, Si pratiquement tous les engagements de l'Etat algérien mentionnés dans le contrat de partenariat signé courant 2001 avec le groupe franco-indien de la sidérurgie ArcelorMittal ont été respectés, il n'en est pas de même du partenaire étranger. Dans l'incapacité de hisser le niveau de production à 1,1 million de tonnes/an à l'horizon 2011 comme il s'était engagé à le faire, il n'a pas même pas respecté le plan des investissements qu'il devait réaliser. Que ce soit au complexe sidérurgique El-Hadjar, dans les mines de Tébessa ou à la tuberie sans soudure, les installations de production dont il est propriétaire de par ses 70% du capital social, on comptabilise les mêmes déficits que ceux des années Sider. Dix années après le bradage du complexe sidérurgique qui avait fait de Annaba la capitale de l'acier, le Trésor public poursuit le décompte de ses pertes. Il y a d'abord la cession du complexe. Pour désengager l'Etat de cette activité encombrante et déficitaire, Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement en 2001, n'avait pas hésité à accepter toutes les conditions du grand patron du groupe devenu par la suite leader mondial de l'acier. De ces conditions il y a l'obligation faite à l'Etat algérien d'accorder un crédit bancaire à taux bonifié de 140 millions de dollars à ArcelorMittal, l'exonération de toutes les charges patronales durant cinq années et des taxes douanières durant 10 années sur tous les équipements et matières premières importées et la réduction de 70% du prix de l'énergie et de l'eau, la garantie du monopole sur le marché algérien des produits sidérurgiques. De son côté, le nouveau propriétaire de la sidérurgie algérienne s'engageait à ne pas appliquer un quelconque volet social pour réduire ses effectifs, valoriser les salaires en fonction de l'amélioration de la situation du complexe, hisser la production de l'acier à 1,3 million de tonnes/an à l'horizon 2011 et à 1,5 million de tonnes/an en 2015, lancer un programme d'investissements pour la rénovation des installations. De ces engagements d'ArcelorMittal, rien n'a été respecté conformément aux dispositions du contrat. C'est autrement que la réduction des effectifs s'est opérée. Bien rodée sous la gestion de Sider, la procédure des départs volontaires entraînera celui de 7 000 travailleurs (ils étaient 14 000 à l'arrivée de LNM en 2001. Neuf années plus tard, ils ne sont plus que 4 700). Bon an mal an et jusqu'à 2010, la production sidérurgique dépassera d'à peine 30 000 tonnes celle réalisée sous Sider. La valorisation des salaires s'effectuera par 2 fois sous la contrainte des grèves et débrayages des travailleurs. Quant au plan des investissements, il a fallu que de graves incidents interviennent (explosion des convertisseurs dans les ACO, menace d'explosion de la cokerie, arrêt du HF, pannes récurrentes à l'aciérie à oxygène…) pour qu'ArcelorMittal décide de le lancer avec le crédit consenti par le Trésor public algérien. Pas d'investissement aussi dans les mines de Tébessa devenues depuis 2003 la propriété d'ArcelorMittal en partenariat avec le groupe algérien Ferphos. Bien qu'il en extrait le minerai pour son haut fourneau, ArcelorMittal n'a pas inscrit la réhabilitation des installations de Tébessa sur la liste des priorités. C'est la même démarche adoptée pour la cokerie. A l'arrêt depuis 2009, cette installation ne sera ni réhabilitée ni changée. C'est l'avis du directeur du comité des investissements du groupe ArcelorMittal en visite de travail au complexe El-Hadjar le 7 janvier 2010. En présence de ses partenaires sociaux, il a clairement affirmé que la rénovation de la cokerie n'est pas une priorité. Etrangement, l'expertise de cette dernière dure dans le temps. Dire que le chef indien du groupe LNM était venu armé d'un savoir-faire serait faire la part belle aux signataires algériens du contrat de cession du fleuron de l'industrie lourde algérienne. En fait, il était venu avec dans ses bagages le cachet rond de son groupe, sa griffe et sa réputation de repreneur de sociétés de sidérurgie en difficulté à travers le monde. Or, même si annuellement et jusqu'à 2001, l'Etat renflouait les caisses de l'entreprise Sider avec 8 milliards de dinars et que l'Algérie était financièrement en difficulté, le complexe El-Hadjar n'avait pas atteint le point de non-retour. Il était tout simplement ingérable. Il était étranglé par un sureffectif imposé de quelques 20 000 travailleurs. Les 2/3 avaient été recrutés pour ne rien faire dans le cadre de