De nombreux visiteurs ont découvert, jeudi, à la faveur d'une exposition organisée à Jijel, la face cachée de Madrasat El Hayet, un établissement-phare qui fit rayonner la culture et l'islam dans l'antique Igilgili. A la faveur de la célébration de Youm El Ilm, l'initiateur de cette exposition, Djamel Eddine Hadji, a voulu faire connaître au public un pan de l'histoire et de la culture de cette ville à travers les âges. L'exposition, organisée dans le hall du siège de la commune, retrace l'historique de cette Medersa libre, fondée en mai 1933 et agréée le 20 juin de la même année, à la rue Clerville dans l'ex-Djidjelli. Elle fut baptisée Madrassat El Hayet par ses membres fondateurs, Adbelhafid Khellaf dit Messaoud (premier président de 1933 à 1944), Cheikh Mohamed-Tahar Sahli, Mohamed Nibouche dit Massali et Belkacem Khellaf. La déclaration faite à la sous-préfecture de Bougie (aujourd'hui Béjaïa) en date du 20 juin 1933 indique que Madrassat El Hayat avait pour but de «faciliter l'enseignement de la langue arabe, de la théologie, du droit musulman et d'aider à l'éducation morale et religieuse», selon le journal officiel n°7 038 du 12 juillet 1933. Une notice de la police coloniale a également reconnu le bien-fondé de cette institution de «tendance nationaliste affiliée aux Oulémas et créée pour dispenser l'enseignement religieux et diffuser le Coran. Cette école, devenue aujourd'hui un musée, fut le creuset d'où émergèrent des nationalistes. Elle comptait 650 élèves jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Lors des évènements du 8 mai 45, les autorités coloniales ont procédé à sa fermeture et à la saisie de tout son matériel. L'assemblée générale de cet établissement a décidé, en octobre 1948, de construire une annexe en face de Madrassat El Hayat, après l'amnistie de 1946. Devant le refus de l'administration coloniale d'aider financièrement ce projet, les dirigeants de cette institution ont ouvert une caisse de solidarité pour recueillir des dons. Le premier à se manifester fut un grand industriel de la ville et néanmoins membre de l'association qui a contribué, avec des moyens financiers, à la concrétisation de ce projet. Mais en 1956, l'armée coloniale investit les lieux pour en faire un centre d'interrogatoire et de torture jusqu'à l'indépendance du pays. L'aventure de la Medersa, qui a commencé en 1933 avec 46 élèves, a atteint 1 700 écoliers à l'indépendance, dont le regretté Mohamed-Seddik Benyahia, ancien ministre des Affaires étrangères. Madrassat El Hayat, même si aujourd'hui elle a changé de statut en devenant musée, baptisée au nom de la célèbre tribu Kotama qui a régné au IXe siècle dans la région, reste tout de même un lieu chargé d'histoire et d'émotion. Et les Jijeliens tiennent «mordicus» à l'appeler Mederssa, Madrassat El Hayat.