Le chef du gouvernement libyen, Abdallah al-Thinni, avait accusé dimanche, sur la chaîne Sky News Arabia basée à Abou Dhabi, le Qatar d'ingérence dans les affaires internes de la Libye et d'avoir envoyé des armes par voie aérienne à un groupe armé qui contrôle un aéroport de Tripoli. Ces actes du Qatar ne vont certainement pas plaire à l'Arabie Saoudite, qui exige de son voisin ambitieux qu'il arrête de soutenir les «extrémistes dangereux», qui menacent non seulement la Libye, l'Egypte et la Tunisie, mais aussi les monarchies du Golfe elles-mêmes. «Nous mettons en garde le Qatar contre toute ingérence dans les affaires intérieures de notre pays», a déclaré le Premier ministre al-Thinni, menaçant de rompre les relations diplomatiques avec Doha. Selon le Premier ministre libyen, «l'objectif final des terroristes est de donner le contrôle total du pays aux Frères musulmans, avec le soutien de Doha». Le gouvernement de M. Thinni, reconnu par la communauté internationale et exilé dans l'est de la Libye, accuse le Qatar et le Soudan de livrer des armes aux milices du groupe armé Fajr Libya (Aube de la Libye). Le Qatar dément En réaction, le Qatar a rejeté les accusations du Premier ministre libyen. Dans un communiqué adressé à l'agence de presse du Qatar (QNA), un ministre adjoint des Affaires étrangères affirme que ces allégations sont fausses et dénuées de fondement. «La politique de l'Etat du Qatar se base sur des principes clairs et cohérents: respect mutuel et non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays», a dit Mohamed ben Abdoullah al Roumaihi. Rappelons qu'en mars, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn avaient rappelé leurs ambassadeurs du Qatar en annonçant un boycott à ces autorités pour avoir soutenu des organisations islamistes, dont les Frères musulmans et Daesh (EI). Riyad a plusieurs raisons de ne pas interrompre les relations avec Doha Riyad, principal idéologue de l'isolement du Qatar, a décidé de changer de tactique fin août. Trois princes saoudiens ont effetué une «visite fraternelle» à Doha. Immédiatement après cela, s'est tenue la réunion du Conseil de coopération du Golfe (CCG) où ses membres devaient soulever la question de l'exclusion du Qatar – ce qu'ils n'ont finalement pas fait. Les experts prédisaient même le retour des ambassadeurs à Doha. L'Arabie Saoudite a plusieurs raisons de ne pas interrompre les relations avec son voisin, qui dispose d'importantes réserves d'hydrocarbures, de grandes ressources médiatiques et financières, ainsi que de leviers de pression sur les Islamistes. De plus, les Etats-Unis restent un facteur central dans leurs relations. «Washington pousse ces Etats à la réconciliation car son objectif aujourd'hui consiste à assurer une approche commune des monarchies pétrolières du Golfe pour accroître les quantités d'exploitation et diminuer les tarifs pétroliers. C'est nécessaire pour renforcer la pression sur la Russie et l'Iran», explique l'orientaliste Alexandre Chichkine. Les autorités qataries ont également montré dernièrement leur volonté de réconciliation. Dimanche dernier a été annoncée l'expulsion des leaders des Frères musulmans en exil au Qatar après le coup d'Etat militaire en Egypte. Les dirigeants de l'organisation ont déclaré qu'ils ne souhaitaient pas mettre la dynastie qatarie dans une «position délicate» et la brouiller avec l'Egypte et les pays du Golfe. Toutefois, ces dernières nouvelles de Tripoli pourraient enrayer le rapprochement engagé en irritant les Saoudiens qui ont dépensé des milliards de dollars pour combattre les islamistes. Riyad a alloué à ces fins 15 milliards de dollars à l'Egypte et 1 milliard de dollars au Liban. Il a également mis à disposition son territoire pour la formation de «l'opposition syrienne modérée» destinée à combattre l'EI et a soutenu les frappes aériennes contre les islamistes libyens, menées le mois dernier par l'aviation égyptienne et émiratie. «Dans ces conditions, il sera difficile pour l'Arabie Saoudite et le Qatar de trouver un compromis. Le Qatar pourrait changer la structure de financement des islamistes mais ne le suspendra pas complètement. D'autant que cela profite dans une certaine mesure à l'Occident à titre d'instrument pour faire pression sur les alliés arabes parfois trop récalcitrants», conclut Alexandre Chichkine.