Beaucoup fut dit et écrit sur les responsabilités autour de l'attaque contre le site de Tiguentourine. La Sonatrach essuya les foudres de nombre d'experts ad hoc au sujet des défaillances sécuritaires. Des interrogations fusèrent sur la vulnérabilité des frontières et sur le renseignement. Mais peu a été dit sur la responsabilité de la machine diplomatique en tant que première ligne de défense de la sécurité du pays. D'ailleurs, l'Algérie ne s'impliqua plus dans la résolution des crises et des conflits en Afrique et guère plus dans son voisinage immédiat sous prétexte de non-ingérence. Sauf que ce principe général n'est pas à confondre avec la passivité. A s'abriter derrière une fausse compréhension de ce principe général, on finit par se figer dans l'attentisme et par s'éloigner du devoir de solidarité en pensant se mettre ainsi à l'abri de la tectonique annoncée des déstabilisations. A ne pas vouloir aider nos voisins pour éteindre l'incendie qui sévissait chez eux, le brasier finit par nous atteindre. Notre propre expérience de lutte isolée contre le terrorisme nous incitait à développer une ligne de solidarité active pour donner de la cohérence au discours politique. On se doit de réaliser que l'attaque sur Tiguentourine fut peut-être le prélude à ce qui peut attendre l'Algérie au moindre faux pas dans le fil d'un agenda caché prêt à l'emploi. Il est possible que cette action fût menée pour tester les capacités de l'Algérie à réagir ou à endiguer une opération de déstabilisation de plus grande ampleur le moment venu. Cette attaque terroriste pulvérisa le discours diplomatique sur «les pays du champ» et mis à nu une impuissance à faire front aux menaces qui s'amoncelaient depuis quelques temps, encore moins à anticiper sur les dangers qui commençaient à cerner l'Algérie ou à les éloigner par des initiatives diplomatiques. Le grand reflux diplomatique a été payé cash en la circonstance de Tiguentourine. Dans l'optique du commanditaire potentiel de l'opération sur ce site, l'attaque lui aura permis de tirer au moins un enseignement: si la Défense algérienne a fortement amélioré sa capacité de réaction (il devra compter avec elle à l'avenir), la diplomatie algérienne, en revanche, se révéla un rempart inexistant. Cela, sans compter les positions algériennes qui se sont dangereusement effrités : sur le Sahara occidental, l'Algérie a perdu l'initiative en se figeant dans une attitude qui lui a valu une effrayante cascade de retraits de reconnaissances. Cette érosion diplomatique n'est pas sans induire un problème sécuritaire critique puisque tout problème de cette nature resté non résolu par l'instrument diplomatique, reporte sa charge sur l'instrument militaire. En Afrique, elle fut réduite à assister en observateur à des réunions de la CEDEAO affectant la sécurité de ses propres frontières et sur la stabilité dans son voisinage le plus immédiat, et à la Ligue arabe, une si peu glorieuse maison, elle s'y fit maltraiter par le dernier venu sur la scène internationale. On peut légitimement s'interroger sur la consistance de la théorie dite des «pays du champ», ressassée à l'envie, ainsi que d'autres «vecteurs d'illusions», comme le Nepad et autres initiatives sur la bonne gouvernance en Afrique, dont le citoyen attend toujours l'effet de retour pour le pays. La théorie dite des «pays du champ» fut elle de quelque apport ou bénéfice dans la gestion internationale de l'agression contre notre pays ? On pouvait s'attendre à un retour sur investissement (à grand frais) sur ces vecteurs multilatéraux ? La bonne gouvernance en Afrique est à l'ordre du jour en Algérie, aujourd'hui même. L'Algérie donne t-elle l'exemple ? Peut-elle se vanter d'une quelconque exemplarité comme elle s'en prévalut des années durant ? Quel message de «bonne» gouvernance va-t-elle porter ? Quelle figure face à la communauté des Nations ? Il fut un temps où les services de l'Algérie étaient recherchés pour des médiations internationales y compris pour la libération des otages. Mais voilà que nos propres diplomates sont pris en otages. A Gao, malgré l'imminence du danger, et alors qu'ils s'apprêtaient à quitter la ville, ils furent maintenus sur place. Dans les heures qui suivirent, ils ont été enlevés. Dans le danger, ils n'ont pas été protégés. Tout comme a été mollement protégé un haut responsable longtemps resté entre les griffes d'un petit juge d'outre mer. En fait, notre diplomatie avait besoin de donner de la voix et d'un tant soit peu d'anticipation pour faire face aux défis et aux dangers qui ont finit par l'encercler. Ce ne fut pas faute pour une poignée de cadres de dire leur indignation et de sonner l'alarme, à maintes reprises, mais en vain. Les tenants du tout était «normal» imposait leur ascendant politique ; à l'image du discours ambiant suivant lequel tout va «normalement» dans notre pays. Seulement, gare aux effets dévastateurs de ce syndrome du «normal» alors que des menaces planent, que des dangers rodent autour de l'Algérie. Ce «normal»-là est indigeste pour nous. Il l'est aussi aux yeux des pays normaux. Le cas «Tiguentourine» fut le révélateur à ciel ouvert et le plus dramatique d'une situation d'ensemble que l'opinion publique, les professionnels et les observateurs vivaient comme une descente vers la déchéance. Que de fois l'Algérie a été maltraitée, agressée, y compris par ses voisins, sans qu'elle n'ait eu à redire. Mais c'est peut-être la fin d'une époque. Les illusions d'optique tirent à leur fin. Un jour, il faudra demander pardon aux batailleurs diplomatiques du FLN et de la grande équipe des négociateurs d'Evian. Notre pays a besoin de renouer avec tout son background historique pour se projeter dans un monde globalisé, toujours idéologisé, menaçant, multipolaire et hautement sophistiqué. Pour rependre son ascendant, l'Algérie peut construire une vision globale et formuler un dessein économique de performance pour fabriquer du sens et des objectifs externes. On va le faire. L'Algérie va y arriver. Pareille ambition pour notre pays n'est pas à la portée de colporteurs d'illusions. Elle n'est pas à la portée de marchands de souk politique. Mettons ces ambitions pour notre pays à la portée de Si Ali Benflis. Il faut du changement. (Suite et fin)