Le fonds documentaire de la sociologue algérienne et grande figure du féminisme algérien Djemâa Djoghlal, décédée mardi dans un hôpital parisien, sera prochainement acheminé vers l'Algérie, a appris vendredi l'APS de son mandataire légal, Saddok Kebaïri. En 2012, ce symbole du militantisme culturel dans la région des Aurès, qui sera inhumée demain samedi à Khenchela, avait fait don de 2 000 livres de son fonds documentaire et celui d'Ammar Nagadi, auteur de nombreux écrits sur l'Aurès et sur la culture berbère, à l'université de Batna. En 2016, elle avait associé l'université de Khenchela et le Centre national des archives pour le reste du fonds et de ce qu'elle a pu constituer entre 2012-2016. «Ces dons, y compris celui de l'université de Batna, n'ont pas pu malheureusement être acheminés de son vivant mais actuellement, ils sont en bonne voie d'acheminement en collaboration avec l'ambassade d'Algérie à Paris et les trois institutions destinatrices», a déclaré M. Kebairi joint par téléphone. Dans un entretien accordé en novembre 2013 à l'APS, Djemâa Djoghlal avait déjà annoncé son intention de faire don de son fonds archivistique sur l'histoire et la culture algérienne. «Sans fausse modestie, je n'ai pas un grand mérite même si ce fonds représente 25 ans de sacrifices en tous genres», avait confié cette native de Khenchela et cousine du chahid Abbas Laghrour, qui a quitté l'Algérie à l'âge de 5 ans pour rejoindre son père en France où il était militant très actif au sein du Front de libération nationale (FLN), signalant que c'est l'histoire familiale qui l'a mise dans le «chaudron mémoriel». Héritière de combattants et de militants, dont plusieurs femmes, des wilayas historiques I et VII, la sociologue avait affirmé avoir assisté, depuis trois décennies, à un «révisionnisme de plus en plus visible et néfaste» surtout pour les jeunes descendants de l'émigration ou les étudiants venant d'Algérie qui ne sont pas, selon elle, «suffisamment armés, au niveau de l'histoire, pour faire face aux manipulations». Aux côtés de livres de grands auteurs tant Français qu'Algériens ayant traité le sujet de la colonisation, dont Pierre Vidal-Naquet, Charles Robert Ageron et Mohamed Harbi, des correspondances militaires inédites et des archives datant de la «prise» d'Alger par l'armée coloniale française et d'autres se rapportant à la guerre de libération nationale constituaient le fonds de sa bibliothèque personnelle qui était en libre accès à plusieurs chercheurs, doctorants et étudiants algériens et étrangers. En plus des livres, le fonds renferme également 5 000 cartes postales, une cinquantaine de vieux plans des villes d'Algérie et d'anciens manuscrits et livres rares, a encore précisé son mandataire. Par ce geste, elle a voulu contribuer à la préservation d'une mémoire dont l'utilité ne saurait être avérée que si elle est transmise. En 2015, elle a ouvert sa bibliothèque aux animateurs du site de la bibliothèque numérique amazighe (www.asadlis-amazigh.com) qui ont pu numériser 200 ouvrages dont certains sont très rares et mis en ligne en accès libre.