Comme nous l'avions annoncé lors d'un débat avec mon ami Antoine Halff ancien économiste en chef au secrétariat d'Etat à l'énergie US et actuellement directeur à l'AIE lors d'un débat le 24 octobre 2014 à Radio France Internationale – RFI, je cite nos propos : «l'Accord cadre définitif avec l'Iran pour des raisons géostratégiques sera parachevé, en principe, avant le 30 juin 2015 et les cours du pétrole se maintiendront à un niveau bas en 2015 ». Suite à cela, je l'ai annoncé à plusieurs médias algériens TV et presse et devant le Premier ministre Sellal et de plusieurs membres du gouvernement le 4 novembre 2014 lors de la conférence organisée par le ministère de l'Industrie au Club des Pins sur la relance économique, et par la même occasion un comité de crise a été proposé pour parer à la chute du cours des hydrocarbures, que certains experts et membres du gouvernement algériens écartaient, afin d'éviter l'expérience douloureuse des impacts de 1986 (cessation de paiement). 1.-La place de l'Iran dans la région et l'Accord préliminaire du 2 avril 2015 La République islamique d'Iran, a été proclamée le 1er avril 1979. Après près d'une décennie d'isolement diplomatique, l'Iran cherche à renouer avec la communauté internationale. Pour rappel, la conversation téléphonique avec le président Obama de septembre 2013 qui a constitué une rupture historique. Dès son élection en juin 2013, le président Rohani a exprimé son souhait d'améliorer les relations de l'Iran avec la communauté internationale notamment sur le dossier du nucléaire, dégradées au cours des présidences précédentes, tout en essayant d'apaiser ses relations avec les puissances régionales notamment ses relations avec les puissances sunnites, en particulier l'Arabie Saoudite et les tensions actuelles au Yémen en seront un test. Selon bon nombre d'experts militaires, le Yémen, à l'extrémité de la péninsule arabique et chasse gardée de l'Arabie Saoudite via les USA, n'est pas une priorité stratégique pour Téhéran, bien moins en tout cas que l'Irak ou la Syrie, où l'Iran est un acteur majeur des crises en cours. Sur le plan régional, c'est un acteur clef comme en témoigne sa priorité qui est la lutte contre Daech où l'Iran a apporté son soutien au régime irakien mais également depuis le déclenchement de la crise syrienne son soutien à Damas, mais une position qui peut évoluer, prônant un gouvernement d'union nationale selon ses intérêts stratégiques, qui constitue, avec l'Irak et le Hezbollah au Liban ses points d'appui essentiels. C'est dans ce cadre que rentre l'accord préliminaire avec l'Iran le 2 avril 2015. Ainsi après huit jours de discussion, le groupe des 5+1 les grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) et l'Iran ont signé jeudi 2 avril 2015 les «paramètres-clés» qui serviront de cadre à un accord définitif sur la poursuite du programme nucléaire iranien, texte qui doit désormais être rédigé d'ici au 30 juin. Il faut d'abord souligner que les négociations ne se sont pas déroulées seulement à Lausanne mais dans deux autres espaces mondiaux, en Iran et aux USA via Israël. D'abord en Iran où les forces réformistes doivent faire face aux forces conservatrices ; ensuite aux Etats-Unis d'Amérique via Israël où le congrès à majorité républicaine est réticent à un tel accord. Au lendemain de l'accord, nous avons assisté à une liesse populaire en Iran où la population frappée par l'embargo souffre comme je le démonterai par la suite à partir d'indicateurs économiques d'une très grave crise économique et sociale. Le président américain a salué l'accord historique en prenant les précautions d'usage, pour ne pas heurter ses alliés traditionnels Israël et l'Arabie Saoudite qui ont de forts appuis au niveau des républicains, je le cite «aujourd'hui, nous, les Etats-Unis, de concert avec nos alliés et partenaires, sommes parvenus à un accord historique avec l'Iran. Si ce cadre débouche sur un accord définitif global, il rendra notre pays, nos alliés et notre monde plus sûrs. L'Iran ne produira pas de plutonium de qualité militaire, et l'accord trouvé empêche Téhéran de fabriquer une bombe à base d'uranium enrichi». Il est conforté par l'opinion publique américaine puisque Aux Etats-Unis, de récents sondages montrent que l'opinion