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La vérité sur la panne des réformes et du processus de privatisation en Algérie
Publié dans La Nouvelle République le 24 - 07 - 2014

Après plusieurs tournées internationales aux Etats-Unis et en Europe, entre 1996 et 1999, j'ai été nommé à la tête du Conseil algérien des privatisations. Il est important d'expliquer dans quelles conditions les privatisations ont été initiées et éviter des jugements hâtifs en rétablissant la vérité où, après plus 14 ans, je ne suis plus astreint au droit de réserve.
Il semble bien que certains responsables ne connaissent pas le dossier des privatisations ou font semblant pour des raisons populistes, ou formatées par l'ancienne culture des années 1970, ignorant l'évolution du monde, y compris des fondateurs du communisme, l'URSS et la Chine, qui réalisent une transition maîtrisée vers l'économie de marché. Il s'agit de lever les voiles idéologiques de ce dossier, et surtout d'analyser les expériences internationales, certaines ayant abouti à des échecs, d'autres à des réussites, dossier éminemment politique, cœur avec la démonopolisation, des réformes structurelles. Il faut replacer ce processus complexe dans la situation de l'époque. L'Algérie était soumise à l'ajustement structurel suite à la cessation de paiement et au rééchelonnement. Par ailleurs, la situation sécuritaire était difficile. Dès lors, le gouvernement de l'époque a installé le Conseil national des privatisations mais également d'autres structures dépendantes directement du chef du gouvernement sans délimiter clairement les prérogatives de chacune. Les holdings étaient chargés des dissolutions des entreprises totalement déstructurées, du partenariat et de l'investissement pour les grandes entreprises. Le Conseil national des privatisations a été chargé des privatisations totales seulement des petites entreprises. Le Conseil national des privatisations a été un organe technique d'exécution, n'ayant aucun pouvoir politique, toute décision étant dépendante du Conseil national des participations de l'Etat présidé par le chef de gouvernement. Aujourd'hui, certains pour bloquer les réformes, estiment que plusieurs zones d'ombre entachent les privatisations menées entre 1997 et 2014. Le Conseil de privatisation n'est pas concerné par cette situation. Installé en 1996, le Conseil de privatisation a été gelé toute l'année 1997. Début 1998, il a été chargé de l'évaluation de quelques unités sélectionnées par le Conseil des participations de l'Etat. Ce qui a été fait avec l'aide de bureaux d'études publics et d'experts nationaux. Des visites à l'étranger ont été effectuées pour analyser les différentes expériences et ensuite des avis d'appel d'offres ouverts où la presse nationale et internationale était présente ont été réalisés fin 1998. Avec la démission du président Liamine Zeroual, et au moment où les repreneurs avaient été sélectionnés sur la base d'une transparence totale, le Conseil de privatisation a été dissous fin 1999 et toutes les opérations annulées en 2000 sans qu'aune opération n'ait été réalisée. Par la suite, entre 2000 et 2013, au sein du ministère des Participations, certaines privatisations ont été réalisées sous l'égide des sociétés de participation de l'Etat (SGP) qui ont remplacé les holdings, mais sans que l'on sache exactement quel impact, bien que des partenariats avec des groupes étrangers aient été conclus par les holdings entre 1996 et 2013. Début 2013, il avait été annoncé officiellement que l'Algérie envisageait de privatiser entre 150 et 200 petites et moyennes entreprises (PME) publiques d'ici à la fin de 2013, concernant l'industrie manufacturière, le textile, les matériaux de construction, l'agroalimentaire. La part des opérateurs privés nationaux pouvait atteindre 60% contre 40% pour l'Etat dans certains cas et quand l'usine est à l'arrêt, l'opérateur national pourrait obtenir jusqu'à 99% des parts pour relancer l'activité. Quant aux opérateurs étrangers, la règle des 49/51% est appliquée. Des «appels à projet» destinés aux opérateurs algériens et étrangers, avaient été lancés, dans 18 filières, le délai devant expirer le 31 décembre 2013. Pour l'instant, l'on ne connaît pas le résultat sinon la déclaration récente du ministre de l'Industrie en date du 09 décembre 2013, affirmant devant les membres du Conseil de la nation que «le secteur industriel algérien compte 860 entreprises publiques, qui emploient 278 000 travailleurs avec un chiffre d'affaires qui avoisine 800 milliards de DA. A ce chiffre, il faut rajouter 345 entreprises affiliées aux 18 SGP employant 92 000 travailleurs et que le gouvernement prévoit un fonds spécial pour la réhabilitation des entreprises ayant la capacité de réaliser des projets en partenariat de 400 milliards de dinars». Il y a eu échec parce que réellement, la privatisation en tant que facteur de restructuration globale et de dynamisation de l'économie productive, moteur des réformes couplée avec la démonopolisation où le Conseil de la concurrence n'a jamais été opérationnel, n'a jamais réellement commencé, la raison essentielle étant l'opposition des tenants de la rente sous le slogan «bradage du patrimoine national». Qu'il y ait eu anomalie par la suite, le Conseil de privatisation n'est nullement concerné. Comment ne pas me rappeler qu'au début 1999, au cours d'une réunion avec des ministres, sous la présidence du chef de gouvernement, un ministre, lucide, en me regardant dans les yeux m'a dit : pourquoi vous vous pressez, Si Mebtoul, on a tout le temps ; vous ne privatiserez aucune unité». Il a eu raison. Quel est l'objectif stratégique de la privatisation ? L'on ne doit pas confondre privatisation et démonopolisation complémentaire, tous deux, processus éminemment