Ne vendons pas des rêves utopiques à la population algérienne, l'Algérie devant connaître des tensions budgétaires entre 2017/2020 d'où l'importance d'une gouvernance rénovée, un sacrifice partagé et une réorientation urgente de toute la politique socio-économique. Devant méditer attentivement l'expérience négative de l'économies de guerre des années 1991/1993, ayant conduit le pays droit au FMI. Un discours de vérité s'impose autant que le réalisme loin des mesures d'injonctions bureaucratiques du passé, étant en 2017 et non plus dans les années 1970, la mondialisation étant une réalité amère. 1.-Si l'on prend les données de l'ONS pour les quatre premiers mois 2017, les importations de biens, s'établiront environ à 46/47 milliards de dollars. Selon les données du FMI pour 2017 les sorties de devises pour 2017 seraient de 10,5 milliards de dollars et entre 3,5 et 4 milliards de dollars de transferts légaux de capitaux (ce montant devant augmenter avec la règle des 49/51% selon le FMI à 7/8 milliards de dollars 2019/2020), nous donnant au niveau de la balance des paiements, seul document de référence et non la balance commerciale, une sortie extrapolée d'environ 60 milliards de dollars pour une entrée de devises variant entre 30/32 milliards de dollars (97/98% relevant directement et indirectement avec les dérivées des hydrocarbures si le cours moyen de 2017 s'établit entre 50/52 dollars le baril. Comme impact de la baisse du cours des hydrocarbures, qui sera de longue durée, les prévisions de croissance pour l'Algérie du FMI et de la Banque mondiale en date du 05 juin 2017 pour les années 2017 et 2018, sont inquiétantes, inférieures au taux de croissance démographique ce qui ferait passer le taux de chômage officiel de 11% en 2016 à plus de 13% en 2018. Ainsi, la BM a ramené ses projections de croissance pour l'Algérie en 2017 à 1,8% contre 2,9% projeté dans son rapport de janvier dernier et pour 2018, la croissance du PIB réel devrait être encore plus faible et s'établir à 1% en baisse de 1,6 point comparé aux 2,6%, anticipé en janvier. Cependant selon Jean François Dauphin, le chef de mission du FMI, l'Algérie est en capacité de diversifier son économie en engageant des réformes structurelles ambitieuses, qui lui permettraient de sortir progressivement de la dépendance aux hydrocarbures. Et, comme je l'ai souligné depuis de longues années (1) l'une des taches qui attend le gouvernement Tebboune est de mettre sur rail ces réformes, tout en les accompagnant d'un travail pédagogique en direction de la population, ce que j'essais de faire depuis 1974, privilégiant uniquement les intérêts de l'Algérie, à la fois à travers les fonctions occupées et de mes modestes contributions nationales et internationales. 2.-Aussi, le plus important, pour le gouvernement sera de faire face à la situation économique et sociale qui devra affronter une crise exceptionnelle avec la chute du cours des hydrocarbures qui sera de longue durée, devant à tout prix approfondir la réforme globale, devant concilier efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale à laquelle je suis profondément attaché. C'est la dernière chance pour l'Algérie : où elle réussit des réformes structurelles entre 2017/2020, douloureuses à court terme mais porteuses d'espoir à moyen terme, ou à l'horizon 2019/2020, elle ira inévitablement au FMI avec d'inévitables tensions politiques, sociales et économiques, ce qu'aucun algérien ne souhaite. