Le président Bachar al-Assad a accordé une interview au journal français Le Figaro, au cours de laquelle il a affirmé que la stabilité dans la région dépend de la situation en Syrie. Le Figaro : Les Américains et les Français vous ont accusent d'avoir déclenché une attaque à l'arme chimique le 21 août dans la région de Ghouta, qui a fait des centaines de morts. Pouvez-vous nous fournir une preuve que votre armée n'a pas commis cette attaque ? Bachar Al-Assad : Premièrement, quiconque accuse doit donner la preuve. Nous les avons défiés d'avancer une seule preuve ; ils en ont été incapables. Nous les avons défiés de donner une seule preuve à leurs peuples. Puisque les politiques extérieures se décident au nom des peuples et de leurs intérêts. Mais ils n'ont pas pu le faire. Deuxièmement, parlons de la logique de cette accusation, si elle est raisonnable ou pas. A présent, je vous pose la question suivante : nous combattons depuis deux ans, et je peux dire que notre situation sur le terrain est aujourd'hui bien meilleure qu'elle ne l'était l'année dernière par exemple. Comment une armée, dans n'importe quel Etat, peut-elle utiliser des armes de destruction massive, au moment même où elle réalise un progrès moyennant des armes conventionnelles ? Soyons très précis : je ne dis nullement que l'armée syrienne possède ou non de telles armes. C'est une question qu'on ne discute pas. Mais supposons que cette armée souhaite utiliser des armes de destruction massive, si elle en possède, est-il possible qu'elle le fasse dans une zone où elle se trouve elle-même ? Où en est la logique ? En plus, est-il possible d'utiliser des armes de destruction massive dans la banlieue de la capitale sans tuer des dizaines de milliers de personnes, car ces matières se transportent par le vent ? Des éléments de l'armée syrienne ont-ils été atteints par de telles armes ? Oui, dans la région d'Al-Baharieh dans la banlieue de Damas. Le comité d'enquête a rencontré les soldats hospitalisés. Certains disent que l'armée a sans doute réalisé certains progrès. Mais vous vouliez aussi, en fin de compte, en finir définitivement avec cette opposition, qui progresse dans d'autres endroits ? Encore une fois, les zones dont on parle sont des zones peuplées. Y utiliser des armes de destruction massive signifie des dizaines de milliers de morts. Toutes les accusations se fondent sur les allégations des terroristes et sur des images vidéo arbitraires diffusées sur Internet. Les Américains disent avoir capté un entretien téléphonique entre un de vos responsables et un élément de l'armée lui donnant l'ordre d'utiliser ces armes... Si les Américains, les Français ou les Britanniques disposaient d'une seule preuve, ils l'auraient annoncée dès le premier jour. Nous ne discutons pas des rumeurs, ni des allégations. Nous ne discutons que les faits. Si ce qu'ils disent est vrai, qu'ils en donnent la preuve. Serait-il possible que certains responsables ou certains éléments de l'armée aient pris cette décision sans votre aval ? Encore une fois, j'affirme que nous n'avons jamais dit posséder de telles armes. Votre question insinue des choses que je n'ai pas dites, et que nous n'avons ni confirmées ni niées en tant qu'Etat... mais normalement, dans les pays qui possèdent une telle arme, la décision est centrale. De toute manière, vous évoquez une question que nous ne discutons avec personne en tant qu'Etat, car c'est une question purement militaire. Mais Hihad Makdiddi l'a bien dit ? Non... à l'époque, Jihad a dit : «Si nous possédons une telle arme, nous ne l'utiliserons pas.» Le fait de la posséder ou non est une affaire purement syrienne et ne concerne que nous. Le président Obama a reporté les frappes militaires sur votre pays. Comment expliquez-vous cette décision ? Certains estiment que le président Obama a fait preuve de faiblesse en temporisant l'agression, ou en la reportant pour quelques