La citation d'Esope selon laquelle «la parole est ce qu'il y a de meilleur et de pire» est-elle encore d'actualité ? Incontestablement. On ne parle que pour dire quelque chose d'important : informer, demander, donner un ordre, prescrire, etc. L'échange de paroles peut être intéressant si tout se passe dans une bonne ambiance ou si les partenaires utilisent un langage accessible à tout le monde et si la discussion tourne autour de sujets pouvant apporter un plus de connaissances. On peut ajouter que la pratique du langage est une école pour peu que l'on soit assidu, intéressé, désireux d'être parmi les meilleurs dans un ensemble ou d'avoir le sens du perfectionnisme, en ne perdant jamais de vue l'idée que la compétence langagière est un atout important pour réussir dans la vie professionnelle et familiale. Les actes de parole et l'art de bien parler Comme dans une communication officielle à l'exemple de celle que fait un maître de conférence supposé être maître d'un domaine du savoir et avoir le don de bien parler, la parole du locuteur (celui qui parle) suscitent beaucoup d'attention du côté récepteurs. Et pour que cette attention soit performante, le parleur doit savoir convaincre, faire en sorte que celui qui écoute adhère à son discours, apporter un plus de connaissances, mettre en confiance. Mais même si le cadre ou l'espace d'échange ne présente aucun obstacle pour la transmission des actes de parole, il faut des conditions jugées essentielles pour assurer une communication fructueuse : que le parleur ait une voix retentissante au point de charmer, qu'il réponde à l'attente des récepteurs, avoir une stratégie de la transmission. Lorsqu'on examine les énoncés, communication écrite ou orale, tout support de message, on constate que les actes de parole que s'inscrivent dans des perspectives diverses : politique, juridique, religieuse, narrative, portent sur des domaines de la vie quotidienne comme l'information, la demande, l'injonction, la permission, le don, la promesse ; tous ces actes peuvent être formulés différemment, en fonction des situations ou du statut social de chacun des protagonistes. Ce qui change en fonction des besoins de la communication, c'est la qualité sur le plan de la construction syntaxique, du choix des mots, des modes et temps des verbes. « Je vous promets de faire le nécessaire pour vous tirer d'embarras » ou « je vous promets qu'une aide vous sera apportée.. ; », énoncés que l'on peut enrichir à loisir ou élever à un niveau de langue supérieure si les récepteurs l'exigent. Le même acte de langage peut être énoncé simplement sous la forme : je vous aiderai à vous libérer de cet obstacle, ou je vais vous aider... Des énonciations (prises de parole) à plusieurs interprétations C'est le cas des messages confidentiels qui ne peuvent être décryptés que par les destinaires concernés, du genre : « les carottes sont cuites » dont le signifié de dénotation ou sens premier est à la portée de tous, alors que le vrai sens, c'est : « la situation est favorable ». renvoyant à un autre contexte d'emploi, celui de deux individus devant entrer en action lorsque cela devient possible. La phase proposée est à la forme affirmative, mais il suffit qu'elle change de modalité : emploi à la forme négative, avec l'idée d'obligation, de probabilité, le conditionnel : les carottes seraient cuites et à la forme interrogative : les carottes seraient-elles cuites ? Tous ces changements de structures syntaxiques entraînent des changements de sens et l'expérience de la communication orale et écrite, nous a apporté la preuve que le sens qu'on donne à un message dépend de l'interprétation qu'on la donne en fonction de son niveau de culture et de sa compétence de compréhension et d'expression écrite et orale. Le théâtre : une école pour l'apprentissage des actes de parole Et pour peu qu'un peuple bénéficie de spectacles théâtraux, de manière régulière et avec une thématique choisie pour être à l'image de l'univers social avec tout ce que cela suppose comme langues de communication au quotidien et comme traditions dans le travail, les relations fondées sur des convenances, l'interprétation se fait dans les normes. En effet, l'habitude de décrypter des scènes, tirades théâtrales favorisent l'apprentissage de la langue, l'acquisition des bonnes manières qui aident à mieux vivre en société. Ne dit-on pas d'ailleurs que le théâtre est une thérapie et une catharsis qui entraîne une élévation du niveau de culture et de l'équilibre psychologique de tous les individus qui font la société. A l'image de la vie en société, le théâtre apprend à connaître les gens que l'on côtoie au quotidien : on apprend tout sur leurs vices, leurs vertus, leur tempérament, leurs réactions, sentiments. On finit par comprendre que la société est une source d'inspiration pour les tragédies, comédies, tragi-comédies, sketches. Toute la journée, on croise des avares, des mythomanes, des escrocs, des modèles de personnes fréquentables, des misanthropes, philanthropes, des hypocrites, des sincères et propres. Le théâtre, c'est la vie au quotidien qu'on fait dérouler avec les répliques des uns et des autres, des erreurs d'appréciation, malentendus, disputes, accords et désaccords. Tout est question de savoir parler, composer des actes de parole pour des échanges fructueux. Savoir parler est un atout important pour qui veut réussir dans sa vie professionnel ou sociale ou familiale. Les actes de parole peuvent être des facteurs d'union, de désunion, de rapprochement, d'entente, de bonheur, de malheur. Le couple se construit par l'union, la compréhension, l'entente, la tolérance, la franchise, le partage. Des foyers ont été démolis par simple incompréhension langagière qui fait découvrir à l'un des partenaires que l'autre a son esprit ailleurs. Les relations entre individus, groupes d'amis, collègues de travail, couples de mariés, ne peuvent durer en allant chaque jour dans le bon sens, que si les échanges langagiers reflétant l'intériorité de chaque partenaire, se déroulent dans un climat sain, une confiance réciproque, un respect mutuel fondé sur l'acceptation mutuelle. « Ma mère, dit Kateb, chantre malien du Komo (société d'initiation) : la parole est tout. Elle coupe, écorche. Elle modèle, module. Elle perturbe, rend fou. Elle guérit ou tue net. Elle amplifie, abaisse, selon sa charge. Elle excite ou calme les âmes ». C'est là un excellent résumé sur les paroles d'un sage africain, formé à l'école des griots, ces aînés, maîtres du langage et de la morale qui ont eu la responsabilité d'assurer la transmission des vieux aux jeunes de tout le patrimoine moral et culturel.