Bien avant que les urnes ne se (re)mettent à parler, et en dehors des coups d'Etat «soft», verrons-nous des aspirants au pouvoir dans les pays arabes se chercher l'équivalent de la place «Tahrir» ? Il est tentant que les oppositions y voient un nouveau mécanisme de légitimation de l‘accès au pouvoir, à savoir être portés par les populations. Une nouvelle forme de délégitimation des pouvoirs en place s'inscrirait ainsi dans la tradition. Quand bien même que le pouvoir en place, donc à faire chuter, y fut porté par des élections et qu'il ne pouvait nullement souffrir de la moindre des causes de son «renvoi», son mandat étant loin d'être épuisé, il suffirait que l'opposition batte le rappel de ses électeurs ou de ses militants pour effectuer un coup d'Etat sous le prétexte de la volonté populaire. De tels changements ne se traduisent pas seulement par l'arrivée de nouvelles équipes, mais aussi par le passage d'une dictature non islamiste à une dictature islamiste en attendant une autre forme de coup d'Etat. Rien ne garantit que cette nouvelle forme d'accès au pouvoir fasse triompher la démocratie. Pratiquement, il en est ainsi pour tous les pays arabes qui ont connu ce genre de changement. Pourrons-nous admettre qu'il s'agit d'une nouvelle donnée dans les pays arabes ? Dorénavant, les oppositions se chercheront toujours une «place Tahrir» qui jouera le rôle de rampe de lancement vers l'appropriation du pouvoir. Ce n'est plus la peine de s'épuiser dans des meetings qui ne rapporteront pas gros. La place Tahrir remplacera tous les bataillons du monde car il s'agira de manifestations non violentes et quand les mouvements sont non violents, le gouvernement ne saura quoi faire, car on ne réprime pas un mouvement non violent. (du moins cela devrait-il être ainsi). C'est l'interminable durée de manifestations non violentes qui met les pouvoirs dans l'embarras, et renforce leur inquiétude. Quelle parade opposer à la non violence ? Les pouvoirs en place sauront bien légitimer la répression contre des mouvements qui incitent à la violence, aussi leur faudrait-il «télé-commanditer» quelques actions de violence pour enfin justifier la répression. La tendance serait elle à construire une place «Tahrir» dans chaque pays arabe. A l'examen du cas égyptien, on pourrait dire que, tous les régimes arabes qui ont accédé au pouvoir suite à ce qu'ils nomment la «révolution» vont tout faire pour que n'existent plus jamais des places «Tahrir». Et si la place «Tahrir» se re-valide dans un quelconque autre pays arabe, il y aura toujours un autre «Sissi» en embuscade. De toute façon, dorénavant, il y aura une «place Tahrir» dans la tête de chaque citoyen arabe.