Téhéran a été invité aux discussions de Vienne. Une victoire diplomatique qui reconnaît son rôle indispensable dans la résolution de la crise syrienne. Pour les esprits chagrins (nombreux dans la diplomatie française), qui, au printemps dernier, ne voulaient pas croire à la signature d'un accord sur le nucléaire avec l'Iran, le grand retour de la République islamique sur la scène internationale auquel on assiste ce 30 octobre, à Vienne, via le dossier syrien, est un nouveau camouflet. Car Téhéran fait son retour par la grande porte à l'occasion de cette deuxième rencontre de Vienne qui tente de trouver une issue politique à la guerre en Syrie (250 000 morts, 11 millions de déplacés et 5 millions d'exilés sur 22 millions d'habitants) et de s'entendre sur le sort politique de Bachar el-Assad. Restera-t-il pour un temps au pouvoir ? Doit-il partir immédiatement ? Que faire de Bachar ? Pour l'Iran, c'est une victoire. Pour la première fois, la République islamique est considérée comme partie prenante de la solution et non comme un Etat doté d'une seule capacité de nuisance dans la région. Pour la première fois aussi, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif sera assis à une conférence avec son homologue saoudien et neuf autres ministres des Affaires étrangères. C'est John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, qui a annoncé au début de la semaine, avoir invité l'Iran. Sa présence allait bien sûr de soi pour Vladimir Poutine qui a longtemps cru que l'Iran pourrait seul sauver militairement le régime syrien. Barack Obama a donc convaincu le roi Salman d'Arabie Saoudite de donner le feu vert à cette invitation. Le royaume et l'Iran sont rivaux pour s'assurer la suprématie dans la région. La présence iranienne est évidemment légitime. Non seulement l'Iran est la grande puissance du Moyen-Orient, et le sera de plus en plus après la levée des sanctions économiques et financières au début de l'année prochaine, mais l'aide de l'Iran (financière, en armements et en conseillers membres de la force Al-Qods, l'unité d'élite des pasdarans) a permis au régime syrien de se maintenir après quatre ans et demi de guerre. On estime aujourd'hui à plus de 10 000 hommes, les combattants du Hezbollah et les miliciens chiites irakiens et afghans encadrés par les hommes d'Al-Qods qui remplacent les forces syriennes dans les batailles contre les groupes rebelles. Le sauveur iranien de Bachar Al-Assad En septembre, il est devenu évident que le Hezbollah et les miliciens chiites encadrés par les Iraniens n'étaient plus capables d'éviter la débâcle de l'armée syrienne et l'éventuelle chute du régime. Même la montée en puissance de l'Iran – 15 Iraniens, dont au moins 2 très hauts gradés ont été tués depuis un mois, selon Téhéran – n'a pas été suffisante pour combler le déficit de l'armée syrienne. L'intervention de l'aviation russe (depuis le 30 septembre) s'est aussi avérée insuffisante pour donner la victoire à Assad et à son régime. Poutine ne veut pas d'un second Afghanistan alors qu'il est parvenu, à travers cette guerre syrienne, à faire, lui aussi, son grand retour au Proche-Orient. Reste à trouver une solution politique. Manifestement, l'Iran ne fait pas partie des jusqu'aux-boutistes qui veulent maintenir Bachar el-Assad à la tête de la Syrie jusqu'à la fin de la transition. Téhéran «ne travaille pas à maintenir Assad au pouvoir pour toujours», affirmait récemment Hossein Amir Abdollahian, vice-ministre iranien des Affaires étrangères. Désormais présent à la table des grands (Etats-Unis, Russie), des Européens (France, Allemagne, Grande-Bretagne) et des puissances régionales (Arabie Saoudite, Turquie), l'Iran va faire entendre sa voix officiellement au Proche-Orient où Téhéran n'agissait jusqu'alors que par l'intermédiaire du Hezbollah libanais, qui est à la fois son bras armé et son outil de pénétration du chiisme jusqu'à la côte méditerranéenne. Certains craignent que l'Iran ne pousse à une partition de la Syrie et la création d'une région dominée par les Alaouites, une branche dissidente du chiisme. Ce ne sont encore que des spéculations. Une évidence : Téhéran est le plus grand ennemi des djihadistes de l'Etat islamique et sans l'aide militaire iranienne au sol, Daech ne sera vaincu ni en Syrie ni en Irak. Les Américains le savent qui, sans le dire, coopèrent de plus en plus avec l'Iran en Irak. Washington tient à sa présence en Irak et le gouvernement chiite de Baghdad est, lui aussi, le plus proche allié de l'Iran.