La saison d'été (sur la Côte d'Azur) a démarré en trombe. Les nuits de jazz, un peu partout. On a réuni aussi des orchestres comme II Quarteto Cedron, la Quintet Tiempo Sur, avec la diva de Carmen Julia Migenes, le pianiste Gustavo Beytelmann venu de Rio de la Plata : et c'est tango à gogo ! On plonge dans les nuits enflammées de Buenos Aires. La fièvre, l'émotion, la passion amoureuse mais aussi le chagrin, la douleur et la peine, c'est ça le tango que les Argentins appellent « la fleur du pavé ». Pianissimo Alors que II Quarteto Cedron nous transporte dans les riches heures de la capitale argentine, on admire les danseurs de la compagnie Modos Vivendi qui se lancent dans un tango raffiné, beau et effronté à la fois. Ultra sensuel ! Ailleurs, le pianiste Gustavo Beytelmann est tout à ses notes langoureuses, ses accords vifs d'où surgissent les plaintes nostalgiques du Rio de la Plata. Là, le tango fait tumulte. Autre lieu argentin : le piano et le bandonéon qui accompagnent Julia Migenes et sa voix saisissante. Julia est accompagnée par le superbe Quintet Tiempo Sur et sa voix vibre quand elle rend hommage aux « Las Locas », les mères de la place de Mai à Bueno Aires, folles de douleur et de chagrin parce que la dictature militaire a fait disparaître à jamais leurs fils. Souvent, en version cinématographique, on revoit les figures célèbres du tango argentin. Côté littéraire, le grand écrivain Jorge Luis Borges a beaucoup écrit sur la tango et il a réfuté la thèse selon laquelle il serait né dans les faubourgs pauvres de Buenos Aires. Bon air de Borges L'instrumentation du tango (piano, flûte, violon et bandonéon) prouve au contraire qu'il fallait pas mal de moyens pour jouer cette musique. Ce n'est pas seulement la guitare à six cordes des quartiers lumpens de la grande cité argentine. Borges a vécu toute sa jeunesse dans le quartier huppé de Palermo et il se souvient qu'à chaque coin de rue le tango était dansé par des couples d'hommes. En ce temps-là, pour les femmes respectables, le tango était la danse des « filles perdues ». Dans ses poèmes, Borges a célébré le tango, comme la comédie humaine vaste et décousue de Buenos Aires. Le tango, c'est, écrit-il, le poème de la cité avec le désir des hommes, la crainte, la colère, les intrigues et aussi le bonheur...