Dès demain dimanche, des cadres dirigeants de la société ArcelorMittal Algérie seront à Alger avec dans leurs bagages le plan d'investissement pour lequel l'Etat a engagé une enveloppe financière de 1,5 milliard de dollars. Ces cadres auront à cœur de défendre ce dossier combien important pour l'avenir de la sidérurgie algérienne et celui de plus de 5 000 salariés. Cette mission s'ajoute à beaucoup d'autres ayant pour objectif d'assurer à ArcelorMittal Algérie la couverture financière nécessaire à la réhabilitation ou le renouvellement des installations de production. Encore une fois donc, le Trésor public algérien est appelé à renflouer les caisses vides d'une société sidérurgique toujours en perte de vitesse. C'est à croire que le partenariat est, plus de 13 ans après la signature du contrat, perdant pour la partie algérienne. D'où, la tendance des économistes à affirmer que pour le gouvernement Abdelmalek Sellal, le partenariat entre les deux groupes l'Algérien Sider (51%) et le Luxembourgeois ArcelorMittal (49%) pourrait se transformer en dossier empoisonné. Et pour cause, à la mise à sac du patrimoine de la défunte Sider par les indiens de Mittal Steel au lendemain de leur prise en main du complexe sidérurgique El-Hadjar, sont venues s'ajouter au fil des années, les difficultés financières, le retard mis dans la mise en route du Plan d'investissement (PI), les incidents à répétition survenus sur les installations telles que la cokerie, le convertisseur n°1 de l'aciérie et le Haut fourneau (HF) n°2. Poumon de la production sidérurgique, cette dernière installation est une nouvelle fois à l'arrêt depuis mardi. Le refoulement d'une importante quantité de liquide entraînant la détérioration d'éléments accessoires en est à l'origine. Ce qui a relancé les débats et conciliabules sur l'opportunité de ce partenariat. Il en a résulté une immense querelle entre adversaires et partisans de la privatisation qui trouble le gouvernement actuel adepte du consensus. C'est que ce partenariat n'a rien ramené au titre de savoir-faire et encore moins de transfert de technologie. Ce sont toujours les cadres et techniciens algériens qui entretiennent les installations, produisent l'acier, forment les salariés et commercialisent les produits. De l'autre côté, comme s'il s'agissait d'une programmation, les installations de production tombaient l'une après l'autre en panne. Cette même programmation prévoyait des débrayages provoqués par un même groupuscule de salariés manipulés de l'extérieur. Comme par hasard, le Laminoir Rond à Béton est la seule installation encore en production. C'est que ArcelorMittal ne veut pas perdre sa quote-part de ce commercialisation de ce produit très demandé par le marché local pour la concrétisation de la politique nationale de l'habitat. De sourdes manœuvres se sont engagées sur le terrain dans l'optique des 1,5 milliard DA débloqués par l'état pour la concrétisation du PI synonyme de changement ou réhabilitation des installations. Cette réhabilitation aurait dû intervenir sur le Haut Fourneau n°2 dont les derniers travaux de réfection remontent à 1993. Profitant du fait que l'Etat algérien était beaucoup plus préoccupé par la situation sécuritaire du pays, l'associé luxembourgeois, encore majoritaire au capital social, a omis de respecter cette obligation contractuelle. Et pour cause, il est beaucoup plus intéressé par l'important stock de pièces de rechange (PDR) d'une valeur de 480 millions de dollars et les 3 000 tonnes de brames en dépôt au complexe sidérurgique El-Hadjar. Ces deux dossiers ont pris toutes les certitudes nationales de vitesse quant à un partenariat gagnant-gagnant. Là où les Algériens, confiants, espéraient relancer leur sidérurgie, leurs associés du Luxembourg liquidaient les effectifs, prenaient possession de ce qu'ils pouvaient en pièces de rechange pour les exporter à destination de leurs filiales d'Afrique du Sud et d'Europe. De ces stocks PDR et des brames qui auraient pu faire tourner les machines du