Les échos et commentaires qui ont suivi le message de l'ex-président Liamine Zeroual, alors qu'il n'avait pas encore été publié dans toute la presse, donnent déjà une idée de son impact dans l'opinion publique en plein contexte électoral à moins d'un mois du scrutin du 17 avril. Le moment choisi par Liamine Zeroual pour rompre son silence est d'une opportunité remarquable et lui-même le laisse entendre en affirmant que s'il intervient dans le débat autour de l'élection présidentielle, c'est par «obligation morale» et parce que la situation l'exige. Bien avant lui, Mouloud Hamrouche avait parlé d'impasse sans satisfaire le besoin de clarifications et surtout de perspectives qui montait de la société. Liamine Zeroual a senti ce besoin et a cherché à y répondre. La bourde commise par Abdelmalek Sellal à l'encontre des Chaouis est-elle pour quelque chose dans la sortie qui était espérée mais inattendue de l'ancien chef d'Etat ? Rien n'est moins sûr même si elle a contribué à tourner l'attention des observateurs vers Batna. Il n'est pas sûr aussi que la boutade controversée d'Amara Benyounès sur «ceux qui ne nous aiment pas» ait été un motif suffisant pour faire parler Liamine Zeroual. Le contenu de son message est nettement au-dessus de ces considérations même si elles ont par ailleurs pris une importance que seule la pauvreté du débat justifie. Zeroual veut mettre le holà à une dérive qu'il ne nomme pas mais qu'il décrit comme telle avec suffisamment de détails. Elle a commencé, laisse-t-il entendre, par « la révision de la Constitution algérienne en 2008, notamment l'amendement de son article 74, relatif à la limitation des mandats présidentiels à deux». Elle a «profondément altéré le saut qualitatif qu'exigeait l'alternance au pouvoir». Ce saut qualitatif, Liamine Zeroual estime qu'il n'est pas trop tard pour l'effectuer, d'où ce qui apparaît en filigrane, comme un appel à voter pour un autre candidat que Bouteflika. C'est par là que passe l'alternance dont l'ancien chef de l'Etat se veut le champion. Il ne veut pas se placer dans la posture d'un arbitre au-dessus de la mêlée, il est partie prenante du débat en cours et prend position contre le quatrième mandat, implicitement mais de façon suffisamment claire pour que tout le monde le comprenne. Il renforce ainsi l'isolement des partisans de Bouteflika qui ont été contraints en dernière minute à rappeler deux hommes politiques, Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem, aux convictions diamétralement opposées et qui avaient été tous deux mis sur la touche, sortis à la fois de l'exécutif et de la direction des deux partis principaux qui soutiennent Bouteflika, le RND et le FLN. En fait, c'est d'une évidence incontestable, aucune voix en dehors du sérail du pouvoir actuel n'a soutenu l'option quatrième mandat de Bouteflika. Mais Liamine Zeroual va plus loin en proposant l'alternative à travers un mandat de transition bâti sur l'alternance et sur un programme minimum dont il a esquissé les grandes orientations dans son message. Il démontre que si l'alternance est gagnée au cours du scrutin du 17 avril, le ciel ne tombera sur la tête de personne. Par contre, il est convaincu que c'est «l'ultime chance à saisir pour engager l'Algérie sur la voie de la transition véritable». D'où son appel à voter massivement. Le boycott n'est pas la solution, estime-t-il. Naturellement, Liamine Zeroual a tenu à conforter la position de l'armée et des services de sécurité auxquels il a associé les forces patriotiques, principaux artisans de la stabilité et de la sécurité dont jouissent le pays et les Algériens actuellement, après une décennie de terrorisme. Il est certain que l'intervention de Liamine Zeroual a modifié l'échiquier politique à la veille de l'élection présidentielle. Elle donne du poids à ceux qui, malgré la rengaine sur l'élection préfabriquée, sont décidés à imposer l'alternance en empêchant, par la voie des urnes, un quatrième mandat. Ali Benflis a déjà promis qu'il rétablirait la limitation des mandats présidentiels. On voit bien que le 17 avril, à travers le choix de leur président, les Algériens auront à se prononcer sur l'alternance au pouvoir et sur une nouvelle configuration articulée autour des libertés et de la démocratie avec, ce que réclamait Hamrouche, des contrepouvoirs salutaires à tous les niveaux. La campagne électorale devra tenir compte du point de vue de Liamine Zeroual et il n'est pas exagéré de dire qu'il a lourdement pesé sur le choix de nombre d'Algériens.