Le directeur des services agricoles de la wilaya de Batna, M. Grabsi Mohamed Lamine a accordé une entrevue à notre correspondant de Batna. Nouvelle République : Après avoir raté son décollage entre 2000 et 2004, la wilaya de Batna semble avoir pris réellement son envol depuis 2005, coincîdant avec votre installation comme DSA. Qu'en est il exactement ? Grabsi Mohamed Lamine : Il est vrai que la période d'avant mon arrivée à Batna n'a pas été concluante pour diverses raisons dans le secteur de l'agriculture et des élevages. Dès mon arrivée, la direction des services agricoles s'est concentrée sur l'option du renforcement des capacités de production qu'encourageaient les diverses formules de soutien introduites par l'Etat. Mais il fallait surtout donner un coup à la mobilisation du stockage et de la régulation de la ressource hydrique, d'où la destination de 75% des crédits alloués (enveloppe consommée) aux projets de l'hydraulique agricole. A travers la wilaya de Batna, on peut se targuer d'avoir pu réaliser trois mille (3000) forages, soit l'équivalent de cinq (5) barrages dès lors que les capacités mises en place totalisent six cent (600) millions de mètres cubes d'eau. En plus, il y a eu aménagement de 3 400 bassins pour les besoins de stockage et de régulation de l'hydraulique agricole . Ce qui a permis d'exploiter une superficie de 1500 hectares en un réseau «économiseur d'eau» à travers les recours au système moderne d'irrigation agricole, dont le procédé du goutte à goutte. Du coup, les surfaces irriguées sont passées de 14. 000 hectares en 2000 à 72. 000 hectares actuellement. Je précise que cette superficie est appelée à dépasser le seuil de 100.000 hectares dès l'achèvement de l'opération de transfert des eaux du barrage de Bouharoun (Mila) vers le barrage de koudiat lemdouar (Batna). Grâce à ce transfert, l'on s'attend à la promotion de 3 périmètres de mise en valeur agricole, soit 24.000 hectares. Nul n'ignore que ce renforcement hydrique au profit du secteur agricole va permettre d'accroître la surface agricole utile (SAU) de 900 hectares. Il y aura ainsi une réduction de 40% de la jachère(terre agricole non utilisée). Arboriculture et cultures maraîchères ont fait un prodigieux bond ces dernières années dans la wilaya de Batna comme constaté par les consommateurs... En effet, il y a eu une évolution importante dans ces branches de la production agricole. Les gens se sont remis au travail de la terre pour gagner leur croûte. Au final, la wilaya de Batna est arrivé à se doter d'un verger de 230.000 hectares toutes espèces de production arboricole confondue alors que l'arboriculture n'occupait que 5.900 hectares en 2000. Il y a eu émergence du pommier en zône de montagne, de l'abricot en piémonts et de l'olivier en zône sud de la wilaya. Ce dernier fait l'objet d'un programme d'intensification portant sur 1.500 hectares et nous enregistrons à ce jour 70% de taux de réalisation sur le terrain. Nous disposons, en outre, d'un programme-développement de l'olivier couvrant une superficie de 50.000 hectares selon la méthode «doube fin» dont le but économique et le but écologique concernant la lutte contre la désertification sur la daïra de Barika connue pour être une zône semi-désertique. Quant à la superficie maraîchère (légumes), elle a plus que doublée, passant de 5.000 hectares à 12.000 hectares. Quant à la production de fourrage - secteur de production vital pour les élevages - elle est passée de 14.000 hectares à 500.000 hectares. Qu'en est-il justement des élevages dans la wilaya de Batna ? Nous enregistrons une production animale en termes d'effectifs qui a plus doublée puisqu'elle est passée de 7.000 têtes seulement à un cheptel de 2 millions de têtes avec une tendance de croissance intensive pour ce qui est du bovin laitier. La wilaya de Batna s'est hissée au stade de l'insémination artificielle à raison de 4.000 têtes par an. Cela se pratique tant en amélioration génétique des races qu'en rendement laitier. Le rendement moyen pondéré par vache est de 6.00 litres de lait par an avec, cependant, un pic exceptionnel chez certains éleveurs où une vache donne 1.200 litres de lait par jour. Il n'y a pas de crise de lait à Batna qui dispose d'une laiterie publique, contrairement à certaines régions du pays. Bien mieux, «Soummam» et «Danone» s'approvisionnent partiellement en apports en lait auprès de Batna, ce qui illustre la position de force de notre wilaya en la matière. Rien qu'en lait de vache, notre production annuelle est de 225 millions de litres grâce à la reconstitution progressive des bassins laitiers locaux. Un salon national de la vache se tient chaque année à El Madher, un des bassins laitiers de la wilaya de Batna. Concrètement, la wilaya de Batna est devenue un