jours ou quelques semaines... Certains ont vu en lui le chef fort d'une grande puissance, parce qu'il a menacé de déclencher la guerre contre la Syrie. Quant à nous, nous estimons que l'homme fort est celui qui empêche la guerre, et non celui qui l'enflamme... L'homme puissant est celui qui reconnaît ses erreurs. Si Obama était fort, il aurait dit publiquement : «Nous ne disposons pas de preuves sur l'usage de l'arme chimique par l'Etat syrien.» Il aurait dit publiquement : «La seule voie est celle des enquêtes onusiennes. Par conséquent, revenons tous au Conseil de sécurité.» Mais à mon avis, il était faible parce qu'il a subi les pressions intérieures et a menacé de déclencher la guerre. C'est notre opinion. Je vous ai dit que par la force des choses le fort est celui qui empêche la guerre et non celui qui la déclenche et l'attise. Que diriez-vous aux membres du Congrès américain qui doivent voter pour ou contre cette frappe ? Quiconque souhaite prendre cette décision doit, avant de voter, se poser la question évidente suivante : les guerres qu'ont-elles apportées aux Etats-Unis ou même à l'Europe ? Le monde qu'a-t-il gagné de la guerre contre la Libye ? Qu'a-t-il gagné du support apporté au terrorisme en Libye ? Qu'a-t-il gagné de la guerre en Irak et ailleurs ? Que gagnera-t-il du renforcement du terrorisme en Syrie ? La tâche de tout membre du congrès consiste à servir l'intérêt de son pays. Avant de voter, il doit agir en fonction de l'intérêt de son pays... Quel serait l'intérêt des Etats-Unis dans la croissance de la perturbation et de l'extrémisme au Moyen Orient ? Quel serait leur intérêt à poursuivre ce que Georges Bush avait commencé, à savoir répandre les guerres dans le monde... S'ils raisonnent logiquement et en fonction de l'intérêt de leur propre pays, ils ne verront aucun intérêt dans de telles guerres. Mais vous savez que, dans beaucoup de cas, leurs positions politiques n'émanent pas toujours du bon sens. Comment entendez-vous riposter à cette attaque au cas où elle aura lieu ? Aujourd'hui, vous parlez d'un tonneau de poudre qui est le Moyen-Orient. Le feu s'approche énormément de ce tonneau. Il ne s'agit pas seulement de la riposte syrienne, mais bien de ce qui pourrait se produire après la première frappe... Celui qui élabore aujourd'hui le plan de la guerre peut vous répondre en ce qui concerne le premier pas seulement, c'est-à-dire sur ce qu'il va faire lui-même. Mais après... Personne ne peut savoir ce qui se passera. Tout le monde perdra le contrôle lorsque le baril de poudre explosera... Personne ne dispose d'une réponse sur ce qui se passera en fin de compte. Ce qui est certain c'est qu'il y aura partout le chaos, la guerre, l'extrémisme et ses répercussions. Le danger d'une guerre régionale se pose-t-il ? Bien sûr. Ce risque vient même au premier plan. La question ne relève pas seulement de la Syrie, mais de toute une région intégrée, étroitement liée sur le plan social, politique et militaire. Il est dons normal que les défis soient régionaux et non seulement syriens. Par exemple, Israël serait-il un de vos objectifs ? Vous ne vous attendez quand même pas que je révèle quelle sera notre riposte ? Il n'est pas logique d'annoncer notre plan, mais comme je viens de le dire, puisque les acteurs sont nombreux, parler d'un seul acteur minimise l'importance de ce qui se produira. Que diriez-vous à la Jordanie où des homme armés se sont entraînés ? Au cas où les extrémistes réalisent une avancée, quel sera à votre avis le danger qui menace la Jordanie ? Notre politique consiste à ne pas exporter nos problèmes aux pays voisins. Nous traitions donc avec des milliers de terroristes déjà venus de la Jordanie, et nous les frappions à l'intérieur même de la Syrie... La Jordanie, par ailleurs, a déjà annoncé qu'elle ne servira de base à aucune opération militaire contre la Syrie. Mais si nous ne parvenons pas à frapper le