Six ans après le déclenchement de la révolte qui a débouché en octobre 2011 sur la mort de Mouammar Kadhafi, la Libye est toujours en proie aux rivalités et aux conflits qui opposent ses multiples milices locales, forces tribales et bandes armées. Pour la conquête du pouvoir ou le contrôle des richesses naturelles, notables, politiciens, chefs de guerre djihadistes, ou non, se livrent une guerre civile qui a transformé le pays en un espace de sans Etat, où prospèrent l'intégrisme islamique, la contrebande d'armes et le trafic de migrants. Jusqu'à ces derniers jours, les deux pôles rivaux en conflit politique, étaient liés par un accord conclu en décembre 2015 à Skhirat, au Maroc, grâce à la médiation des Nations unies. Ce lien est désormais rompu. Le pouvoir de Tobrouk a décidé mardi 7 mars de retirer son soutien à l'accord de Skhirat. Pas tout à fait inattendue, cette rupture entre les deux pôles a sa source dans leur vieux contentieux politique et leurs ambitions économiques contradictoires, que ni l'accord de Skhirat ni les efforts diplomatiques et les médiations internationales n'ont pu résoudre. En septembre 2016, les troupes de Haftar, soutenues par les milices de Zintan – rivales, à l'ouest, de celles de Misrata –, avaient pris le contrôle du «croissant pétrolier» du golfe de Syrte et de ses quatre principaux terminaux, Zouetina, Brega, Ras Lanouf et Sidra. C'est la contestation militaire de cette conquête et surtout la reprise de deux des terminaux – Ras Lanouf et Sidra – par la Brigade de défense de Benghazi (BDB) qui est à l'origine de la crise et de la rupture de l'accord de Skhirat par le pouvoir de Tobrouk. Pour sa part Paris, qui joue en Libye un double jeu dangereux, reconnaît le GNA mais aide discrètement Haftar en lui fournissant, par le biais de la DGSE, des conseillers et des renseignements. Tout en maintenant un canal de communication avec Sarraj. Cela dit, Les deux principaux pôles de pouvoir, qui ont émergé après 2014 du chaos libyen, à Tripoli et à Tobrouk, sont moins que jamais disposés à dialoguer pour sauver le pays de la dislocation. À moins que l'influence des pays voisins, inquiets de cette perspective désastreuse, et le retour sur la scène diplomatique de la Russie ne viennent bousculer les règles du jeu.