En attendant de connaître le pays d'accueil de la CAN-2015, c'est un véritable parcourt du combattant auquel est soumise la CAF. Jamais le quotidien sportif «L'Equipe» n'a eu à consacrer sa «Une» à la coupe d'Afrique des nations. Le journal télévisé de Tf1 vient de le faire aussi. C'est dire que cette bombe à retardement qui vient de déposer au cœur de cette institution le royaume chérifien, met en alerte tout le continent africain. Une belle leçon pour l'institution et le monde sportif et aussi une pure révélation de ce que peut réaliser ce pays. Sur France 24, Issa Hayatou, président de la Caf, dira : «Je ne peux pas comprendre l'obstination du Maroc à vouloir reporter la compétition car c'est un processus assez long. Nous avons toujours été en contact avec la Fédération marocaine (FMRF). Moi-même, j'ai conduit une délégation au Maroc. Nous avons beaucoup dialogué avec eux mais nous ne pouvions pas reporter la Coupe d'Afrique des nations. Il en va de la crédibilité la CAF. La FMRF dit que c'est à cause d'Ebola, mais quand on voit que le Maroc est aussi en train d'organiser la Coupe du monde des clubs, 25 jours seulement avant la CAN, vous comprenez que c'est un argument vite effacé. C'est ce qui nous a amené à prendre cette décision. Il fallait absolument mettre fin au bras de fer avec la FMRF», rapporte le journal «L'Equipe» qui consacre un dossier à cette triste affaire. Hayatou conclut : «Si on avait reporté l'épreuve, c'est la CAF qui aurait payé les pots cassés». Sauf, comme nous l'avons écrit dans nos précédentes édition, le report est quasiment impossible pour des raisons connues de tous. La CAN peut alors quitter la scène footballistique et ce sera les projecteurs des autres continents qui seront orientés vers le nôtre. L'Afrique sera, une fois de plus, et cette foi-ci, non pas pour des virus de tous genres mais pour une raison sportive. «Et nous n'aurions alors plus été crédibles et n'aurions plus pu organiser quoi que ce soit. On aurait heurté nos sponsors et nos partenaires. Et c'est la CAF qui aurait payé les pots cassés. Si on avait reporté cette compétition, ça aurait vraiment été quelque chose de mortel pour le football africain. Il n'est pas question de laisser à qui que soit de détruire toute l'œuvre que nous avons patiemment élaborée (...) Je ne peux pas encore dire où la CAN va se jouer, mais je peux assurer qu'elle aura bien lieu», rassure Hayatou, rapporte le même journal dans son édition spéciale. Claude Le Roy confiera : «Tout le monde veut que cette compétition se joue, sauf peut-être quelques personnes mal informées». Alors que Christian Gourcuff (sélectionneur de l'équipe algérienne) a déclaré lundi sur une chaîne télé nationale privée : «On espérait vraiment que cette CAN se disputerait au Maroc et c'est une grande déception. En tout cas, je suis très dubitatif sur les raisons qui ont conduit à cette situation. Bien sûr, je ne maîtrise pas tout mais cela ne m'empêche pas d'être étonné». La déclaration de Claude Le Roy (sélectionneur du Congo), parue au «Le Parisien» mériterait d'être mise en valeur parce qu'elle résume la force des Africains et surtout montre du doigt ceux qui obéissent à ceux qui cherchent à mettre à genoux ce continent y compris dans le monde sportif. Claude Le Roy, tout comme d'autres personnalités du sport, ne se taira pas parce que cette Coupe d'Afrique est aussi une opportunité pour tous les Africains, que le Maroc peut piéger pour de multiples raisons. «L'Afrique est un continent qui souffre, mais qui se bat. Et depuis que j'y travaille, c'est toujours comme ça ! En Europe, j'entends en ce moment beaucoup de commentaires sur le risque de contagion (par le virus Ebola), mais pour moi, c'est n'importe quoi (...) Des pays comme l'Egypte, le Nigeria, l'Angola ou encore le Ghana peuvent accueillir la CAN. Il faut d'ailleurs que cette compétition se joue. Tous les joueurs ont envie de ça. Tout le monde le veut ! Sauf peut-être quelques personnes mal informées. Et ce ne sont pas ces esprits frileux qui vont me faire changer d'avis», dit-il. «L'Equipe» reprend la déclaration d'Alain Giresse (sélectionneur du Sénégal), faite au quotidien «Le Parisien» : «Pour le moment, je ne sais pas si on va pouvoir la jouer. Ce qui est regrettable parce que pour les Africains, la CAN est très importante. Mais je suis partagé sur le sujet, car je sais qu'il y a une situation à risque avec Ebola. Maintenant, on subit, même si on ne doit pas se détourner du sportif». Ces brochettes de réactions ne peuvent qu'isoler le Maroc et le mettre en ligne de mire. C'est un peu l'avis de Marouane Chamakh qui reconnaissait en toute sportivité qu'ils sont «les premières victimes». Mustapha Hadji (sélectionneur adjoint du Maroc, sur RMC) ne pouvait que regretter le retrait de la CAN du Maroc : «On a des infrastructures extraordinaires. On était prêt à l'accueillir. Aujourd'hui, on est les premiers à être désolés. (...) Les joueurs sont tristes. Ça leur tenait à cœur de faire une Coupe d'Afrique à la maison. Ils étaient motivés, ils avaient vraiment envie de la faire, de montrer à tout le monde qu'ils avaient des qualités, qu'il y a du bon football au Maroc.» Un supporter marocain ne passera pas par plusieurs chemins pour dénoncer la réaction du royaume : «Ils sont responsables, la Caf ne doit pas se taire, toutes les sanctions sont justes et nous comprenons fort bien. Ils viennent d'humilier toute un peuple». Et maintenant, que fera la CAF ? Déménager vers un autre continent, déshabiller la Coupe et lui donner une autre appellation ? Parmi les candidatures, il y a celles du Nigeria et de l'Egypte, voire pourquoi pas celle commune entre le Soudan et le Gabon. Mais la plus inattendue, à n'en pas douter, provient du Qatar. Selon nos informations, l'émirat du Moyen-Orient aurait été sondé. «Au centre de nombreuses polémiques depuis qu'il a été désigné hôte du Mondial-2022, le riche état gazier pourrait en profiter pour tester ses compétences», relève le journaliste du quotidien «L'Equipe». Enfin, l'Afrique se souviendra de cette CAN-2015 et fera inscrire dans ses annales et dans une simple rubrique : le Maroc.