La Terre tourne, mais ne se rend pas. Comme chaque année à l'approche de la date fatidique, les regards, les poches et les lames de couteau se braquent sur cette étrange créature qui porte sa laine sur le dos, du bon gigot sur les jambes et des kilos de côtelettes dans le ventre. Le mouton, compagnon ancestral des peuples carnivores, a comme chaque année vêtu ses plus beaux habits et entamé son long bêlement en signe d'acceptation de son sacrifice rituel. Cette journée de fête de l'Aïd El Adha, qui s'apparente à une journée de deuil pour les familles pauvres, revient annuellement telle une loi de finances en reposant comme à chaque fois la problématique du mouton, de son coût et de l'utilité de son achat en vue de sa mort. Si les prix ont bien évidemment encore augmenté à la veille du grand saignement, passant à 35 000 DA pour l'ovin moyen, au même moment, des milliers de sangliers du cru local envahissent l'Algérie, circulant dans les bouchons à Alger et dans les grandes villes en toute impunité, créature jugée impure et donc non touchée par l'amnistie générale. Partout, dans les champs et les parcs urbains, cet animal bête et indiscipliné circule parmi les humains en narguant les estomacs et les bouchers de quartier. Au prix où est la viande de mouton et au poids où est le sanglier, une petite fatwa pour cet animal à portée de couteau semble être la chose la plus intelligente à faire en ce moment. Le sanglier n'est pas un cochon et l'Algérien moyen n'est pas un député. Rappelons qu'avant le mouton, c'était l'enfant qui était sacrifié. Dans cette même dynamique d'efficacité et de miséricorde, pourquoi ne pas passer à autre chose en cette année 2005 ? Juste pour faire pleurer les maquignons et faire sourire les moutons qui en ont bien besoin. Un slogan ? Non au mouton, bouc émissaire, oui au sanglier, cochon hallal.