Dans son avant-première algéroise du 2 avril et après son avant-première constantinoise du 27 février 2016, Sid-Ali Mazif revient avec un film nostalgique appelé Le Patio. Une fable contemporaine qui se veut moderne dans ses fondements et qui, sur 1 heure 46 minutes, nous livre son regard sur un film choral essentiellement construit sur six femmes dont le dénominateur commun reste la question du mariage, des hommes, du célibat de femmes...et de bien d'autres choses encore. Voilà tout, le résumé pertinent de ce regard « féministe » de ce cher Mazif qui nous avait habitués à une attitude filmique très « socialiste » entre « la cueillette des oranges », « le paludisme en Algérie » et des collaborations sur le film collectif « L'enfer à dix ans », « Houria », et bien d'autres travaux prolifiques dont il signera aussi la production. Il est connu pour son caractère engagé et épris des causes les plus prégnantes. Pour cette fois, avec le « Patio » réalisé en 2015 entre Birtouta, Blida, Constantine et Alger, il met en scène, six femmes, vivant dans l'ancienne Cirta, dans une maison de maître ottoman qui est régie de main de maître par la vénéneuse (mais fortement talentueuse) Louisa, incarnée par Louisa Habbani, utilisée ici à bon escient et qui se trouve être héritière d'une formidable maison dont on ressent les vibrations héritées des films syriens. La foison de végétation, les délicates arcatures et la table de réunion-diners est symbolique et déclare esthétiquement cette maison comme protagoniste à part entière de cette comédie tragi-comique. Louisa, est notaire, elle confie à son carnet sa vie nouvelle, après la disparition de son Si Chérif de mari, et réunit autour d'elle des locataires venues d'horizons divers, avec Ryma comme fille adoptive, marquée à la ceinture par sa mère adoptive qui l'utilise comme femme à tout faire mais aussi comme faire-valoir.Après des images qui se veulent transitionnelles, surchargeant le film de scènes filmées au Drone, la fatigue aidant nous mène à nous reposer le regard au sein cette maisonnée baignée des fantômes de l'histoire, de femmes soumises, de torture et de mésaventures les plus inattendues, découvertes au fil des promenades aventureuses de ces six héroïnes bien malgré elles, dans les dédales secrets de cette vieille masure. Là vont se tisser plusieurs nœuds gordiens entre Aïcha, la bourrue voisine à l'indiscrétion légendaire, symbolisant le conservatisme de la vieille Constantine, « M'laya » et gourmandise d'aplomb sur les assiettes, un registre bien mené mais habituel pour Nora Benzerari dans son rôle du Sancho Pança de service. Il y a bien-sûr l'image de la raison, dont on connaitra bien-sûr les blessures narcissiques juste à quelques minutes de la fin du film, Tin Hinan qui manie la pathos comme pas une. Une musique un peu neutre, nostalgique jouée par Narjess Reguieg nous mène vers l'œil pleureur et un hidjab décliné de fait en uniforme de la vertu, avec images de la Mecque et Coran en support pour l'aider à surmonter son célibat obligé, la quarantaine sonnant comme la mort en ce jardin comptant les jours sur le chapelet-témoin.Elle est sage-femme et s'appelle évidement Fatma, elle vit le plaisir et la douleur rédemptrice de l'enfantement par procuration. Au point ou la caméra de Sid Ali Mazif ne rend franchement pas service à ce qu'il a voulu considérer comme héroïne mais qu'il transforme par son regard tristement masculin en caricatures de femmes emprisonnées par leur condition stupide plus que par leur caractère affirmé et autonome. Cela avait bien commencé avec Farida, la journaliste photographe, l'incarnation juvénile, moderne et assumée du film formidablement joué par la délicieuse Mouni Boualem qui, pour le coup, est l'élément d'espoir qui remonte le moral des troupes et des spectateurs par sa fougue, la vérité de son jeu et ses répliques bien jouées. Les dialogues entrepris par l'écrivaine Zoubeïda Maâmria créditée aussi au scénario pèchent par leurs carences, si peu d'intrigue pour six femmes, cela reste effarant et frustrant, des scènes au climax promis comme pour la femme qui risque de perdre son enfant dans le film est une erreur grave qui aurait exigé une actrice chevronnée. Des travellings qui se perdent en conjectures, des champs et des contre champs à trois voies, des scènes qui ne mènent nulle part, et des clichés en veux tu, en voilà habitant sur tout le scénario pourtant l'image est signée Mohamed Tayeb Laggoune. Mais la cerise sur le gâteau est illustrée par la « gourgandine » du groupe est une pauvre oie expiatoire des fantasmes joués dans une autre sphère, l'Algéroise, aux origines biskries qui, pour ne pas choquer la conservatrice Constantine, se trouve parachuté par les errances d'un scénario erratique et par un amant inaccessible symbole de ce « Pouvoir » des hommes qui lâchent leur proies dans un métier en or pour classer les dossiers « maîtresses », bien-sûr Lilya, la fille aux bas résilles et à l'espoir tué par une grossesse inopinée fera tout pour « déglutir » cet enfant, et créera ainsi un mini débat sur ce qui est licite et sur ce qui est haram alors qu'elle risque sa vie en direct. On passera sur l'extraordinaire jeu de cette Manel Gougam très crédible en Lilya qui joue la candidité pour mieux nous épater par son jeu subtil sur sa face obscure, bien jouée pour les comédiennes qui sauvent le film mais qui ont fait partie d'une comédie presque destinée à la phase ramadhanesque, Sid-Ali Mazif a hélas péché par son regard masculin, et il a plongé ses protagonistes dans le principe par son esthétique maladroite dans les rets du stéréotype qui fait de l'homme cette base sur lesquelles toutes les femmes, qu'elles soient notaires, journalistes, architectes ou sage-femme (sic !) fondent leur espoirs, tenons pour preuve, la fin du film repose sur le mariage de l'une des héroïnes, devinez laquelle, en allant voir le film... «Le Patio» de Sid-Ali Mazif, production Constantine, capitale de la culture arabe 2015, avec l'aide du Cadc, Directeur photo, Mohamed Tayeb Laggoune, Son, Kamel Mekesser, montage, Hamza Choutri, Chef Décorateur, Ramdane Kasser, musique Nardjess Reguieg. Le film est en projection à la salle El Mougar à raison de trois séances par jour.