La commémoration du soixantième anniversaire du 1er novembre 1954, date du déclenchement de la lutte armée pour l'indépendance nationale, a eu son lot habituel de manifestations pour honorer ce moment décisif de l'histoire de notre pays. Le contexte général actuel, dans sa dimension politique et dans son volet économique aussi, ainsi que ses aspects sociaux, a évidemment pesé sur cette commémoration, si l'on en juge par les termes du débat qui l'ont entourée et qui se caractérise par la diversité des avis. Un point est incontestable : les femmes et les hommes qui ont participé à la lutte armée ont réalisé leur objectif qui était de libérer l'Algérie de la domination française, en brisant le joug colonial, et de recouvrer la souveraineté et la dignité du peuple. Une autre appréciation fait l'unanimité, elle porte sur la déclaration historique du 1er novembre 1954 en tant que référence, à l'époque, en termes de libération des peuples du joug colonial, plus particulièrement les pays colonisés africains. La commémoration a été marquée par le message traditionnel du président Bouteflika qui a rendu hommage à cette poignée d'hommes, jeunes et d'instruction modeste, qui «avaient cependant une vision claire des faits et analysaient les évènements politiques avec une grande clairvoyance» et qui ont décidé de «changer le cours de l'histoire, après que les mouvements politiques, toutes tendances confondues, eurent épuisé tous les moyens de lutte». Dans son message, le président Bouteflika a tenu à rappeler le « contexte particulièrement difficile» à l'époque. Pour sa part, le président de l'Assemblée populaire nationale, Mohamed Larbi Ould Khelifa, a fait ressortir, à l'occasion de cette commémoration, le caractère universel et non raciste puisque l'appel du 1er novembre s'adressait à «tout le peuple algérien sans exception». Il a rappelé que la déclaration du 1er novembre n'avait a aucun moment appelé les Algériens à une guerre raciale contre l'ennemi d'où l'échec de la France dans sa tentative de «faire passer les moudjahidine pour des hors la loi et les séparer du peuple dans les zones rurales et les villes». A ce propos, le secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Saïd Abadou, a réitéré que la France devrait présenter des excuses pour les crimes commis contre les Algériens et les préjudices moraux et matériaux subis par le peuple algérien durant la longue période de colonisation. Qu'en savent les jeunes d'aujourd'hui ? Il suffit de leur poser la question pour mesurer le déficit en informations qu'ils connaissent concernant les souffrances endurées par le peuple algérien durant la longue nuit coloniale et les sacrifices consentis pour y mettre fin. La ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit, a promis que son département s'attèlera à combler cette lacune, au moins pendant tout le temps que dureront les festivités consacrées au soixantième anniversaire du 1er Novembre 1954. Dans l'opposition, évidemment, beaucoup pensent qu'une fois l'indépendance proclamée, l'ambition d'édifier un Etat de droit au service de tous les Algériens, qui constituait le contenu de l'engagement et du sacrifice de ceux qui ont libéré le pays, n'a, par contre, pas encore été réalisée. Leur thèse est connue : l'indépendance a été confisquée par un système qui a pris les rênes du pays et s'est maintenu, à ce jour, au pouvoir. Ils estiment que les élections sont truquées et accusent le «système» d'être à l'origine de tous les maux que connaît l'Algérie, qu'il s'agisse de la corruption, du terrorisme ou d'un quelconque autre fléau. Ils reconnaissent toutefois leur responsabilité, notamment pour ce qui revient aux générations qui n'ont pas connu le colonialisme, et posent la question de savoir ce qui a été fait pour donner son véritable contenu à l'indépendance.