la politique du plein emploi. Sa cession parait avoir été faite au dinar symbolique. La précipitation avec laquelle a été signé le contrat sans qu'au préalable les responsables algériens n'établissent une quelconque expertise, plaide pour cette démarche. Cette cession avait été précédée de l'opération départ volontaire de 7 000 travailleurs. Elle avait été lancée quelques mois avant l'arrivée de l'indien LNM. Autre fait troublant, la rapide mise à l'écart de la société Duferco, l'autre candidat et sérieux concurrent de LNM à la reprise de Sider. Pour l'exclure de la course, les décideurs algériens lui ont reproché de vouloir se défaire de la zone chaude et s'intéresser à la gestion seulement. A entendre les dirigeants du groupe franco-indien ArcelorMittal, les Algériens devraient marquer de la reconnaissance envers ces Indiens venus pour les décharger du gouffre financier qu'était le complexe sidérurgique El-Hadjar. Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement signataire du contrat de cession en 2001, reviendrait-il sur sa décision 10 années après et décider de renationalisation le complexe ? Tout indique que cette démarche n'est pas à écarter. D'autant, affirment des sources crédibles, que la question sera abordée lors de la prochaine rencontre, à Alger, ArcelorMittal-gouvernement algérien. En tout état de cause, les observateurs économiques considèrent que l'année 2011 sera celle des grandes manœuvres tant à Alger qu'au Luxembourg. Bien qu'entourée de confidentialité, la bataille est déjà livrée dans les coulisses entre les deux parties qui avaient scellé leur association en 2001. Lors des discussions, les Algériens tenteront de convaincre leurs interlocuteurs franco-indiens de rétrocéder 21% des actifs au profit de Sonatrach. Ils argumenteront certainement le non-respect des dispositions du contrat de 2001. Notamment le fait que 10 années après, la situation du complexe sidérurgique El-Hadjar est restée telle qu'elle était avant l'arrivée du franco-indien en octobre 2001. Bien maigre consolation que l'économie des 8 milliards de dinars que le Trésor public versait annuellement pour renflouer les caisses de Sider. En réalité, il n'y a pas eu d'économie quand on sait que le Trésor continue à ce jour de perdre son argent. Cette perte est traduite par les avantages dont bénéficie ArcelorMittal comme l'application de prix préférentiels sur l'énergie et l'eau, l'exonération des charges patronales et la surpression de la taxe douanière. Ces avantages ont été consolidés, cerise sur le gâteau, par la cession dans les mêmes conditions que pour le complexe El Hadjar, des mines de Tébessa et de la tuberie sans soudure. Mais où est donc le transfert du savoir-faire que LNM d'abord, MittalSteel ensuite et enfin ArcelorMittal, devait amener pour permettre au complexe El-Hadjar de mieux maîtriser sa production et atteindre le 1,5 million de tonnes d'acier ? Ces neuf dernières années, il n'y a pas eu d'autres technologies que celles anciennes utilisées avec compétence par les mêmes cadres et travailleurs algériens. Bien que leur nombre ait été réduit des 2/3, avec les mêmes installations de production et la même matière première, les travailleurs du complexe sidérurgique El-Hadjar continuent de produire du fer, de l'acier et des tubes. Il n' y a pas eu de transfert de savoir-faire comme il n' y a pas eu d'investissements tel que précisé dans le contrat. Et même si les dirigeants d'ArcelorMittal affirment le contraire, les investissements engagés l'ont été dans l'urgence pour répondre à des situations spécifiques. A quelques mois de l'élaboration du bilan de 10 années d'activité du complexe sidérurgique El-Hadjar sous gestion privatisée, bon nombre d'économistes algériens estiment que le gouvernement algérien a livré une bataille perdue d'avance durant les neuf années passées. Selon eux, l'exploitation du complexe sidérurgique a coûté deux fois plus cher que sous l'entreprise Sider. D'autres n'hésitent pas à dire que sa cession cache un scandale économique type Khalifa Bank avec comptes en banque à l'étranger. Et dire que Messaoud Chetih, l'ex-directeur général du groupe Sider, avait été condamné à 20 ans de prison pour avoir détourné… le montant d'un ticket de tramway au Japon. Et comme pour bien montrer leur mépris, les initiateurs du contrat ArcelorMittal avait jugé utile d'innocenter Chettih et 9 de ses proches collaborateurs quelques mois avant la signature du contrat de cession du complexe sidérurgique El-Hadjar. A. Djabali