A l'occasion du Parcours des mondes (le plus grand rendez-vous des arts premiers qui s'est tenu au Quai Branly, à Paris jusqu'au 11 septembre), l'institution a célébré la restitution d'une œuvre d'art africaine volée. Non, il ne s'agit pas d'une sculpture béninoise, mais gabonaise. Et le musée du quai Branly ne l'a pas rendue, mais récupérée. Entretemps, en coulisse, un autre débat était mené autour de la demande officielle du gouvernement béninois adressée à la France de restituer les œuvres « pillées » pendant la conquête coloniale. Enquête. La restitution du Mbumba, «un grand événement» Elle a les yeux et la bouche grands ouverts. Une tête mystérieuse. Une statuette magnifique. Dans les années 1950, ce Mbumba au long cou du peuple Tsogho du Gabon faisait partie des collections du Musée du Trocadéro, et puis il a été volé. Le 7 septembre, à l'occasion d'une sublime exposition sur l'art des Tsogho à la galerie Bernard Dulon, il a été officiellement restitué par un collectionneur européen aux collections nationales, en présence de toute la direction du musée du Quai Branly. Pour son président, Stéphane Martin, ce fut « un grand événement ». La question sensible de la restitution des œuvres «pillées» Ce dénouement heureux fait rêver le Bénin. Le 27 juillet, le pays ouest-africain a officiellement demandé à la France la restitution des œuvres « pillées » pendant la colonisation. Une première pour une ancienne colonie française. Mais, selon Yves-Bernard Debie, l'avocat spécialisé en droit du commerce de l'art, la demande béninoise aura du mal à aboutir, malgré toutes les ressemblances avec la restitution de la statuette Mbumba. « Ce sont des choses qui n'ont strictement rien à voir. D'un côté, on est dans un cadre franco-français d'une œuvre appartenant à un musée de France, protégé par le code du patrimoine français, le Code L. 451-5 qui dispose du fait que c'est inaliénable. Donc la restitution est logique et automatique. Dans le cas d'une restitution demandée par un pays tiers, cela ne va pas se faire sur la base de lois nationales du pays source qui sont inapplicables en France, mais seulement sur la base de conventions internationales, par exemple la convention de l'Unesco du 14 novembre 1970 relative à la protection des biens culturels, mais dont les critères sont extrêmement difficiles. Donc les demandes de restitutions de pays sources n'ont pratiquement aucune chance d'aboutir.» Le musée du Quai Branly n'a «jamais eu de demande » Depuis l'annonce fracassante émise par le Bénin le 27 juillet, les rumeurs vont bon train. Certains parlent d'une liste de cinq mille œuvres, d'autres évoquent une quarantaine de pièces dérobées lors de la conquête coloniale en 1892 par le général Dodds. Des œuvres entrées d'abord dans les collections du musée du Trocadéro pour se retrouver aujourd'hui pour la plupart au musée du Quai Branly. Est-ce que la demande de restitution est au moins bien arrivée au musée du Quai Branly ? «Non, je n'ai jamais eu de demande, répond son président Stéphane Martinsix semaines après la demande béninoise. Il y a eu une communication au Conseil des ministres [du Bénin] - que j'ai lu comme vous dans le journal - mais, à ma connaissance, il n'y a pas eu de demande. De toute façon, si elle était arrivée, elle ne serait pas arrivée chez moi, parce que ce n'est pas de ma compétence. (...) Ce sont des choses qui relèvent du Parlement, de l'Etat. Les musées, nous sommes les gardiens d'un patrimoine public. Donc nous n'avons aucune compétence de restitution». «La démarche est engagée, les modalités restent à convenir» En effet, le Bénin a pris son temps pour formaliser sa demande. Aujourd'hui, en dehors du gouvernement béninois personne ne semble connaître son contenu ni la liste des œuvres demandées. Mais, jointe par RFI.FR, le 9 septembre, par téléphone, Jules-Armand Aniambossou, l'ambassadeur du Bénin à Paris a confirmé qu'il y a bien une lettre qui a été envoyée : «Il y a une semaine, une demande formalisée a été transmise de la part du ministre des Affaires étrangères béninois à son homologue français», avant de préciser : «La démarche est engagée, les modalités restent à convenir.» Entretemps, au Parcours du monde, les affaires continuent sous un ciel bleu parisien. En revanche, cette année, on ne trouve pas d'œuvres béninoises dans les galeries du quartier de Saint-Germain-des-Près ? Pure coïncidence ou y a-t-il des marchands qui hésitent désormais de vendre des œuvres béninoises ? «Non, pas du tout. Les gens ne sont pas fixés, parce que le Bénin a réclamé des pièces», rassure Pierre Moos, l'organisateur du Parcours des mondes où les contrôles sont devenus de plus en plus stricts : «Il y a quinze ans, lors des premières éditions du Parcours des mondes, il fallait renvoyer 50 ou 60 pièces douteuses, cette année on a retiré seulement trois pièces avant le début du salon ».