En cette période de veillée de l'Aïd El-Adha, contrairement aux précédentes années, Annaba, la commune chef-lieu de wilaya, n'est pas envahie par des troupeaux de moutons. L'arrêté émis par le P/APC portant interdiction formelle de circulation de troupeaux ou même bête isolée destinés à la vente a été apparemment dissuasif. Des saisies d'ovins, bovins et caprins ont été effectuées par les éléments de la police urbaine avec la collaboration des équipes communales. Pour contourner cette interdiction rigoureusement appliquée jusqu'ici, des maquignons et autres spécialistes de la spéculation ont loué des garages, soubassements de villa, vides sanitaires de bâtiment et même des habitations en cours de construction pour parquer leurs moutons. D'autres se sont mis au commerce des meules de foin, salissant tous les quartiers où ils se sont installés avec cet aliment du bétail. Il reste tout de même qu'en milieu urbain, les ovins sont presque invisibles. C'est à peine si l'on s'aperçoit leur présence au passage d'une camionnette les menant vers le domicile de leurs acquéreurs. Pour l'heure, les bêlements à partir des balcons ne sont pas nombreux. On en est encore aux hésitations genre faut-il casser la tirelire ou se passer du rituel sacré de l'Aïd El-Adha ? Il faut aller loin en zone rurale pour espérer trouver les moutons. Là aussi, les acheteurs sont rares et pour cause, les prix annoncés ne sont pas à la portée de tous. Pour l'heure, les acquéreurs ne sont pas nombreux à se rendre au marché à bestiaux de cité Seybouse, El-Gantra, El-Hadjar ou Ben-M'hidi où les maquignons, revendeurs et spéculateurs battent le pavé épiant l'arrivée bien hypothétique des clients. Ce qui n'a pas empêché quelques adolescents de s'installer aux abords des routes ou, en milieu urbain, sur les places publiques et les rues pour proposer qui des portions de tronc d'arbre destinées au dépeçage du mouton et qui des cordelettes et même des brasiers artisanaux proposés avec le kilo de charbon de bois. Toute cette fébrilité qui caractérise cette veillée de fête religieuse n'a pas échappé aux spéculateurs spécialistes des fruits et légumes. C'est le cas de le dire au regard de la folie qui semble avoir atteint la mercuriale. En 48 heures, tout est passé du simple au triple. La valse a atteint l'irrationnel avec des prix de produits frais qui avoisinent ceux des viandes blanches. Ainsi, après avoir connu une instabilité chronique durant toute la période estivale, le kilo de la pomme de terre s'est pointé à 100 DA alors que celui de la courgette est passée de 40 à 140 DA, le navet à 170 DA et la tomate à 70 DA. Cette spéculation tous azimuts a mis à rude épreuve les bourses des ménages à ressources de vie limitées. Particulièrement dans les quartiers populaires où la plupart des familles évitent, pour le moment, de poser le problème de l'acquisition du mouton qu'ils ne sont pas en mesure de payer. D'autres habitués au sacrifice rituel de l'Aïd en cotisant pour égorger en commun un bovin ne pourront pas, cette année, mettre en pratique cette pratique de solidarité. L'appréhension de la fièvre aphteuse est présente dans toutes les discussions tant et si bien que beaucoup ont déjà décidé de ne plus parler de sacrifice de l'Aïd El-Adha.