 250 millions. Pour «défendre Al-Qods», le secteur arabe de Jérusalem, troisième lieu saint de l'islam après La Mecque et Médine, précisera cheikh Hamad Al Thani, critiquant au passage «Israël et ses agissements», son allié souterrain dans l'étranglement financier de l'autorité palestinienne via la rétention des recettes douanières des exportations de Cisjordanie. Un milliard de dollars pour Al-Qods et rien pour l'Autorité palestinienne, alors que le Qatar finance le mouvement islamiste Hamas, grand rival de Mahmoud Abbas, qui contrôle la bande de Ghaza. S'agit-il de marginaliser l'Autorité palestinienne, pourtant reconnue par la communauté internationale comme l'interlocuteur d'Israël pour faire la paix au profit de ses amis islamistes liés aux Frères musulmans? Véritable pavé dans la mare, la démission du Premier ministre palestinien Salam Fayyad a mis à nu la réalité de l'Autorité palestinienne et de toutes les contradictions internationales et locales dont elle est à la fois victime et actrice en ce que Ramallah est reconnue comme Autorité légitime, alors que le président de l'Autorité, Mahmoud Abbas, est sans mandat électif, que le gouvernement quand bien même considéré comme le seul interlocuteur de la communauté internationale, est dans l'illégalité totale depuis 2007 et que Salam Fayyad a été installé au poste de Premier ministre par les bailleurs de fonds internationaux, notamment les Etats-Unis. Une vacuité politique, juridique et financière, sans légiti-mité...prélude au délitement de la Palestine. L'expérience de la colonisation de la Palestine a conduit Israël à coloniser des terres à travers le monde représentant vingt fois sa superficie au détriment des populations et de l'environnement des pays pauvres. En République démocratique du Congo pour la culture de la canne à sucre, au Gabon pour la culture du Jatropha, nécessaire à la production de biocarburants, en Sierra Leone où la colonisation israélienne représente 6,9% du territoire de ce pays de l'Afrique de l'Ouest. Pareille passivité –connivence ? — a été observée à l'égard de la Syrie lors des raids israéliens dans la banlieue de Damas, en mai 2013, en soutien à des opérations de harcèlement djihadistes contre le pouvoir central. Pas un Etat arabe ou islamique n'a saisi le Conseil de sécurité pour des sanctions contre Israël à la suite de cette opération qui a fait près d'une quarantaine de tués dans les rangs de l'armée syrienne. L'ultime pays du champ de bataille contre Israël, partenaire de l'Egypte dans trois confrontations majeures contre l'Etat hébreu, a été expulsé de la Ligue arabe par une coalition monarchique de huit pays abritant de bases militaires occidentales (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Jordanie, Koweït, Maroc, Qatar, Oman) ainsi que de deux confettis de l'empire Djibouti et les Comores), alors qu'Israël sans tirer le moindre coup de feu accentuait son emprise sur les ressources du monde arabe et sur son pouvoir décisionnaire. VI-La bataille des eaux du Nil et le Canal Ben Gourion L'épisode de la répartition des eaux du Nil et de la sécession du Sud Soudan auront constitué la plus grosse pantalonnade de l'histoire égyptienne contemporaine. Pour atteindre cet objectif, Israël avait mené une stratégie à double détente qui révélera la cupidité des investisseurs égyptiens et coûtera le pouvoir à Moubarak et sa place dans l'histoire. Israël avait négocié avec l'Egypte, tout en faisant des pressions indirectes sur lui, incitant les Etats africains à réclamer une majoration de leur quote-part dans la répartition hydraulique du cours d'eau, alléchant les Africains par des projets économiques et les investisseurs égyptiens par des promesses d'intéressement aux projets israéliens. En Ethiopie, Israël a financé la construction de dizaines de projets pour l'exploitation des eaux du Nil Bleu. L'accès d'Israël au périmètre du bassin du Nil, via le Sud Soudan avec le concours français et américain, s'est doublé de la mise en route de la construction d'un Canal reliant la mer Rouge à la mer Méditerranée, depuis Eilat. Disposant de deux voies de navigation, l'un pour l'aller, l'autre pour le retour, le canal israélien, contrairement à l'Egyptien concurrencera fortement le Canal de Suez et entraînera une perte de 50% des recettes égyptiennes de 8 milliards de dollars par an à 4 milliards. D'un coût de 14 milliards de dollars, il sera financé par un prêt de trois banques américaines, à faible taux d'intérêt (1%) sur trente ans. 150 000 ouvriers majoritairement d'Asie, principalement de Corée du Sud, participeront aux travaux de construction qui