terrorisme en Syrie, il passera tout naturellement dans d'autres pays. L'extrémisme et le chaos se répandront davantage. Vous mettez donc en garde la Jordanie et la Turquie ? Nous l'avons dit à plusieurs reprises, et nous leur avons envoyé des messages directs et indirects. Je pense que la Jordanie en est consciente, malgré les pressions qui s'y exercent pour qu'elle devienne un lieu de passage pour le terrorisme. Quant à Erdogan, je ne pense pas du tout qu'il est conscient de ce qu'il fait... L'important aujourd'hui pour la Syrie est de frapper le terrorisme sur son territoire. - Quelle sera la réaction de vos alliés, Hezbollah et Iran, au cas où une attaque est perpétrée contre la Syrie ? Comptez-vous le cas échéant sur leur soutien ? Je ne veux pas parler à leur place. Cependant, leurs déclarations étaient claires. Puisque nous avons dit que la question était régionale, personne ne saurait dissocier les intérêts de la Syrie de ceux de l'Iran ; ni les intérêts de la Syrie, de l'Iran et du Hezbollah de ceux d'autres pays qui nous soutiennent. Aujourd'hui, la stabilité de la région dépend de la situation en Syrie. La Russie en est consciente, aussi ne défend-elle pas le président ni l'Etat syrien mais bien la stabilité dans la région... car cela aura aussi des effets sur la Russie. Voir les choses sous l'angle d'une coalition entre la Syrie et l'Iran serait superficiel et limité. La question en est beaucoup plus grande. Les Russes vous ont-ils assuré qu'ils maintiennent des contacts avec les Américains pour atténuer la frappe? Je ne pense pas qu'on fasse confiance aux Américains. Aucun Etat au monde ne peut garantir à quiconque que les Américains engageront ou non une action contre tel ou tel pays. Aussi, nous ne cherchons pas de telles rassurances... Les Américains disent une chose le matin, et la contredisent complètement le soir ... Tant que les Etats-Unis ne suivent pas et n'écoutent pas les Nations unies, nous ne devons pas être rassurés. (Suite de la page 5) Comment peut-on arrêter la guerre et la crise qui dure depuis deux ans et demi en Syrie? Vous avez proposé un gouvernement d'union nationale, la communauté internationale a proposé Genève 2. Comment peut-on arrêter le bain de sang ? Lorsque la crise est à ses débuts et que vous parlez de solution, c'est totalement différent que lorsque vous parlez de solution à l'heure actuelle... J'ai dit dès le début que la solution devait avoir lieu par le dialogue... Le dialogue entraîne des solutions et engendre des idées qui s'appliqueront à travers des mesures politiques. Aujourd'hui, la situation est différente. Nous combattons des terroristes. 80%–90% de ceux que nous combattons appartiennent à Al-Qaïda. Ceux-là ne s'intéressent pas à la réforme, ni à la politique, ni aux lois. Ceux-là, le seul moyen de leur faire face est de les liquider. C'est alors que nous pourrions parler de mesures politiques. Pour répondre donc à votre question, la solution aujourd'hui consiste à arrêter de faire venir les terroristes en Syrie, de leur fournir des armes, et de leur apporter un soutien financier et autre. Qui leur apporte ce soutien ? L'Arabie Saoudite en premier lieu, la Turquie, la Jordanie (à travers l'infiltration des personnes armées), la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Avez-vous des preuves que la France a livré des armes aux terroristes ? Les positions politiques de la France, sa provocation qui met en exécution les politiques d'autres pays comme le Qatar et autres en sont la preuve pour nous. Etes-vous prêt, M. le Président, à inviter les responsables de l'opposition à venir en Syrie, à vous réunir avec eux, à leur présenter des garanties sécuritaires et à leur dire asseyons-nous ensemble pour trouver une solution ? En janvier dernier, nous avons lancé une initiative qui comprenait tout ce que vous venez de dire, et même plus. Cependant, l'opposition dont vous parlez a été