Souvenons nous des impacts de la chute des cours du pétrole en 1986 : crise financière, crise économique, crise sociale (révolte de 1988) et crise politique, l'Etat ne pouvant plus distribuer des revenus sans contreparties productives pour calmer le front social avec un point culminant, cessation de paiement fin 1993 et rééchelonnement en 1994. En ce monde turbulent et incertain, sous réserve d'une gouvernance renouvelée, l'Algérie malgré la chute du cours des hydrocarbures a l'ambition de ses choix qui doivent indiquer : comment se pose le problème ; quelles sont les contraintes techniques ; quels sont les choix possibles ; les ensembles de choix cohérents et quelles sont les conséquences probables de ces choix ? Quelles solutions où l'Algérie doit profiter de cette crise pour se diversifier, objet de cette contribution ? 1.-Il s'agit de faire un bilan sans passion, ni sinistrose, ni autosatisfaction mais d'être réaliste. Environ 97/98% des exportations relèvent des hydrocarbures et important près de 70% de nos besoins. Le secteur industriel représente moins de 5% du produit intérieur brut, et sur ces 5%, environ 95% étant des PMI-PME peu initiées au management stratégique. La superficie économique globale est représentée par 83% de petits commerce-services et la sphère informelle plus de 50% de la superficie économique. Ainsi, 70% de la valeur de la monnaie et du pouvoir d'achat des Algériens sont corrélés aux recettes des hydrocarbures. Mais l'Algérie a des atouts : stabilisation macro-économique, faible taux d'inflation mais compressé par les subventions qui faussent le taux d'inflation réel. La dette extérieure par rapport au niveau du PIB est relativement faible contrairement aux années 1986/1990 ; le niveau des réserves de change est appréciable, environ 200 milliards de dollars avec les 173 tonnes d'or permettant à l'Algérie de tenir aux chocs pendant 4 à 5 années et n'oubliant que même avec un cours à 70 dollars Sonatrach a des recettes annuelles d'environ 48/ 50 milliards de dollars annuellement, le prix du gaz étant indexé sur celui du pétrole et à un cours de 60 dollars environ 40 milliards de dollars sous réserve d'une stabilisation des exportations en volume. Et enfin une prise de conscience des impacts négatifs de la crise de 1986. Mais nous ne devons pas également oublier la crise de 1986 qui a eu un impact quatre à cinq années après, que les besoins de la population algérienne se sont énormément accrus entre temps comme en témoignent les fréquentes révoltes sociales. Aussi, la solution doit être structurelle et durable et non des palliatifs conjoncturels, pas seulement économique mais également politique. Il est temps de placer l'intérêt de l'économie algérienne au-dessus des intérêts des groupes d'intérêt rentiers spéculatifs. Il y a lieu de prévoir plusieurs scénarios et en prenant le plus pessimiste, 40/50 dollars, 50/60 dollars, 70/80 dollars et 80/90 dollars. Dans ce cadre, il s'agit de dresser sur les dix dernières années par ordre décroissant de la balance commerciale la valeur et les quantités importées à travers une vision globale rentrant dans le cadre de la politique socio-économique avec pour but de favoriser le maximum de substitution à l'importation. Ainsi pour 2013, selon les statistiques douanières, l'Algérie a importé 9,58 milliards de dollars de biens alimentaires, 4,34 énergie-lubrifiants, produit bruts 1,8- demi-produits 11,22- biens d'équipement 16,6 milliards de dollars -biens de consommation 11,2 donnant au total presque 55 milliards de dollars, sans compter les services et les transferts légaux de capitaux. Uniquement pour 2014, la facture importation de blé et de médicaments risque de dépasser les 4 milliards de dollars. En détail, certaines rubriques sont inquiétantes. L'Algérie a importé en 2013 pour 2,22 milliards de dollars de gasoil, 1,25 d'essence super, 1,21 milliard pour les turbines de gaz et 5,94 milliards de dollars en voitures de tourisme et transport de marchandises et 643 millions de dollars de bois. Mais il ne faut pas être utopique. Les hydrocarbures continueront encore longtemps d'être notre principale ressource financière. 2.