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90 milliards de dollars de Sonatrach entre 2015 et 2019 seront-ils suffisants ?
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 02 - 2015

Au moment où la majorité des compagnies dans le monde beaucoup plus importantes que Sonatrach annoncent des coupes dans leur investissement, le géant russe Gazprom étant en difficulté et la principale société d'Etat d'hydrocarbures vénézuélienne en semi-faillite, avec une incertitude des prix du brut entre 2015-2020, le président directeur général de Sonatrach par intérim en date du 24 février 2015, annonce un montant faramineux d'investissement. Je le cite : «notre programme d'investissement sur la période 2015-2019 s'établit à plus de 90,6 milliards de dollars dont 71% dédiés au segment Amont, 20% au segment Aval et 8% pour l'activité de transport par canalisations». Ce montant colossal est-il réaliste en cas d'un cours entre 60 et 70 dollars, sans recourir aux réserves de change ou à l'endettement , objet de cette présente contribution
1.-Le chiffre d'affaire de Sonatrach a été clôturé à environ 59 milliards de dollars en 2014 pour un cours moyen du baril supérieur à 85 dollars entre le premier et second semestre. Pour un cours moyen de 60 dollars (le prix du gaz étant indexé sur celui du pétrole selon la formule retenue par Sonatrach) le chiffre d'affaire devrait fluctuer entre 40/45 milliards de dollars, la part des produits raffinés étant moins soumise aux aléas du marché. Pour un cours de 60 dollars les recettes de Sonatrach devraient s'établir entre 35/40 milliards de dollars. Etant entendu qu'une baisse d'un dollar en moyenne annuelle cause une perte fluctuant entre 500/600 millions de dollars. Mais il ne faut pas confondre chiffre d'affaire de Sonatrach avec le résultat brut d'exploitation devant soustraire l'ensemble des charges et la part des associés. Si l'on prend un ratio en moyenne de 30%, ce qui resterait à Sonatrach annuellement serait pour 2014 environ 41 milliards de dollars, à un cours de 70 dollars de entre 28 et 32 milliards de dollars et à un cours de 60 dollars entre 25 et 28 milliards de dollars. Pour 60 dollars le baril entre 2015/2019 à un cours moyen de 60 dollars nous aurons entre 100 milliards et 140 milliards de dollars et pour un cours du baril de 70 dollars entre 140 et 160 milliards de dollars. L'investissement de 90 milliards de dollars représenterait pour un cours de 60 dollars entre 90% et 67% des profits de Sonatrach et comment alors alimenter le budget de l'Etat ? Pour un cours de 70 dollars 67 et 56%, ne restant pour le financement du reste de l'économie à ce cours entre 33 et 44% des recettes en devises, les recettes hors hydrocarbures étant marginales. Cela est intenable tant politiquement (remous sociaux inévitables) qu'économiquement devant en urgence de réhabiliter le conseil national de l'Energie seul habilité, selon la Constitution, à tracer la politique énergétique du pays. C'est que l'Algérie est une économie rentière fonctionnant sur la base actuelle de 120/130 dollars entre 2014/2015 (loi de Finances prévisionnelle), 98% des exportations étant représentées par les hydrocarbures brut et semi-brut (tenant compte des dérivées) et important 70% des besoins des ménages et des entreprises dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%. Pour maintenir un taux supérieur à 60% du financement des autres secteurs de l'économie, si Sonatrach maintient ce rythme d'investissement, la seule solution au cours de 60 et 70 dollars serait de puiser dans les réserves de change (déjà environ 10 milliards de dollars en 2014) estimées fin 2014 à 186 milliards de dollars sans les 173 tonnes d'or, sinon l'on irait à son épuisement horizon 2020. Il s ‘agit donc de bien gérer cette manne pour éviter les impacts négatifs des années 1986/1992. La baisse des réserves de change entraînerait forcément, une dévaluation du dinar et donc des tensions inflationnistes dont la cotation tient pour plus de 70% à ces réserves de change et donc aux recettes des hydrocarbures. Ainsi que le pouvoir d'achat des Algériens qui est corrélé également la rente pour plus de 70%, l'on ne pourrait maintenir le montant des subventions et transferts sociaux qui représentent en 2014, 60 milliards de dollars soit plus de 27/28% du produit intérieur brut. Et de plus, je n'ai pas prévu un scenario catastrophe en dessous de 60 dollars. Aussi, moment où la majorité des compagnies dans le monde beaucoup plus importantes que Sonatrach annoncent des coupes dans leur investissement, le géant russe Gazprom étant en difficulté et la principale société d'Etat d'hydrocarbures vénézuélienne en semi-faillite, avec une incertitude des prix du brut entre 2015/2020, le problème posé relevant de la sécurité nationale est le suivant: ces investissements seront-ils rentables ? 