politique, allant vers le désengagement de l'Etat de la sphère économique afin qu'il se consacre à son rôle de régulateur stratégique en économie de marché. La privatisation est un transfert de propriété d'unités existantes vers le secteur privé et la démonopolisation consiste à favoriser l'investissement privé nouveau. L'objectif de la démonopolisation et celui de la privatisation doivent renforcer la mutation systémique de la transition d'une économie administrée vers une économie de marché concurrentielle. La privatisation ne saurait s'assimiler au bradage du patrimoine public. Pour cela, elle doit favoriser une grande efficience de l'économie donc la croissance et la création d'emplois, substituer des critères de gestion économiques à des critères politiques, éliminer les rigidités administratives, alléger les contraintes budgétaires, contribuer à la compétitivité et à la modernisation des places financières. Les privatisations présentent l'avantage de renforcer la capitalisation boursière d'une place, d'augmenter considérablement le nombre des transactions et d'améliorer la liquidité du marché et, partant, la capacité d'attraction de l'épargne étrangère. Elle doit permettre de lutter contre les rigidités syndicales, la promotion de certaines entreprises sur le plan commercial et auprès des investisseurs étrangers, favoriser et promouvoir des équipes de managers et développer une classe moyenne porteuse de dynamisme social. Aussi, la privatisation est avant tout un processus de restructuration globale de l'économie avec des incidences politiques et sociales de recomposition du pouvoir, expliquant les résistances des tenants de la rente qui se servent au niveau du secteur d'Etat, les gagnants d'aujourd'hui n'étant pas forcément ceux de demain. Un texte juridique n'est pas suffisant (ce n'est qu'un moyen) et devient un leurre s'il n'y a pas d'objectifs cohérents clairement définis avec pragmatisme, loin des théories abstraites supposant une nette volonté politique de libéralisation. La privatisation est un élément fondamental d'une politique de relance et doit être au cœur de la nouvelle politique économique pour trois raisons essentielles : premièrement, sa contribution à l'effort de stabilisation macroéconomique, deuxièmement à la promotion des exportations hors hydrocarbures et troisièmement à la transformation globale de l'économie par la réduction du chômage. En d'autres termes, l'Etat entrepreneur et exploitant direct doit s'effacer peu à peu pour laisser place à un Etat exerçant la puissance publique et qui sera conforté dans ses missions naturelles d'arbitrage et de régulation. Ceci implique le transfert du secteur public à un statut privé de façon à passer d'un système productif foncièrement extensif à un système intensif, le but essentiel étant de mieux gérer les entreprises et de maximiser la création de richesses. En parallèle à ce nouveau «deal» entre l'Etat et les entrepreneurs, une série d'évolutions et de réformes liées à l'environnement économique est à même d'une part, de créer un climat de confiance afin de susciter l'intérêt des investisseurs nationaux et étrangers et d'assurer la crédibilité de l'Etat, d'autre part. Dans ce cadre, la bureaucratie, héritage d'une économie administrée, constitue une des contraintes les plus fortes dont l'éradication est absolument nécessaire pour insuffler au marché la dynamique et la fluidité attendues. Sur le plan du système financier, il est fondamental de promouvoir l'adaptation du système bancaire et de la fiscalité, actuellement lieu d'importants intérêts de rente. La mise à niveau du système bancaire est un des axes de promotion à privilégier, car c'est au sein de cette sphère que les rythmes de croissance et de privatisation seront arbitrés à titre principal. L'objectif à viser est d'aboutir à un système bancaire affranchi des ingérences, plus efficient et plus en harmonie avec les exigences d'une intermédiation financière performante et orientée vers l'économie de marché de capitaux. Jusqu'ici, la situation financière des banques publiques a constitué une contrainte qui a inhibé toute velléité de restructuration. Je préconise de simplifier et regrouper dans un cadre plus cohérent, l'organisation institutionnelle chargée d'exécuter une politique désormais plus claire de libéralisation de l'économie et pourquoi pas, un grand ministère de l'Economie scindé en plusieurs secrétariats d'Etat techniques. D'une manière générale, ce qui est stratégique aujourd'hui peut ne l'être demain. Car ce que l'on entend par secteur stratégique, et non stratégique, doit être appréhendé, non en statique mais en dynamique du fait à la fois de l'évolution du monde et de la structure de l'économie algérienne. Ainsi la règle des 51/49% qui se
fonde sur une vision essentiellement idéologique dépassée, où l'on peut démontrer que le partenaire étranger prend peu de risque, les surcoûts étant supportés par l'Algérie via toujours la rente, me semble inappropriée sans avoir défini ce qui est stratégique et ce qui ne l'est pas à partir de critères objectifs. Le blocage de l'investissement en Algérie ne réside pas en des changements de lois ou d'élaboration de stratégies utopiques, vision bureaucratique, comme on ne combat pas la sphère informelle, (40% de la masse monétaire en circulation avec une concentration du capital argent au profit de quelques oligopoleurs tissant des liens avec certains segments du pouvoir de la sphère réelle), elle-même produit de la logique rentière et de la bureaucratie, par des mesures administratives autoritaires. Il faut s'attaquer à l'essentiel qui est la gouvernance mitigée et la faiblesse de l'Etat de droit, liées à une profonde moralisation de ceux qui gèrent la Cité


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