dureront trois ans. Plus long de 50 mètres que son rival égyptien, le canal israélien pourra absorber les plus grands bateaux du monde (longueur 300 mètres, largeur 110 mètres). Sur fond de guerre de religion de l'islam wahhabite contre la dissidence musulmane, sous couvert de «printemps arabe», (Syrie, Nord Mali), un tel projet pourrait constituer, à ne pas en douter, sinon un Casus Belli, à tout le moins un désastre économique majeur pour l'Egypte et entraîner sinon une rupture des relations diplomatiques, à tout le moins une glaciation durable des rapports entre les deux pays. Israël proposerait à la Jordanie d'aménager des sites touristiques sur la voie d'eau afin de neutraliser une éventuelle réaction de la part du deuxième pays arabe signataire d'un traité de paix avec Israël. Sur les berges du canal israélien seront aménagés des sites touristiques avec hôtels de luxe, lieux de distraction en vue d'en faire un gigantesque complexe touristique dont le périmètre sera placé sous haute surveillance électronique avec détection Laser. Le Qatar avait auparavant proposé à l'Egypte de lui louer le Canal de Suez pour cinquante ans pour la somme de cinquante milliards de dollars afin de renflouer l'économie égyptienne, à charge pour le Qatar d'assurer la sécurité de la navigation, notamment la péninsule de Sinaï des attaques terroristes et de rassurer ainsi les Israéliens. La protection du Canal et de la péninsule du Sinaï devait être assurée par des compagnies militaires privées. La principauté avait fait la même offre à la Russie de leur louer leur base de Syrie et de les placer sous la protection de l'Armée libre de Syrie, en échange de l'infléchissement de leur position dans le conflit de Syrie. Le Qatar se proposait de déployer Black Water, les mercenaires américains qui se sont illustrés en Irak, pour cette tâche. En fait l'Egypte perdrait sa souveraineté. L'idée en a été soufflée par les Israélo-Américains et viserait à empêcher l'Egypte de déployer des troupes supplémentaires, notamment une aviation dans le Sinaï. Mais le projet battait de l'aile car depuis la deuxième attaque israélienne contre Ghaza (Novembre 2012) et le rôle joué par l'Egypte, les Américains étaient satisfaits du rôle de prestataire de service du président égyptien Mohamed Morsi. Youssef Al-Qaradaoui, le prédicateur médiatique, avait d'ailleurs menacé l'Egypte de lui couper une aide de 20 milliards de dollars promise en cas de mise en échec de Morsi par le protestataire anti Constitution. Nasser avait les yeux rivés sur Tel Aviv, le néo islamisme djihadiste pétrolier rêve d'un califat, alors qu'Israël doté du feu nucléaire, d'un dôme d'acier anti missiles, de cinq sous-marins fournis par l'Allemagne, de deux plateformes opérationnelles au cœur du monde arabe, au Sud Soudan, sur le parcours du bassin du Nil, au Kurdistan irakien, à la charnière du monde arabo-turco-iranien, a parachevé la phagocytose de la Palestine transformée en lambeaux, entreprenant une colonisation des terres d'une superficie vingt fois supérieures à son territoire originel, réussissant à détourner partiellement les quotas hydraulique du Nil au bénéfice de ses alliés, démarche ultime avant l'estocade finale la construction d'un canal rival au Canal de Suez et la reconnaissance d'Israël comme «Etat juif», verrouillant toute revendication future des Palestiniens à un hypothétique «Droit au retour» sur la terre de leurs ancêtres. Nasser avait les yeux rivés sur Tel Aviv, quand ses successeurs, les islamistes revanchards destituaient sa statue en Libye, que Youssef Al Qaradaoui, le prédicateur de l'Otan, implorait les Américains de bombarder la Syrie, tournant le dos à leur histoire nationale à la quête d'un passé mythique, sans doute problématique, alors que les combattants palestiniens de Syrie prenaient en otage des Casques Bleus de l'ONU à la frontière syro-israélienne, plutôt que de se lancer dans un combat visant la libération de leur terre natale que le Hamas, bénéficiaire de l'hospitalité active de la Syrie pendant seize ans, s'alliait avec Al-Qaïda pour s'emparer du contrôle de camp Yarmouk dans la banlieue de Damas pour en faire un vivier de combattants anti-régime baasiste, troquant une alliance stratégique pour une nouvelle alliance sur une base sectaire, le sunnisme wahhabite, et son alignement sur les pétromonarchies, les vassaux des Etats-Unis. Indice d'une défragmentation mentale absolue, sans pareille dans les annales des relations internationales, dont les vassaux wahhabites de l'Amérique, l'Arabie Saoudite et le Qatar, en portent la très lourde responsabilité. (Suite et fin)