Un séminaire a été organisé les 30/31 mars 2015 à Alger par le ministère du Commerce où le Premier ministre a donné un montant faramineux 37 milliards d'euros circulant au sein de la sphère informelle. Or, l'étude réalisée, sous ma direction pour l'Institut français des relations internationales (IFRI- 8e Think Tank mondial ParisFrance décembre 2013) intitulé « le poids de la sphère informelle au Maghreb et impacts géostratégiques » où en 2012, selon les données officielles de la banque d'Algérie et du ministère du Commerce, cette sphère contrôlait 50 milliards d'euros au cours de l'époque. La question qui se pose: entre 2012/2014, a-t-on intégrer 13 milliards d'euros au sein de la sphère réelle(1)? Dans ce cadre, face à la chute du cours des hydrocarbures, le gouvernement vient à nouveau de décider d'intégrer la sphère informelle au sein de la sphère réelle et une des mesures serait l'obligation de l'utilisation de chèques dans les transactions commerciales pour un montant supérieur à un million de dinars, qui est une pratique normale dans une économie normale. Or, cette sphère est elle même hétérogène, contrôlant des segments importants de l'économie, utilise de la monnaie fiduciaire (billets de banques) au lieu de la monnaie scripturale (chèques) ou électronique faute de confiance favorisant la hausse des prix, la corruption et donc le divorce Etat/citoyens et la détérioration du pouvoir d'achat des Algériens. Comme j'ai eu à l'affirmer dans plusieurs contributions depuis 15 années, (voir www.google.com), son intégration au sein de la sphère réelle ne peut relever d'un seul département ministériel devant impliquer la présidence, chefferie du gouvernement, les services de sécurité, et tous les départements ministériels dont les Finances, la Justice, l'Intérieur, etc.) et ce, avec la participation réelle des segments de la société civile. (1) Là ou les approches choisies dépendront des objectifs poursuivis, qui peuvent être très simples, comme obtenir des informations sur l'évolution du nombre et des caractéristiques des personnes impliquées dans le secteur informel, ou plus complexes, comme obtenir des informations détaillées sur les caractéristiques des entreprises impliquées, les principales activités exercées, le nombre de salariés, la génération de revenus ou les biens d'équipement. Le choix de la méthode de mesure dépend des exigences en termes de données, de l'organisation du système statistique, des ressources financières et humaines disponibles et des besoins des utilisateurs, en particulier les décideurs politiques participant à la prise de décisions économiques. Nous avons l'approche directe ou microéconomique fondée sur des données d'enquêtes elles-mêmes basées sur des réponses volontaires, de contrôle fiscal ou de questionnaires concernant tant les ménages que les entreprises. Elle peut aussi être basée sur la différence entre l'impôt sur le revenu et le revenu mesuré par des contrôles sélectifs. Nous avons l'approche indirecte ou macroéconomique basée sur l'écart dans les statistiques officielles entre la production et la consommation enregistrée. On peut ainsi avoir recours au calcul des écarts au niveau du PIB (via la production, les revenus, les dépenses ou les trois), de l'emploi, du contrôle fiscal, de la consommation d'électricité et de l'approche monétaire. Les méthodes directes sont de nature microéconomique et basées sur des enquêtes ou sur les résultats des contrôles fiscaux utilisés pour estimer l'activité économique totale et ses composantes officielles et non officielles. Les méthodes indirectes sont de nature macroéconomique et combinent différentes variables économiques et un ensemble d'hypothèses pour produire des estimations de l'activité économique. Elles sont basées sur l'hypothèse selon laquelle les opérations dissimulées utilisent uniquement des espèces ; ainsi, en estimant la quantité d'argent en circulation, puis en retirant les incitations qui poussent les agents à agir dans l'informalité (en général les impôts), on devrait obtenir une bonne approximation de l'argent utilisé pour les activités informelles. Les méthodes basées sur les facteurs physiques utilisent les divergences entre la consommation d'électricité et le PIB. Cette méthode a ses limites car