publique est plutôt favorable à un accord sur le nucléaire iranien. Dans une enquête menée pour le Washington Post et ABC, 59% des personnes interrogées soutiennent l'idée de lever la quasi-totalité des sanctions à l'égard de la République islamique en échange d'un accord qui limiterait le programme nucléaire de façon à empêcher la production d'armes nucléaires ; 31% se disent contre. Selon le secrétaire d'Etat américain et la partie européenne, les parties se sont mis d'accord sur le fait que les stocks d'uranium enrichi de l'Iran seront réduits de 98% pendant 15 ans. Le nombre de centrifugeuses de l'Iran serait ramené de 19 000 actuellement à 6 104 dans le cadre du futur accord. L'accord-cadre est un «pas important» qui permettra d'empêcher ce pays d'acquérir l'arme nucléaire, selon la chancelière allemande, la Russie et la Chine ayant également souligné un accord historique, et pour la France, le souci est d'aboutir à un accord final crédible et vérifiable afin que la communauté internationale soit assurée que l'Iran ne sera pas en situation de se doter de l'arme nucléaire. Les sanctions américaines et européennes seront levées progressivement en fonction du respect des engagements de l'Iran, tout accord final devant être endossé par le Conseil de sécurité de l'ONU. Mais au lendemain de l'accord le chef de gouvernement israélien a adopté un ton volontairement agressif pour dénoncer l'accord cadre signé le 2 avril 2015 qui menacerait la sécurité d'Israël, qui selon lui ne va pas bloquer le programme nucléaire de l'Iran, mais au contraire lui ouvrir le chemin, affirmant que «l'option militaire reste sur la table ». Mais, selon la plupart des observateurs, il n'y a aucune chance pour qu'Israël se lance dans une aventure aussi périlleuse, ces discours étant une garantie à sa coalition d'extrême droite. D'une manière générale, il reste encore du travail afin d ‘aboutir à l'accord définitif avant le 30 juin 2015, étant donc prévus trois mois de discussions. D'ici là, conservateurs iraniens et extrémistes de la droite israélienne, le parti travailliste ayant une positon plus mesurée, étant pour un Etat palestinien et une paix négociée qui devait selon les sondages remporter les élections, l'ayant perdue, la droite ayant invoquée la peur pour la remporter en fin de compte, chercheront à saborder cet accord politique préliminaire. Par contre pour le gouvernement irakien, allié de l'Iran, l'accord peut aider à stabiliser les tensions dans la région. C'est que la baisse des prix du pétrole affecte l'économie irakienne où selon le ministre du pétrole le conflit actuel réduit d'environ 50 % les revenus, pouvant produire plus de 8 millions de barils jour. Actuellement selon les données irakiennes, l'Irak produit environ 3,8 millions de barils par jour dans le sud, 400 000 barils directement sont exploités par Daech (une estimation près de dix fois supérieure à celle des services de renseignements occidentaux donnant au cours de 40 dollars à l'écoulement au noir près de 1,6 millions de dollars /jour ) exportés via la Turquie et 130 000 barils sont réservés à la consommation intérieure du Kurdistan avec lequel un accord de partage de la production a été conclu. Et si l'embargo permet une stabilisation de la région, l'Irak peut produire 8/9 millions de barils/jour et l'Iran qui produisait vers 2011/2012 plus de 2,5 millions de barils jour peut produire plus de 5/6 millions de barils/jour. Ces facteurs ajoutés à une production hors OPEP(part de marché de 67% contre 33% OPEP) sans compter les nouveaux arrivés sur le marché mondial (par exemple le Mozambique dès 2016), l'effort de guerre de l'Arabie Saoudite qui ne veut pas en plus perdre des parts de marché face à la Russie et au pétrole/gaz de schiste américain, , sans compter l'effort de guerre de l'Arabie Saoudite (plus d'un tiers de l'OPEP) et en cas de non reprise forte de la croissance de l'économie mondiale, peuvent maintenir le cours du pétrole bas , le prix de cession, le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole. 2.