L'écrivain Ricardo Piglia est décédé à l'âge de 75 ans à Buenos Aires, des suites d'une longue maladie, vendredi 6 janvier. Couronnée par le prix Romulo Gallegos, son œuvre multiforme a été traduite dans le monde entier. C'est une voix majeure des lettres latino-américaines, qui tiré sa révérence. Piglia est mort mais il nous reste Emilio Renzi, l'un de ses personnages principaux, a déclaré à l'annonce de la mort de l'écrivain, le ministère argentin de la Culture sur twitter. Un hommage forcément réducteur au regard de la richesse et de la variété des formes de l'œuvre de Ricardo Piglia, tour à tour romancier, essayiste, critique, scénariste et enseignant dans plusieurs universités argentines et américaines, qui nous laisse des textes hybrides, mêlant fiction et analyse sur l'écriture. Né dans la banlieue de la capitale argentine en 1941, Ricardo Piglia fait ses classes à l'université de La Plata près de Buenos Aires. Il travaille ensuite dans plusieurs maisons d'édition et dirige notamment une collections de polars, La série noire. Son œuvre est nourrie des œuvres des Argentins Roberto Arlt, dont il se réclame, de Borges, Sarmiento, Macedonio Fernández sur lesquels il écrira en tant que critique, mais aussi de Dashiell Hammett et Raymond Chandler. Il publie son premier recueil de contes, Jaulario, en 1967, mais c'est son roman Respiration articifielle, publié en 1980, dédale polyphonique qui dénonce, en creux, la dictature militaire argentine, qui lui vaut une reconnaissance nationale et internationale. «Une machine à raconter» Egalement scénariste, Ricardo Piglia a travaillé sur des films comme Plata quemada réalisé par Marcelo Piñeyro qui connut une carrière internationale ou encore Corazón iluminado de Hector Babenco, des réalisateurs importants de sa génération. De son roman, La ciudad ausente, qui dénonce la répression de la dictature entre science fiction et polar et où sévit une redoutable « machine à raconter », il fera aussi un livret pour un opéra. Auteur critique, Piglia interrogeait inlassablement l'acte d'écrire. Dans l'un de ses textes majeurs «Crítica y ficción» (1986) que « la critique est la forme moderne de l'autobiographie. On écrit sa vie quand on croit écrire ses lectures ». Le critique est celui qui trouve sa vie à l'intérieur des textes qu'il lit, écrivait-il encore. Véritable « machine à raconter », Ricardo Piglia a tenu toute sa vie un journal, Los diarios de Emilio Renzo, son alter ego, dont la publication des derniers volumes est prévues dans les prochains mois. L'écrivain, durement touché par une maladie neurodégénarative, n'a jamais cessé d'écrire et de travailler alors qu'il devait se battre pour financer les traitements qui pouvaient le soulager. Un combat qui a notamment inspiré le scénario du film Un monstre à mille têtes du Mexicain Ricardo Plá. « Il y a des choses que je ne peux plus faire mais je peux encore lire et écrire », confiait-il récemment dans un entretien. Lui pour qui « Toutes les histoires du monde se tissent à la trame de notre propre vie».