Il n'aura pas fallu attendre longtemps avant que les propos étrangement apaisés et conciliants de Donald Trump, tenus au soir de sa victoire, ne fassent entendre une note dissonante à l'annonce de la promotion de son proche lieutenant, Steve Bannon, 62 ans, l'idéologue incendiaire de l'extrême droite américaine, au poste très convoité et influent de «haut conseiller et chef de la stratégie» à la Maison Blanche. La petite musique «trumpienne» mielleuse, qui a bercé d'illusions l'Amérique dans l'euphorie du moment, se fait aujourd'hui plus grinçante, alors que la nomination à ses côtés de son ancien directeur de campagne islamophobe et ultra-populiste, décrit comme «l'homme le plus dangereux de la vie politique aux Etats-Unis» par Bloomerg, a résonné avec fracas et heurte bien des oreilles. L'éminence grise du nouvel homme fort de Washington n'est autre qu'un ardent partisan de la droite dure, animé par un nationalisme revanchard, qui s'est taillé une belle réputation néo-fascisante en prenant les rênes du site Breitbart News en 2012, à la mort de son fondateur Andrew Breitbart. Le grand stratège de l'ère Trump a fait ses armes en supervisant cette agora virtuelle qui fédère les militants nationalistes, suprématistes blancs et autres nazillons les plus forcenés de la première puissance mondiale, entrés en croisade contre le multiculturalisme, l'immigration et l'islam. De quoi faire frémir dans les chaumières... Pour compléter ce noir portrait, le sulfureux Steve Bannon porte au pinacle les grands pourfendeurs de l'islam, des musulmans et du Coran, notamment les plus bouillonnants, vindicatifs et pro-sionistes d'entre eux, les élevant au rang d'experts de l'islam en signe de récompense, à l'instar de la pasionaria islamophobe, la très voyante et tapageuse Pamela Geller. Le Southern Poverty Law Center, qui étudie et surveille les groupes haineux, considère Pamela Geller, la fameuse experte ès islam dont Steve Bannon se nourrit des délires, comme la « plus détraquée, furieuse et vulgaire des idéologues anti-musulmans aux Etats-Unis ». Qu'à cela ne tienne ! Il y a fort à parier que le proche conseiller de Donald Trump lui donnera carte blanche pour concevoir de nouvelles campagnes de diabolisation tétanisantes, au nom d'une liberté d'expression dévoyée allègrement. Avec un tel «chef de la stratégie», éminemment inquiétant, dans les arcanes du pouvoir, la propagande islamophobe pernicieuse, les allégations fallacieuses et paranoïaques, et autres fausses théories du complot anti-musulmans auront assurément de beaux jours devant elles à Washington, montées de toutes pièces ou ravivées par un orfèvre en la matière. La composition de l'administration Trump n'a pas fini de donner des sueurs froides aux musulmans américains, puisque des personnalités aussi malveillantes que Michael Flynn, un lieutenant général à la retraite précédé par son analogie abjecte entre l'islam et le cancer, que Claire Lopez, une théoricienne de la conspiration anti-musulmans pleine d'acrimonie, que Newt Gingrich, l'ancien président du Sénat connu pour appeler à "tester" et "déporter" les musulmans qui croient en la charia, et enfin que Rudy Giuliani, l'ancien maire de New York qui se targue d'avoir placé les musulmans new-yorkais sous haute surveillance et d'avoir infiltré les mosquées grâce à des taupes du FBI, sont pressenties pour occuper des fonctions-clés à la sécurité nationale. A l'heure où le fléau de l'islamophobie a culminé dans une violence inouïe sur le territoire américain, le casting gouvernemental de Donald Trump, le magnat de l'immobilier entré avec ses gros sabots en politique, n'est pas de nature à rassurer dans les chaumières, notamment musulmanes, et c'est un doux euphémisme... La petite musique rassembleuse qui a endormi le bon peuple, mardi soir dernier, s'est définitivement tue, et on perçoit déjà d'autres sonorités officielles, pleines de bruit et de fureur, en parfaite harmonie avec le chant wde sirène électrisant du candidat Trump.