Malgré la gravité de la crise ukrainienne, les liens ne sont pas rompus entre Vladimir Poutine et Barack Obama. Depuis les premiers bruits de bottes russes en Crimée, Washington n'en démord pas: il ne s'agirait en aucun cas d'un retour de la guerre froide. Pour preuve, les échanges téléphoniques intenses entre les ministres des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et John Kerry, et, presque aussi réguliers, entre les présidents Vladimir Poutine et Barack Obama, suggérant que, malgré la gravité de la crise, les liens ne sont pas rompus et qu'une normalisation demeure envisageable. La Maison-Blanche et le Kremlin ont beau abonder sur la nécessité d'enclencher une «désescalade», une dangereuse surenchère verbale se développe en parallèle, comme aux plus beaux jours de l'ère bipolaire. Répondant à la menace de sanctions économiques agitées par l'Administration américaine, la Russie a brisé un nouveau tabou samedi, laissant planer le spectre d'une dénonciation des accords Start de réduction des armements stratégiques. Des manifestations importantes dimanche à Kiev et à Simferopol «Nous percevons les menaces infondées à l'encontre de la Russie de la part des Etats-Unis et de l'Otan sur sa politique ukrainienne comme un geste inamical», a déclaré le ministère russe de la Défense. En conséquence, si les sanctions occidentales devenaient réalité, Moscou pourrait décider, à la lumière de ces «circonstances nouvelles», de renoncer aux inspections réciproques relatives au démantèlement d'armes nucléaires, prévues au titre du traité Start du 8 avril 2010. Sur le terrain, les tensions ne retombent pas, attisées par les groupes extrémistes. Tandis que des manifestations importantes se poursuivaient dimanche à Kiev et à Simferopol, la capitale régionale de Crimée, un important convoi de véhicules militaires russes a été observé franchissant le check-point d'Armyansk, point d'entrée septentrional de la péninsule. Là même où une quarantaine d'observateurs militaires de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont été sèchement refoulés samedi pour la troisième fois d'affilée par des soldats russes très nerveux. À moins d'une semaine d'un référendum d'autodétermination décrété unilatéralement par le Parlement pro-russe de Crimée, Vladimir Poutine a fait savoir par communiqué que cette initiative «prise par les autorités légitimes de Crimée» lui paraissait «fondée sur le droit international et visait à garantir les intérêts légitimes de la population de la péninsule». «Si l'annexion de la Crimée (par la Russie) venait à se produire, estimait dimanche sur CNN Tony Blinken, vice-conseiller américain à la Sécurité nationale, nous ne la reconnaîtrions pas, pas plus que le reste du monde.» Dialogue de sourds? Déterminé à rallier la plus grande coalition internationale possible derrière sa posture de fermeté, Barack Obama n'a pas épargné sa peine, en s'entretenant samedi avec les premiers ministres britannique David Cameron et italien Mateo Renzi, avec le président français, François Hollande, puis lors d'un «conference call» avec les dirigeants des pays Baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie), passablement inquiets du réveil de l'ogre russe. Conscients de leur impuissance face à la détermination de Moscou, les Occidentaux se relaient également au chevet du président russe. Le téléphone de Vladimir Poutine, à Sotchi, pour le lancement des Jeux paralympiques, n'a cessé de sonner au cours du week-end, entre la chancelière allemande Angela Merkel et David Cameron, afin de «régulariser» la situation en Ukraine, selon le Kremlin. Dialogue de sourds? Poutine aurait attiré l'attention de ses interlocuteurs sur «le refus d'agir de Kiev contre le comportement rampant de forces ultranationalistes et radicales, qui commettent des outrages dans la capitale et de nombreuses régions» d'Ukraine. Face aux imprécations russes, le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a précisé dimanche qu'il s'envolerait cette semaine pour Washington, sans doute aujourd'hui, mercredi, afin de mener «des consultations au plus haut niveau», avant un référendum local redouté de tous.