Le problème du foncier qui se pose au niveau des wilayas de Tizi Ouzou et Bejaïa est lié à l'impossibilité de cession à cause de l'absence de l'acte de propriété, a indiqué, hier mardi, Mohand Amokrane Zoreli, doctorant et maître assistant à l'université de Béjaïa. «Au niveau des chefs-lieux des wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa, il y a eu tant d'appropriation illégale des espaces publics pour la réalisation, non moins illégale, de constructions, «souvent inachevées ou mal achevées», que le problème principal de l'immobilier qui s'y pose aujourd'hui est lié à l'impossibilité de cession à cause de l'absence de l'acte de propriété chez une grande partie des propriétaires», a-t-il dit. Il s'exprimait lors d'une journée d'étude consacrée à l'évaluation du projet pilote de développement durable local dans les communes avoisinant le barrage de Taksebt. Dans sa communication intitulée, «La Kabylie, le développement durable par Le fonds culturel et le capital social», l'universitaire a rappelé qu'à l'aube de l'indépendance, «les espaces des Européens libérés par les colons ont été occupés par les autochtones par légitimité révolutionnaire, par la force publique de l'administration ou par débrouillardise de la nécessité». Ce qui a, selon l'intervenant, constitué ce qu'il a qualifié de facteur déclencheur du problème urbain fondamental qui n'a pas cessé de prendre de l'ampleur avec à la clé, «des citoyens sans sens civique, des citadins sans citadinité et un cadre urbain sans urbanité». Ce problème originel a donné naissance à d'autres problèmes qui ne sont pas de moindre importance, nous dirions même qu'ils sont plus ravageurs du cadre urbain, a-t-il poursuivi. Citant «la tendance généralisée à vouloir s'approprier des espaces fonciers par tous les moyens, surtout par les voies détournées comme à la première fois, à la sortie des colons, c'est-à-dire se réapproprier ou s'approprier un espace, jadis occupé, par «l'expropriation des paysans, des autochtones», le bien public étant assimilé à la propriété baylékite. Ceci, a poursuivi M Zoreli, est tellement valable qu'aujourd'hui, à Tizi Ouzou comme à Béjaïa, deux chefs-lieux de wilaya de la région, il a fallu ces dernières années détruire des constructions illicites pour (re)libérer les espaces pour trottoirs. «Au chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou, c'est pendant la gouvernance locale par un parti local dit plus vieux parti d'opposition que les citoyens ont le plus remarqué et déploré la proportion du phénomène d'appropriation des espaces publics (y compris les trottoirs) par des particuliers avec l'autorisation ou la couverture des autorités locales», a-t-il fait observer. Pour ce type de contexte spatial, il n'y a pas seulement les urbanismes des humanistes, des promoteurs et des technocrates, il y a aussi et surtout celui de l'homme prédateur qui forme un cadre bâti difforme, qui fait un cadre de vie invivable, a poursuivi M. Zoreli. Estimant qu'en matière de sens civique et d'urbanité, la non-rupture avec la culture rurale des habitants de la ville est tellement vraie. Le contraste entre le modèle urbain normatif et le modèle urbain réalisé est, a estimé l'intervenant, tel qu'en portant un regard comparatif sur le cadre aménagé et bâti datant de la période coloniale, qui, d'après quelques spécialistes, fait ici et là des entités urbaines les seuls qui soient dignes d'être admirées et respectées dans ce chaos urbain qui caractérise les villes algériennes d'aujourd'hui, et le cadre aménagé et bâti après l'indépendance, «le décalage et la différence entre les deux sont frappants». «Le premier cas nous montre la symétrie, la forme, l'ordre, la lisibilité, la fonctionnalité, la propreté, le deuxième nous reflète exactement l'inverse, c'est-à-dire la dissymétrie, la déformation, la non-propreté, le désordre, l'illisibilité et l'anarchie», fait-il observer encore. Cette comparaison, a-t-il ajouté, tend à devenir impossible tant il est vrai que, dans la plupart des villes de Kabylie, «même le patrimoine urbain ancien (colonial) est en train de subir des transformations substantielles, par des actions de spéculations foncières et immobilière» dans l'ignorance de la valeur esthétique, patrimoniale et civilisationnelle de l'héritage urbanistique colonial. Ce qui, a encore estimé l'intervenant, n'est pas sans rapport, disant-le au passage, avec le fait que la bourgeoisie où, pour utiliser l'expression la plus juste, les classes dominantes de l'Algérie post-coloniale, étant le produit de spéculations, d'accaparement et, dans de rares cas, d'accumulation du capital argent, n'a pas construit des goûts pour l'esthétique et le raffiné.