pôle national dans les filières avicoles (production de viandes blanches) et production d'oeufs de consommation. Quelles perspectives d'avenir dans ce secteur économique ? Batna était jadis un pôle qui avait disparu à cause d'une régression provoquée par les facteurs négatifs de la décennie noire. Mais la filière a pu reprendre son souffle. Ainsi, la production qui n'était que de 30 % a grimpé à 80% en poulet de chair et en oeufs de consommation. L'accompagnement de l'Etat fait qu'actuellement l'on enregistre de nouvelles réalisations de poulaillers et même de complexes de production. D'autre part, il y a prolifération des unités d'élevage de dinde qui contribuent de 20% en production de viande blanche. Globalement, les capacités de production ont évolué 4 à 5 fois par rapport à la situation de l'an 2000. Pour les 14 filières agricoles et d'élevages dont dispose la wilaya , Batna figure à la première place au niveau du territoire national en croissance moyenne pour la période de 2009 à 2013, soit une évolution de 29% par an sur les 5 années. Si le produit brut agricole de la wilaya n'a été que de 5,6 milliards de dinars en l'an 2000, il a été en 2013 de l'ordre de 110 milliards de dinars. Sur ce plan, Batna est classée quatrième au rang national. Selon vous, donc, les performances réalisées ces dernières années sont indiscutables ? Tous nos bilans sont réels, authentiques et vérifiables sur le terrain. La croissance des filières tourne autour de 30 %, la filière végétale entre 31 et 50%. Batna est première nationale en production de fourrages, 2e nationale en production de lait de vache. Ces résultats sont des réalités tangibles. Savez vous que Batna se classe au premier rang national en emplois agricoles et dans les élevages, soit 130.000 postes actifs. Certes, l'on signale un manque de main d'oeuvre agricole chez un certain nombre de fellahs individuels dont les garçons ont préféré, sous la pression de la décennie noire, se caser dans la grande ville de Batna et pratiquer d'autres métiers urbains. Quelles sont les perspectives offertes à la wilaya de Batna, surtout à la lumière de l'encouragement de l'investissement dans le secteur agricole et des élevages ? Le souci majeur des autorités de la wilaya et des producteurs vise la valorisation du travail de la terre et la croissance de la production. D'où la stratégie de la wilaya en matière d'incitation à l'investissement dans l'agriculture, creuset de l'avenir de la nation algérienne hors hydrocarbures. Cette stratégie est traduite sur le terrain grâce à l'exécution du «schèma directeur agricole» et de la «carte des investissements». Cela est visible concrètement au niveau des zônes d'activité et des zônes industrielles et ce à travers le territoire de la wilaya. La mue enregistrée par le secteur agricole a permis l'émergence de 8 à 10 agro -pôles qui sont en phase de reconversion en pôles agro industriels autour des principales filières dites stratégique (produits de consommation). Batna entre dans la phase de l'industrie de transformation des produits agricoles et arboricoles. Dans le cadre de l'investissement, 238 projets sont en cours d'exécution pour une enveloppe financière de 25 millions de dinars avec un objectif de création de 3.200 emplois. Ce programme s'opère par le biais du Calpiref et avec la contribution de l'ANSEJ, du CNAC et du FNDA. Les investissements privés sont en train de créer 14 laiteries, 14 huileries, 15 abattoirs avicoles dont 2 complexes et 2 complexes de production de viande rouge. Où en sont les grands projets de périmètres de mise en valeur dans la wilaya de Batna? La wilaya de Batna a opté pour la première tranche portant sur la mise en valeur et la valorisation des terres agricoles d'une superficie globale de 80.000 hectares. Ce programme est mis à exécution à travers la circulaire interministérielle N° 108. Par ailleurs, et à défaut de la disponibilité de terres sahariennes vierges et/ou inoccupées au sud de la wilaya (Barika), il a été décidé d'intégrer dans le plan de développement agricole les terres de statuts «arch» (terrains privés de l'Etat) et «communales» qui sont inexploitées ou insuffisamment exploitées. Pour les terrains «arch», les exploitants bénéficieront de titres de concessions qui leur permettront d'accéder aux aides de l'Etat ainsi qu'aux prêts bancaires pour exploiter au mieux les terres agricoles. Cette opération est en cours sous l'égide de l'Office national des terres agricoles (ONTA). Un délai d'un mois supplémentaire vient d'être accordé aux détenteurs de terres «arch» pour régulariser leur situation et se doter du titre de la concession qui leur ouvrira la voie d'obtenir des aides, des subventions et même de prêts bancaires pour mieux exploiter les terres agricoles «dormantes».