Le début des années 2000 a été marqué par les affaires Enron aux Etats-Unis et Vivendi en France, avec la découverte de nombreuses irrégularités comptables. Ces scandales financiers ont mis à jour les pratiques de certains grands groupes : manque de transparence financière et défaillance de la gouvernance d'entreprise. Plusieurs pays ont réagi en adoptant des lois visant à renforcer la transparence dans les affaires pour sécuriser les tiers et reconquérir la confiance du public : les Etats-Unis avec la loi «Sarbanes-Oxley Act» (SOX) de juillet 2002 et la France avec la loi de «Sécurité Financière» (LSF) adoptée en août 2003. Ces lois ont pour objectifs d'accroître la responsabilité des entreprises, de rendre la communication de l'information financière plus fiable et de lutter contre les comportements déviants et frauduleux des entreprises par un renforcement du contrôle interne. Autant ce concept de contrôle interne est-il largement répandu dans les grandes entreprises, autant il ne semble pas familier dans le monde des petites et moyennes entreprises (PME). En dehors de la communauté financière : experts-comptables, commissaires aux comptes et financiers d'entreprise, la fonction du contrôle interne est souvent ignorée. Une définition, très précise, a été donnée par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) en France : «le contrôle interne est constitué par l'ensemble des mesures de contrôle, comptable ou autre, que la direction définit, applique et surveille, sous sa responsabilité, afin d'assurer la protection du patrimoine de l'entreprise et la fiabilité des enregistrements comptables et des comptes annuels qui en découlent». Autrement dit, le contrôle interne est un ensemble de moyens mis en place dans une entreprise, faisant partie intégrante de son organisation avec un objectif préventif et demeurant sous la responsabilité de la direction. En examinant les caractéristiques de nombreuses entreprises algériennes et en les confrontant aux principes fondamentaux du contrôle interne, force est de constater que le contrôle interne est un point de vulnérabilité. Les causes sont évidemment faciles à deviner. Les dirigeants sont exclusivement préoccupés par l'activité principale de l'entreprise et l'aspect commercial ; ils se désintéressent souvent des aspects administratifs et comptables, voire même les traitent avec mépris. Ce désintérêt se traduit généralement par l'inexistence ou l'insuffisance des principes classiques de contrôle interne dans une entreprise : séparation des fonctions, contrôles et formalisation des procédures. L'absence de cette culture «contrôle interne» chez nos chefs d'entreprise explique en partie le manque de grandes PME dans le tissu économique algérien. Passer du stade du «moins de 10 salariés» à celui du «plus de 250 salariés» est un pas que les PME algériennes sembleraient avoir du mal à franchir. La mise en place de dispositifs ou principes de contrôle interne pourrait, sans aucun doute, les aider à franchir ce cap. Pourquoi ? Parce que d'un point de vue pratique, le contrôle interne n'a d'autre finalité que de rationaliser le pilotage et la gestion de l'entreprise, surtout en phase de développement et de croissance lorsque les informations à traiter deviennent beaucoup plus nombreuses. Pour ce faire, le contrôle interne se fixe comme objectifs primordiaux : des comptes sincères et fiables traduisant de manière exhaustive la réalité des flux et du patrimoine de l'entreprise, des processus métiers décrits et suivis permettant d'optimiser la performance de l'entreprise et de prévenir tout dérapage ou fraude, des opérations conformes aux lois et aux règlements, et enfin, la préservation de l'intégrité des décisions prises par le management. On imagine mal des dirigeants d'entreprise qui ne souhaiteraient pas souscrire à de tels objectifs ! Nul doute, dans ce contexte, que la mise en place d'une bonne organisation, la délégation adaptée de responsabilités, un bon système de contrôle de gestion, en somme un bon dispositif de contrôle interne constitue un facteur essentiel, même s'il n'est pas suffisant en tant que tel, de la croissance de nos PME. A l'inverse, des faiblesses dans le dispositif de contrôle interne génèrent une multitude de risques – erreurs, fraudes, détournements...- et entraîneront, sans aucun doute, la disparition de l'entreprise à terme. Les dirigeants d'entreprise et les actionnaires sont-ils prêts à prendre ce risque ?