2.- C'est dans le cadre d'une vision stratégique globale , que j'ai soumis un long rapport (de 8 volumes - 620 pages) au Premier ministre le 25 février 2015, auquel ont participé des experts ayant plusieurs décennies d'expérience dans le domaine de l'énergie, ingénieurs et économistes de différentes disciplines, sur la place du pétrole et gaz de schiste, inséparable de l'épuisement des ressources traditionnelles horizon 2030,( très forte consommation intérieure allant vers 75 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2030), des autres formes d'énergie, et des nouvelles mutations énergétiques mondiales devant aller vers un MIX énergétique(1). Je rappelle que le Premier ministre, engageant le gouvernement, pour le pétrole-gaz de schiste a affirmé, dans le cadre des orientations du mini- conseil des ministres présidé par le président de la République, le 24 février 2015 « que nous sommes à l'ère de l'exploration, et l'exploitation ne verra pas le jour avant 2020/2025 sous réserve du respect de l'environnement et de la rentabilité, principes contenus dans la loi des hydrocarbures votée en 2013 ». C'est un rapport objectif, mesuré avec des analyses et proposions purement scientifiques de toutes les tendances, évitant toutes polémiques stériles, tant la sinistrose que l'autosatisfaction, privilégiant uniquement les intérêts supérieurs de l'Algérie, personne n'ayant le monopole du nationalisme. De l'avis de la majorité des experts, l'énergie étant au cœur de la sécurité nationale, c'est une opportunité pour l'Algérie, qui doit évaluer ses potentialités, mais devant analyser tous les risques négatifs et sa rentabilité à terme, l'objectif stratégique étant de s'orienter vers un Mix énergétique. La majorité des experts, notent que ce dossier sensible nécessite une formation pointue, posant une problématique sociétale, une bonne communication en direction de la société est fondamentale. Pour éviter de perturber la gestion de Sonatrach, société commerciale stratégique, protéger ses cadres, il est souhaitable que ses dirigeants évitent de s'exposer aux débats, devant laisser au Ministère seul habilité politiquement, à exposer ses arguments. A ce titre, pour plus de crédibilité auprès de la population, il est souhaitable qu'une institution indépendante créée, relevant non d'un département ministériel, évitant d'être juge et partie, mais du président de la République ou du Premier ministre associant la société civile de chaque région, des experts indépendants, des représentants du ministère de l'Energie et d'autres départements ministériels, travaillant en étroite collaboration avec les institutions internationales. 3.-En résumé, le défi de l'Algérie est de réaliser la transition d'une économie hors rente dans le cadre des valeurs internationales. Les ajustements économiques et sociaux en cas d'un cours inférieur à 80 dollars entre 2015/2020 seront très douloureux. D'autant plus que rentre les questions géostratégiques qui ont un coût pour sécuriser nos frontières. La région euro-méditerranéenne et africaine est appelée à d'importants enjeux géostratégiques qui interpellent l'Algérie tant dans le domaine politique, militaire qu'économique, ce dernier étant déterminant, étant à l'ère de la mondialisation avec des mutations technologiques perpétuelles. Pour éviter les expériences négatives du passé,notamment des effets de la chute des hydrocarbures, la bonne gouvernance à tous les niveaux, central, local, d'entreprises et le savoir de qualité seront déterminants. Les réformes impliqueront une société où domine un Etat de droit, où c'est la norme du droit qui devrait reprendre sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté. Le passage de l'Etat de «soutien» à l'Etat de droit est de mon point de vue un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social et politique entre la Nation et l'Etat. Il s'agira de parer au manque de visibilité et de cohérence, de lutter contre le pouvoir bureaucratique sclérosant, de tisser de bons co-partenariats avec les firmes étrangères qui contrôlent la technologie et le marché mondial, de dé- diaboliser le secteur privé national et international productif et éviter ce paradoxe, une aisance financière, du moins à court terme, grâce à des facteurs exogènes, en dynamisant les sections hors rente dans le cadre des valeurs internationales. Car avec la chute du cours des hydrocarbures, nous assistons à des inquiétudes pour l'avenir de l'Algérie, qui pourtant a des potentialités immenses pour surmonter la crise multidimensionnelle actuelle sous réserve d'une gouvernance rénovée et d'un sacrifice partagé.

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