- Fortes potentialités, cours du pétrole et situation socio-économique dégradée Les potentialités de l'Iran sont très importantes, détenant le deuxième réserve de gaz traditionnel mondial et le quatrième réserve de pétrole du monde. Il est également situé sur la ceinture des réserves de cuivre de la planète et bénéficie de réserves considérables d'autres minéraux, tels que le fer, l'aluminium, le plomb et le zinc et un pays avantagé par des frontières qu'il partage avec 15 pays, pouvant devenir facilement un pays émergent, d'autant plus qu'il a investi dans la ressource la plus sûre la ressource humaine, l'élite sans laquelle aucun pays ne peut se développer. L'Iran a une superficie de 1 648 000 km2 avec pour capitale Téhéran et ses principales villes sont Machhad, Ispahan, Karaj, Tabriz. Sa monnaie est le Rial où un (1) euro = 33 917 IR en 2014. Selon les études de l'OCDE et du FMI, sa population est d'environ 77,8 millions (octobre 2014) avec une densité de 48,4 hab/km2, occupant la 2e place derrière l'Egypte. Le taux d'alphabétisation est de 93% pour les Iraniens de 19 à 40 ans, encore qu'existe des disparités puisque l'Indice de développement humain est 0,707 ayant été classée 88e rang mondial. Le PIB par habitant 2013/2014) est de 4 748 dollars avec un produit intérieur brut (PIB (2013/2014) de 366,1 milliards $ , étant la deuxième économie au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, PIB , ventilé comme suit : agriculture : 11,3% -industrie : 37,6%- services : 51% . En plus du pétrole et du gaz, l'Iran exporte principalement des pistaches, des tapis, des produits pétrochimiques, des produits chimiques organiques, de l'aluminium, des matériaux plastiques. Ses trois principaux fournisseurs sont la Chine, l'Allemagne et les Emirats arabes unis (qui jouent le rôle de centre de réexportation). Les biens principalement importés sont les machines, le fer et l'acier, l'équipement électrique et électronique et les céréales. Mais les indicateurs macro-financiers et macro-sociaux sont inquiétants : le taux de chômage en 20143/2014 officiellement est de 12,9%, mais estimé à 30% par le FM et le taux d'inflation à 35,2%. Le déficit budgétaire pour 2013/2014 aurait été de 6% du PIB avec une contraction du PIB de l'ordre de -1,2%. Selon le rapport du FMI l'excédent courant serait passé de 26,3 milliards de dollars (soit 6,6% du PIB) en 2012/2013 (mais 11% en 2011 / 2012) à 27,4 milliards de dollars (soit 7,5% du PIB) en 2013/2014 bien que l'excédent de la balance des paiements, aurait été ramené de 12,2 à 3,28 milliards de dollars Mais l'essentiel de l'économie repose sur la rente des hydrocarbures. Avec la généralisation de l'embargo, les revenus pétroliers de l'Iran ont chuté pour atteindre le quart de leur niveau initial. Comme rappelé précédemment, l'inflation a atteint plus de 35%, certains mois des niveaux record jusqu'à 50%, la valeur de la devise nationale a perdu 80 % de sa valeur, le taux de chômage réel grimpé à 30 % du fait de la croissance négative, l'économie étant dominée par le secteur public qui contrôle près de 80% et un secteur privé relativement limité. Ainsi, l'économie est très dépendante des revenus pétroliers qui irrigue la sphère économique et sociale qui représentant, selon le niveau du chiffre d'affaire, entre 70/ 80% des recettes de l'Etat. Dans ce contexte, une hausse ou une baisse du prix du pétrole influe sur les recettes du pays. Encore qu'il faille préciser en Iran, que les ventes de condensats de gaz et produits pétrochimiques sont comptabilisées comme exportations non pétrolières. Aussi, l'embargo a eu des répercussions négatives, les exportations de brut iranien étant plafonnées à 1 million de b/j environ selon les termes de l'accord intérimaire de Genève de novembre 2013 reconduit jusqu'au 30 juin 2015. C'est pourquoi, le gouvernement iranien table sur la levée de l'embargo qui lui permettrait de dynamiser son économie via les exportations. L'Iran détient la quatrième réserve pétrolière mondiale avec plus de 160 milliards de barils ( 13/14% des ré »serves mondiales) lui permettant facilement d'exporter entre 4/5 millions de barils jour et le deuxième réservoir de gaz traditionnel avec plus de 34 000 milliards de mètres cubes gazeux soit plus de 16% des réserves mondiales sans compter que l'Iran aura alors accès aux quelques 100 milliards de dollars bloqués dans les banques étrangères, qui pourront augmenter ses exportations et attirer les investissements étrangers.