Le secrétaire d'Etat américain John Kerry tentait lundi à Doha de rassurer ses homologues des monarchies arabes du Golfe sur les bienfaits de l'accord international sur le nucléaire iranien pour la sécurité de la région. M. Kerry est en tournée au Moyen-Orient, qui l'a déjà conduit en Egypte, et il est l'invité au Qatar d'une réunion exceptionnelle des ministres des Affaires étrangères des pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG - Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar). Il doit aussi avoir une rencontre tripartite inédite avec ses homologues russe et saoudien, Sergueï Lavrov et Adel al-Jubeir, pour parler essentiellement du conflit syrien, a confié un diplomate du département d'Etat. En ouvrant la réunion du CCG dans un hôtel de luxe de Doha, le chef de la diplomatie du Qatar, Khaled ben Mohamed al-Attiya, a réaffirmé que le Moyen-Orient devait être préservé de «toute menace d'armes nucléaires», tout en plaidant pour «l'énergie et la technologie du nucléaire civil à des fins pacifiques». Les monarchies du Golfe, conduites par l'Arabie Saoudite, ont accueilli avec prudence l'accord historique conclu le 14 juillet à Vienne entre l'Iran et les grandes puissances du groupe 5+1 (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Allemagne), sous l'égide de l'Union européenne. D'une durée de dix ans, le compromis doit garantir que Téhéran ne se dotera pas de la bombe atomique en échange d'une levée progressive et conditionnelle des sanctions internationales qui étouffent son économie. Mais les puissances sunnites redoutent que leur rival chiite ne cherche dorénavant à élargir encore son influence dans le monde arabe et à s'imposer comme la puissance régionale. Ainsi, après la tournée au Moyen-Orient fin juillet du chef du Pentagone Ashton Carter, M. Kerry, lui aussi, «tentera de répondre à toutes les questions que les ministres du CCG pourraient encore se poser (...) afin, espérons-le, qu'ils soient satisfaits et soutiennent nos efforts», a expliqué un responsable du département d'Etat. Ce diplomate américain s'est félicité que le chef de la diplomatie saoudienne, M. Jubeir, ait «exprimé publiquement la satisfaction du gouvernement saoudien devant un bon accord». Mais le même Adel al-Jubeir avait dénoncé la semaine dernière des «déclarations agressives» émanant de responsables iraniens, après que Téhéran a accusé Bahreïn, allié de Riyad, d'exacerber les tensions en portant des accusations infondées contre Téhéran. John Kerry doit tenir une conférence de presse dans l'après-midi à Doha, avant de partir pour Singapour. Dimanche au Caire, il avait déjà assuré que le règlement avec l'Iran renforcerait la sécurité des pays arabes, inquiets des ambitions de Téhéran. «Il n'y a absolument aucun doute, si l'accord de Vienne est entièrement appliqué, l'Egypte et tous les pays de cette région seront plus en sécurité (...) comme ils ne l'ont jamais été», avait affirmé le patron de la diplomatie américaine. Il avait aussi une nouvelle fois accusé «l'Iran (d'être) engagé dans des activités déstabilisatrices dans la région». «C'est pour cela qu'il est si important de s'assurer que le programme nucléaire iranien demeure entièrement pacifique», avait-il avancé. Au même moment, dans une déclaration télévisée, le président iranien Hassan Rohani affirmait que l'accord nucléaire allait créer un «nouveau climat» régional afin de régler des conflits armés comme au Yémen et en Syrie. Poids lourd du Golfe, l'Arabie Saoudite sunnite dirige une coalition arabe qui mène depuis fin mars au Yémen des frappes aériennes contre les rebelles Houthis, issus de la minorité zaïdite -- une branche du chiisme -- afin d'empêcher cette rébellion soutenue par l'Iran de s'emparer de tout le pays. En Syrie, l'Iran est le principal allié régional du régime du président Bachar al-Assad, combattu par une coalition de l'opposition soutenue par l'Arabie Saoudite.