-Alors que faire ? L'objectif stratégique est d'avoir une stratégie clairement définie, un code d'investissement n'étant qu'un moyen devant s'insérer au sein de cette stratégie, est de réaliser cette transition dans le cadre de l'adaptation de l'Algérie aux nouvelles mutations énergétiques, économiques, politiques et militaires mondiales. La transition économique est d'aller vers une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. Cela suppose de valoriser l'entreprise qu'elle soit publique privée locale ou internationale et surtout l'économie de la connaissance en améliorant la qualité par la création de grandes universités régionales d'excellence et des grandes écoles spécialisées en relation avec une réelle décentralisation économique autour d'éco-pôles régionaux. Je propose les mesures suivantes devant distinguer les mesures de court terme, de moyen terme et de long terme et les synchroniser dans le temps ce qui suppose une bonne planification stratégique, des institutions crédibles, un Etat de droit et la démocratisation de la société pour une gestion participative. -II- Les 20 propositions 1.- J'ai préconisé il y a de cela plusieurs mois, de créer une cellule de crise regroupant un représentant de chaque département ministériel avec des experts indépendants sous la coupe du Premier ministre afin de prendre des décisions au temps réel. 2.-Je souhaite que son Excellence, Monsieur le président de la République annonce solennellement une baisse de salaires des responsables de la présidence, des membres du gouvernement et des hauts cadres de l'Etat, certes à très faibles impacts financiers, mais un symbole moral fort, si l'on veut mobiliser la population et atténuer des revendications salariales non justifiées comme celles des députés qui constituent une agression contre la société. 3.-Pour une cohérence globale, je propose un grand ministère de l'économie nationale et un grand ministère de l'éducation nationale intégrant la formation socioprofessionnelle avec plusieurs secrétariats d'Etat techniques, pour plus de cohérence et éviter ces ministères qui se télescopent dans les décisions, pilier pour réaliser la transition hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. Eviter l'utopie, vision statique du passé, que c'est le système socio-éducatif qui doit s'adapter au secteur économique, certes existent des relations dialectiques. A l'avenir, c'est le système économique qui devra s'adapter au nouveau système socioéducatif devant investir surtout dans le primaire et les collèges pour avoir un enseignant de base de qualité et le supérieur dans les filières dynamiques de demain (l'économie de la connaissance) car en ce XXIe siècle, l'on devra changer plusieurs fois d'emplois dans notre vie. 4.-Revoir le fonctionnement de notre diplomatie en mettant l'accent sur la dynamisation de la diplomatie économique au point mort sans laquelle la diplomatie politique a un impact limité. Utiliser avec précaution les réserves de change qui sont le support de la valeur du dinar (corrélée à 70% aux hydrocarbures) et l'attrait de l'investissement et d'ailleurs de toute la politique étrangère. Pour le Fonds de régulation des recettes qui a été mis en place d'ailleurs pour pouvoir, corriger les variations inattendues qui peuvent provenir soit d'une diminution des prix, soit d'une diminution des quantités, il serait souhaitable à terme pour plus de transparence dans la gestion qu'il soit supprimé, les lois de finances devant être calculées au prix moyen du marché, quitte à verser l'excédent dans un compte pour les générations futures. 5.-Geler les projets non prioritaires qui n'ont pas d'impacts économiques et sociaux à l'instar des tramways dans les régions à faibles populations, l'autoroute des Hauts-Plateaux devant éviter les surcoûts de l'autoroute Est-Ouest prévue à 7 milliards de dollars et qui coûtera plus de 13 milliards de dollars non encore terminée, alors qu'elle est plus facile à réaliser que celle des Hauts-Plateaux ; axer sur le développement de l'entreprise, des segments au sein de filières internationalisées devant éviter le changement perpétuel de cadres juridiques qui ont un coût colossal, décourage tout investisseur potentiel, une organisation étant inefficace par définition sans vision d'ensemble et se poser cette question stratégique qui relève de la sécurité nationale : quelle est la place de l'Algérie horizon 2020/2030 au sein de la mondialisation et notamment au sein du Grand Maghreb et de l'Afrique. 6.- Eviter le chauvinisme, voyant l'ennemi extérieur partout alors que les réformes structurelles supposent une nette volonté politique interne de changement , et analyser objectivement l'impact l'Accord d'association avec l'Europe représentant plus de 60% de nos échanges, avalisé par le gouvernement le 1er septembre 2005 dont le dégrèvement tarifaire sera zéro en 2020 et sur l'éventuelle adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC représentant 85% de la population mondiale et 97% des échanges mondiaux). (A suivre)