fabriquée à l'étranger. Elle est made in France, Qatar... mais certainement pas made in Syria. Elle suit donc forcément les ordres de ceux qui l'ont fabriquée. Il n'était pas permis aux membres de cette opposition de répondre favorablement à cet appel, ni donc aux solutions politiques. Par ailleurs, ils ne disposent d'aucune base populaire. Malgré tout, nous les avons invités mais ils n'ont pas répondu à cette invitation. Mais certains n'ont pas répondu parce qu'ils craignaient pour leur vie. Ils craignent qu'ils ne soient emprisonnés comme ce fut le cas avec Abdelaziz Al-Khayer. Pouvez-vous leur donner des garanties ? Nous leur avons donné ces garanties, et moi-même j'ai évoqué ces points politiques y compris des garanties sécuritaires à toute personne qui vient en Syrie pour le dialogue. Mais ils ne sont pas venus, ou on ne leur a pas permis de venir. Dire qu'ils craignent être tués ou arrêtés, nous n'avons ni tué ni arrêté personne de l'opposition. Ils se trouvent en Syrie, les amis et les collègues d'Abdelaziz Al-Khayer... Vous pouvez les rencontrer ici même, en Syrie. Pourquoi agresser ou arrêter quelqu'un et laisser les autres ? Où en est la logique ? Cela est insensé. Comment expliquez-vous la position de la France aujourd'hui à votre égard ? Vous êtes venu plusieurs fois en France... Ce n'était pas une relation d'amitié... C'était une tentative de la part de la France de changer l'orientation de la politique syrienne, et ce, à la demande des Etats-Unis. C'était une chose tout à fait claire pour nous. Même le virement positif vis-à-vis de la Syrie en 2008 s'est fait sous l'influence du Qatar... pour être clair, la politique de la France vis-à-vis de la Syrie dépendait totalement du Qatar et des Etats-Unis. Les parlementaires français se réuniront mercredi. Aujourd'hui, il y a un grand débat en France. Certains pensent que Hollande est allé trop loin dans cette affaire. Quel discours adressez-vous aujourd'hui aux parlementaires français avant qu'ils se réunissent et votent ? Il y a quelques jours, le ministre français des Affaires étrangères aurait déclaré : la participation de la France attend le Congrès américain. Il n'a pas dit qu'il attendait la décision du Parlement français. Je vous demande donc de qui dépend le gouvernement français dans ses prises de décisions, du Parlement français ou du Congrès ? Depuis 2003, suite à l'invasion de l'Irak, la France a décidé de renoncer à son indépendance et est devenue la subalterne de la politique américaine. C'était vrai pour Chirac après la guerre, mais aussi pour Sarkozy, et aujourd'hui pour Hollande. La question est de savoir si la réunion du Parlement français signifiera que les Français retrouveront l'indépendance de la décision de la France. Nous souhaitons que la réponse soit positive. Je dirais à ce moment-là aux parlementaires français : que chacun décide en fonction de l'intérêt de la France. Les représentants du peuple français soutiendront-ils l'extrémisme et le terrorisme ? Se mettront-ils du côté de ceux qui ont perpétré les attaques du 11 septembre à New York, ou l'attentat du métro en Espagne ? Les députés du peuple français se mettront-ils du côté de ceux qui ont tué les innocents en France ? Comment pourront-ils s'opposer à des gens comme Mohamed Merah en France, et les soutenir en Syrie ? Comment la France peut-elle combattre le terrorisme au Mali et le renforcer en Syrie ? La France deviendra-t-elle un exemple de la politique du deux poids deux mesures promue par les Etats-Unis ? Comment les parlementaires français pourront-ils convaincre leurs concitoyens que la France est un Etat laïque, et en même temps appuyer ailleurs l'extrémisme et le confessionnalisme ; un Etat qui appelle à la démocratie mais dont l'allier principal c'est des Etats qui appartiennent au Moyen-Âge comme l'Arabie Saoudite. Je dis aux parlementaires français : revenez aux principes de la révolution