elle se fonde sur l'hypothèse d'un coefficient d'utilisation constant par unité du PIB qui ne tient pas compte des progrès technologiques. Enfin, nous avons l'approche par modélisation développée par Frey et Weck et approfondie par Laurent Gilles, qui consiste à utiliser le modèle des multiples indicateurs - multiples causes (Mimic) pour estimer l'indice de l'économie informelle. Cette approche présuppose l'existence de plusieurs propagateurs de l'économie informelle incluant la lourdeur de la réglementation gouvernementale et l'attitude sociétale envers la bonne gouvernance. En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l'analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place c'est-à-dire des institutions et en Algérie. L'extension de la sphère informelle est proportionnelle au poids de la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l'économie et le citoyen mais en s'autonomisant en tant que pouvoir bureaucratique. Dans ce cadre, il serait intéressant d'analyser les tendances et des mécanismes de structuration et restructuration de la société et notamment des zones urbaines, sub-urbaines et rurales face à la réalité économique et sociale des initiatives informelles qui émergent impulsant une forme de régulation sociale. Cela permettrait de comprendre que face aux difficultés quotidiennes, le dynamisme de la population s'exprime dans le développement des initiatives économiques informelles pour survivre, ou améliorer le bien-être, surtout en période de crise notamment pour l'insertion sociale et professionnelle de ceux qui sont exclus des circuits traditionnels de l'économie publique ou de la sphère de l'entreprise privée. 2. Quelle est l'évolution de la sphère informelle en Algérie ? Nous avons deux périodes, la première pouvant aller de l'indépendance à 1986/1990 (période de la chute du cours des hydrocarbures) et la période des années 1990 à nos jours avec quelques variantes entre 2003/2015. La première période se caractérise par la gestion administrative centralisée qui avait consacré le système de l'Etat-providence prônant le plein emploi par le moyen de sureffectifs dans les entreprises publiques et les administrations pour acheter, du moins temporairement, la paix sociale. Durant cette période, l'Etat fixe les prix, les salaires, le taux d'intérêt, le taux de change d'une manière administrative. Pour preuve, on distribue des bénéfices même aux unités déficitaires et nous avons un quasi monopole sur toutes les activités. Encore, qu'avec l'envolée des prix du pétrole ces dernières années, la tentation est grande sous la pression populiste de revenir à l'ancienne période, ce qui serait suicidaire pour l'avenir du pays, montrant d'ailleurs qu'il y a un lien inversement proportionnel entre l'avancée des réformes et l'évolution du cours des hydrocarbures, réformes ralenties paradoxalement lors que le cours est en hausse alors que cela devrait être le contraire si l'on veut préparer l'ère hors hydrocarbures. Comme conséquence des politiques de cette période et cela n'est pas propre à l'Algérie, les pays de l'ex- camp communiste ont connu le même phénomène, nous assistons à l'extension de la sphère informelle où nous avons le prix fixé par l'Etat dont bénéficie une minorité qui devant également la rareté de l'offre nous trouvons ces mêmes marchandises sur le marché parallèle au prix du marché donnant des rentes de situation à une frange de monopoleurs issus du secteur d'Etat. Sur le plan externe les trafics aux frontières profitent de cette distorsion de prix, également sur le marché de la devise, pénalisant en dernier lieu le budget de l'Etat algérien. Pour la seconde période non achevée de 1994 à 2015, comme rappelée précédemment nous avons plusieurs variantes fonction des recettes de Sonatrach. Avec la crise où les recettes des hydrocarbures se sont effondrées ayant assisté sous la pression des évènements extérieurs à des réformes timides et la période de 1986 à nos jours avec le point culminant de 1994 date du rééchelonnement et de l'ajustement structurel, étant toujours dans cette interminable transition ni économie de marché concurrentielle, ni économie administrée expliquant d'ailleurs les difficultés de la régulation politique, sociale et économique. (Suite et fin)