Le fameux croissant chiite qui va de Téhéran au Sud-Liban, en passant par Baghdad et Damas, reste plus que jamais la bête noire des Etats-Unis, d'Israël et des pays du Golfe. Aujourd'hui, ce triumvirat et leurs laquais travaillent d'arrache-pied à la création de facto d'un « Sunnistan » renfermant cet Etat islamique qu'ils prétendent combattre. En réalité, la campagne de bombardements en cours ne sert qu'à en fixer les futures limites géographiques. Ensuite, la zone ainsi créée sera «docilisée» par un océan de pétrodollars et l'extermination des récalcitrants. But final de l'opération: créer un ventre mou régional sunnite qui permet enfin de casser physiquement ce diable d'axe chiite et affaiblir ainsi à la fois l'Iran, le Hezbollah et par ricochet le Hamas palestinien. Avant d'entrer dans le vif du sujet: un petit détour par notre fameux triumvirat, histoire de présenter les acteurs du dernier jeu de massacre géopolitique en cours. On connaît par cœur l'alliance indéfectible qui unit les Etats-Unis à leur 51ème Etat israélien, et qui permet à l'entité sioniste d'accumuler en Palestine et au Liban notamment les pires boucheries et crimes de guerre depuis 60 ans sans aucun souci du lendemain. On connaît aussi la révérence de Washington et des pays du Bloc atlantiste pour la monarchie saoudienne, même si cette dernière est l'une des plus brutales théocraties du monde arabo-musulman; même si son wahhabisme rétrograde est la matrice idéologique des terroristes d'Al-Qaïda, Daech, al-Nosra et Cie. On connait moins en revanche l'axe Riyad-Tel-Aviv puisque, instinctivement, on aurait plutôt tendance à classer la Grande Mosquée saoudienne dans le rang des ennemis «naturels» d'Israël. Sauf que, comme on dit, les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Or dans sa course effrénée pour conserver le leadership du monde musulman, Riyad n'a qu'un seul véritable ennemi: l'Iran chiite et ses alliés. Et il se trouve que pour des raisons sécuritaires cette fois, c'est exactement le cas pour Tel-Aviv qui craint par-dessus tout l'Iran et l'arsenal du Hezbollah. Avec l'axe Washington–Tel-Aviv–Riyad, qui regroupe l'«exceptionnalisme» américain , l'Etat-juif militarisé et la Mecque du salafisme: c'est un peu le triumvirat des peuples élus autoproclamés réunis dans la plus improbable et effrayante des coalitions. Au plan opérationnel, l'idée est donc simple et complexe à la fois. Simple car il s'agit d'un côté d'alimenter l'incendie (argent, armes, combattants) des djihadistes de Daech, al-Nosra et consorts; mais complexe aussi car, de l'autre, il s'agit de circonscrire les contours du sinistre pour qu'il ne ravage que la zone voulue. Au nord, pas question ainsi de s'approcher de la zone kurde et d'Erbil, chasse-gardée à la fois des Américains et des Israéliens pour lesquels le clan Barzani roule à tombeau ouvert si l'on ose dire. Pas question non plus d'exercer une trop forte pression sur la frontière Turc, pays membre de l'OTAN par où nombre de djihadistes étrangers passent. Les frappes US se concentrent d'ailleurs majoritairement sur ces deux zones pour fixer de facto la limite nord de l'EI en Syrie, et sa limite Est en Irak. (A suivre)