française dont le monde entier s'en est enorgueilli : liberté, égalité, fraternité. Si la France intervient militairement, les intérêts nationaux de la France seront-ils affectés en Syrie ou dans la région ? Cela dépend des répercussions de la guerre. Mais la France perdra certainement ses intérêts. Il y a une sorte de mépris dans la politique de la France, cela est devenu clair et se reflète directement sur les intérêts. Il y aura des répercussions, négatives bien entendu, sur les intérêts de la France. Surtout que des pays importants dans la région commencent à s'orienter vers l'Est, et non plus vers l'Europe comme auparavant. Les alternatives sont disponibles, ainsi que le respect mutuel entre nous et ces pays. Donc, vous appelez à la raison et à la sagesse ? A la raison et à la morale. Entendez-vous présenter votre candidature l'année prochaine aux élections présidentielles ? ça dépend, à ce moment-là de la volonté du peuple syrien. Si je sens que le peuple le souhaite, je n'hésiterai pas à le faire, bien au contraire. A présent, nous n'avons pas de statistiques à ce sujet, mais nous avons des indices. L'indice principal, c'est que lorsque vous combattez des terroristes qui viennent de plus de 80 pays et qui sont appuyés par l'Occident et par certains Etats arabes, et que le peuple ne veut pas de vous, vous ne pouvez pas continuer. Puisque la Syrie a résisté pendant 2 ans et demi, c'est là un indice important quant à l'existence d'un soutien populaire. Dans cette crise, M. le Président, jusqu'où vous êtes prêt à combattre ? Ce n'est pas nous qui avons choisi de combattre. Nous avons deux choix : nous battre et défendre notre pays contre le terrorisme, ou capituler. L'histoire de notre région ne nous indique pas que nous ayons capitulé auparavant. Cette région a toujours vécu des guerres. Elle n'a jamais capitulé et ne capitulera jamais. Donc, vous allez vous battre jusqu'à sacrifier votre vie pour la Syrie ? Lorsqu'il s'agit d'une question patriotique tout le monde se bat, et tout le monde se sacrifie pour sa patrie... Aucune différence entre président et citoyen... ce n'est pas une affaire personnelle. En quoi c'est utile si vous vous restez en vie alors que votre patrie est mourante ? Est-ce que vous assumez, M. le Président, toutes les erreurs commises et tout ce qu'a fait votre armée et les forces de sécurité ? Pensez-vous qu'il y a eu des erreurs commises ? Tout être humain risque de se tromper. Si vous ne vous trompez pas c'est que soit vous n'êtes pas humain, soit vous ne travaillez pas. Moi, je suis humain et je travaille... Mais lorsque vous voulez évaluez une erreur quelconque, vous devez prendre du recul. L'évaluation doit se faire après et non pendant la production de l'événement. Il faut bien attendre les conséquences de l'action. A présent, nous sommes au cœur de la bataille. Lorsqu'elle prendra fin, nous serons en mesure d'évaluer les résultats et nous dirons qu'on avait raison ici ou qu'on s'est trompé là. Etes-vous sûr que vous allez gagner la bataille ? L'histoire de notre région nous dit que lorsque les peuples se défendent, ils vaincront. Cette guerre n'est pas celle du président, ni celle de l'Etat. C'est la guerre de toute la patrie, et nous remporterons la victoire. Malgré tout, votre armée a perdu certaines régions au nord, à l'est, au sud. Pensez-vous que vous allez récupérer ces zones militaires ? Notre problème n'est pas d'avoir la terre sous notre contrôle ou sous celui des groupes armés. Il n'y a pas un endroit où l'armée a voulu entrer sans pouvoir y pénétrer. Le vrai problème réside dans la poursuite du pompage des terroristes à travers les frontières. Il réside aussi dans le changement que les terroristes ont pu introduire sur le plan social dans les zones où ils ont pénétré. Votre ancien ami Moratinos m'a dit, il y a quelques jours : «Qu'est ce qui se passe dans la tête de Bachar Al-Assad ? Comment