L'annonce de la nomination de «muftis» dans toutes les wilayas du pays n'a pas laissé indifférente la classe politique, notamment l'opposition qui accuse le pouvoir de continuer à violer la Constitution et d'instrumentaliser la religion à des fins politiques. La rumeur qui a circulé ces derniers jours sur la nomination de « muftis» à la tête de chaque wilaya a été confirmée par le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs. En visite dans la wilaya d'Oran, Mohamed Aïssa a annoncé officiellement l'installation de muftis dans les 48 wilayas du pays avant la désignation du mufti de la République. «La création d'une instance nationale de la fetwa et la désignation d'un mufti par le président de la République nécessite d'abord l'installation de muftis à travers toutes les wilayas du pays», a souligné le ministre dans une déclaration à la presse en marge de sa visite d'inspection du projet de réalisation de la grande mosquée «Abdelhamid Ibn Badis» d'Oran. M. Mohamed Aïssa a ajouté que cinquante postes de muftis seront répartis sur les 48 wilayas en plus de deux autres au niveau de l'administration centrale du secteur, indiquant que les directions de wilayas des affaires religieuses ont été destinataires de correspondances pour activer l'opération et choisir des imams compétents pour ces postes. Il sera procédé, après l'installation des muftis, à la constitution d'une instance nationale d'Iftae et la désignation du mufti de la République, a-t-il encore expliqué soulignant que cette future instance sera ouverte aux universitaires spécialisés dans les domaines des sciences islamiques et autres sciences complémentaires. Le ministre a appelé, à cette occasion, à s'en tenir à la référence religieuse nationale déclarant «qu'il n'est permis à aucun imam, quel que soit la source ou la région où il a étudié, de s'attaquer au rite malékite dans son territoire au Maghreb arabe, ni au soufisme qui constitue une caractéristique de la société algérienne». Les partis de l'opposition étaient les premiers à réagir à la création de ces «muftis» qui ne devraient pas exister dans le champ politique. «C'est une véritable violation des textes et des lois de la République en vigueur, notamment l'article 42 de la Constitution nationale» ont-ils indiqué. L'article en question interdit la création de partis fondés sur une base religieuse, linguistique, raciale, de sexe corporatiste ou régionale. «D'un côté l'Etat érige des lois et nous demande de ne pas instrumentaliser l'islam à des fins politiques et de l'autre, c'est le gouvernement lui-même qui ne respecte ses propres lois», ont-ils martelé. A partir de la mosquée «Al Wafa Bi Al Ahd» à Kouba (Alger), Ali Belhadj a ironisé en faisant savoir que dorénavant personne ne pourrait lui demander de ne pas s'ingérer en politique. «Du moment que c'est l'Etat qui profite de l'islam pour gérer le pays, nous avons le droit également de faire de même, c'est ce que nous sommes en train de faire maintenant dans la mosquée», a-t-il, indiqué. C'est le même cas pour les dirigeants des partis du courant démocratique qui s'interrogent sur la création de 50 postes de «muftis». Ces derniers ont fait savoir que l'actuel gouvernement n'est pas à sa première bévue, citant en exemple l'octroi d'agrément à des mouvements islamistes dont «Harakat Al Bina Al Watani», proche des Frères musulmans, dirigé par M. Boumahdi. Ces derniers ont mis en garde contre les conséquences dramatiques, que pourrait engendrer ce genre de procédés qui pourraient replonger le pays dans les années 1990. A ce même sujet, nos interlocuteurs sont allés très loin, accusant le gouvernement de préparer le terrain à ceux qui rêvent d'instaurer un Etat théocratique en Algérie.