LAC, LAF, LRB et autres durant 2 années sans avoir à importer, il n'en est rien resté. De même que mis à l'arrêt pour une question de surcapacité, le Haut Fourneau n°1 aurait pu servir de secours en cas d'incident sur le HF n°2. Il suffisait de quelques travaux de réfection et de maintenance. Bon nombre d'anciens cadres avaient exprimé leur opposition à l'abandon définitif de cette installation sans expertise sérieuse préalable. Puis ce fut au tour de la cokerie (fermée en septembre 2010) d'aller à la casse. «Si nous continuons à exploiter la cokerie, il y a risque d'explosion», avait argumenté Vincent Le Gouïc lors d'une conférence de presse au lendemain d'un incident majeur survenue sur cette installation. Le même responsable avait cru bon préciser que ce risque concerne aussi les unités aciérie 1, 2 et 3, l'agglomération et le Haut Fourneau n°2, les aciéries, PMA, Agglo, convertisseurs, creuset, batteries. Une autre explosion était intervenue sur le convertisseur n°1 de l'aciérie à oxygène. Pour rassurer les salariés et leur syndicat, la direction générale sollicita les services de techniciens russes et polonais pour une expertise. Particulièrement sur le HF où s'étaient multipliées les fissurations du blindage et la déformation du gueulard générés par la surexploitation. Interrogé, Smaïn Kouadria le secrétaire général du syndicat de l'entreprise à l'époque, avait estimé : «Je dois reconnaître qu'il y a effectivement de hauts risques d'explosion des installations en service dans la zone chaude. Les risques d'accidents ou d'incidents majeurs sont imminents». Boudjemaa Bouraï le président du comité de participation avait été du même avis en déclarant : «Nous n'avons pas attendu que la société atteigne ce stade de pourrissement pour dénoncer les risques sur la sécurité de nos effectifs que représente la vétusté du HF n°2. Il risque d'exploser à tout instant. C'est un tas de ferraille qui fonctionne miraculeusement». Comme si toute cette pression sur le gouvernement ne suffisait pas, Vincent Le Gouic lança, fin 2012, un pavé dans la mare en avançant un autre risque à savoir celui de la situation de cessation de paiement de sa société. Il trouva en la déclaration de Smaïl Kouadria un puissant allié. Ce dernier avait affirmé : «Aujourd'hui, ArcelorMittal ne dispose plus de liquidités à même de lui permettre de poursuivre ses activités. Je ne comprends pas le refus de la BEA d'admettre en hypothèque les biens immobiliers au lieu et place du terrain d'implantation du complexe qui n'appartient pas à la société». Appuyé par le président du CP, ce syndicaliste aujourd'hui député avait même menacé d'occuper le siège du groupe Sider et de marcher avec 300 autres représentants des travailleurs sur Alger pour y tenir un sit-in devant le ministère de l'IIndustrie. Apparemment, cette situation fait l'affaire du groupe des sidérurgistes luxembourgeois. L'arrêt définitif de la cokerie et celui temporaire intervenant par intermittence au HF semblent les arranger. Après l'exportation des brames issues du stock de la défunte entreprise Sider, voilà qu'ArcelorMittal se met à en importer tout autant que les billettes. Dans quelques jours, des syndicalistes véreux soutenus par le même groupuscule de salariés, majoritairement issus de sociétés sous-traitantes, provoqueront une autre grève. Après la paralysie durant plusieurs jours du LRB, ces «révistes» s'en iront perturber l'opération de redémarrage du HF. Aussi étrange que cela puisse paraître, les pouvoirs publics ne bougeront pas. «Respectueuse du droit et de la justice», la direction générale déposera plainte en référé. Au bout de 5 à sera 6 jours, le temps que le HF refroidisse pour se détériorer davantage, une ordonnance d'évacuation des lieux, sans plus, sera émise et l'on reviendra à la case de départ. Celle-là même qu'ArcelorMittal ne veut pas lâcher quitte à transformer en un tas de ferraille les installations de production du complexe sidérurgique El-Hadjar. Celui-là même qui avait fait la fierté des Algériens.