peut-il commettre de tels actes de violence dans son propre pays ?» Il faut plutôt se poser la question de savoir comment la France a permis de tuer des terroristes qui ont terrorisé les citoyens français chez eux ? Comment a-t-on fait face au désordre au Royaume-Uni l'année dernière ? Pourquoi l'armée américaine est-elle descendue à Los Angeles dans les années 90 ? Pourquoi est-il permis aux autres pays de lutter contre le terrorisme, alors que cela n'est permis en Syrie ? Pourquoi n'est-il pas permis que Mohamed Merah se trouve en France pour tuer, alors qu'il est permis aux terroristes de se trouver en Syrie pour tuer ? Depuis le début de la crise, quels changements y-a-t-il eu sur votre quotidien en tant que dirigeant de l'Etat ? Après 2 ans et demi de la crise, certains disent que Bachar Al-Assad dirige seul le pays. ? C'est bien ce que je vous ai répondu tout à l'heure. Si l'Occident était contre moi, mon peuple aussi, et que j'étais seul, comment pourrai-je alors être en mesure de diriger le pays ? C'est illogique. Je continue grâce à l'appui du peuple et à la puissance de l'Etat. Malheureusement, lorsqu'on nous regarde de l'Occident, on ne voit pas les choses d'une manière réaliste. Plusieurs journalistes français sont retenus en Syrie. Avez-vous de leurs nouvelles ? Est-ce que c'est le pouvoir qui les détient ? Détenus chez nous ? Ils ont été pris en otages au nord... S'ils sont des otages chez les terroristes, c'est aux terroristes qu'il faut demander de leurs nouvelles. Si, par contre, l'Etat arrête quiconque pour être entré dans le pays de manière irrégulière, il sera traduit en justice. Il ne sera pas gardé en prison. Il sera jugé selon les lois syriennes, et tout le monde le saura. Souhaitez-vous élaborer une collaboration sécuritaire avec la France, ce qui se produisait d'ailleurs dans le passé ? Toute sorte de coopération, qu'elle soit sécuritaire, militaire ou même économique a besoin d'un accord politique. Nous ne pouvons pas avoir une collaboration sécuritaire avec n'importe quel Etat quand les intérêts politiques sont en contradiction. Lorsque votre père est décédé et que vous êtes allé en France, le président Chirac vous a reçu. Votre image a complètement changé... La question est de savoir plutôt si la réalité de la personne a changé. L'image est modifiée par les médias à leur manière. Ma réalité n'a pas changé. Je suis quelqu'un qui appartient au peuple syrien. Je défends ses intérêts. Je suis indépendant, non soumis aux pressions extérieures. Je coopère avec les autres de manière à sauvegarder les intérêts de mon pays. Ils ont mal compris ces choses-là. Ils ont pensé qu'un jeune président c'est quelqu'un à qui on peut dicter ce qu'il doit faire et ce qu'il ne doit pas faire. Ils ont pensé que si j'avais fait mes études en Occident, ça veut dire que j'ai perdu ma culture authentique... C'est une manière naïve et superficielle de voir les choses. Je n'ai pas changé. Dès le début, ils m'ont vu autrement. Ils doivent accepter l'image du Syrien attaché à l'indépendance de son pays. La France est-elle devenue un pays ennemi de la Syrie ? Quiconque contribue au renforcement financier et militaire des terroristes est l'ennemi du peuple syrien. Quiconque contribue à tuer un soldat arabe syrien est l'ennemi de la Syrie. Quiconque œuvre contre les intérêts de la Syrie et de ses citoyens est un ennemi. Je ne parle pas du peuple, car je vois que le gouvernement français va à l'encontre de l'intérêt et de la volonté de son peuple. Il faut faire la distinction entre peuple ennemi et Etat ennemi. Le peuple français n'est pas un ennemi, mais la politique de son Etat est hostile au peuple syrien. Donc, l'Etat français est-il aujourd'hui un ennemi de la Syrie ? Dans la mesure où la politique de l'Etat français est hostile au peuple syrien, cet Etat sera son ennemi. Cette hostilité prendra fin lorsque l'Etat français changera de politique.