Un bel hommage au verbe et à la mélodie est proposé par Idir en duo avec plusieurs noms de la chanson française dans son nouvel opus «Ici et ailleurs», un voyage onirique au contenu ancestral et aux formes modernes. Sorti il y a quelques semaines, «Ici et ailleurs», distribué en Algérie par IzemPro, embarque les mélomanes, près d'une heure de temps, dans une randonnée subtilement menée en duo avec plusieurs chanteurs de renom de la variété française qui ont suivi Idir sur les chemins sinueux de l'identité, l'amour, l'exil, et la liberté. Judicieusement choisies, les onze pièces de cet opus aux sonorités kabyles, soutenues par des orchestrations pleines, mettent en valeur les arrangements, par un travail à la créativité féconde, mais toujours marqué de l'empreinte originale et résolument engagée. Dans le mode mineur, propice à l'expression de la nostalgie et du lyrisme, l'ensemble des pièces, traduites en tamazight par Ameziane Kezzar et Idir, a été réarrangé dans des rythmes ternaires du terroir algérien avec les sonorités dominantes de la mandole, du bendir du banjo et de la flûte. Les vedettes de la chanson française se sont prêtées à l'exercice difficile d'interpréter leurs chansons dans une langue qui leur est étrangère, ingénieusement ramenées par le chantre de la chanson kabyle à sa culture. Une manière pour lui, explique-t-il, d' «élever tamazight au rang des langues universelles». A l'instar des pièces «Takurida» (La Corrida de Francis Cabrel), «Imettawen n Imezwura» (Les larmes de leurs pères de Patrick Bruel), «La bohème» de Charles Aznavour ou encore «Dhi varra I Neguen» (On the Road Again de Bernard Lavilliers), Idir chante l'adret et l'ubac dans des métaphores invitant l'auditeur à «porter son regard» sur des horizons nouveaux, grâce à un éventail de cadences ouvert, alliant des rythmes aussi différents que le berwali, le tergui ou encore la samba brésilienne. Sur un support harmonique riche et aéré, servi par des moyens techniques hautement professionnels, les violons, la flûte et le banjo ferment la boucle mélodique soutenue par la douceur des chœurs féminins. Artiste à la carrière fulgurante marquée par une irruption soudaine sur le devant de la scène, Idir, de son vrai nom Hamid Cheriet, a connu le succès dans les années 1970 avec «A Vava Inouva», une chanson vite devenue tube planétaire, diffusé dans pas moins de 77 pays et traduite dans une vingtaine de langues. Comptant à son actif une dizaine de CD, Idir, quoique réservé, aime partager son espace d'expression avec d'autres artistes, à l'exemple de Alan Stivell avec qui il a interprété (les Celtes) de l'album «Les Chasseurs de lumière» (1993), Dan Ar Braz, Maxime Le Forestier et Gilles Servat dans «Identités» (1999), ou encore le slameur Grand Corps Malade dans «La France des couleurs» (2007). Annonçant une «possible retraite» après quelque quarante ans de carrière, Idir aura réussi le pari, avec son dernier né «Ici et ailleurs», à fédérer autour de lui de grands noms de la chanson française et faire vivre avec eux, une fois de plus, sa langue maternelle.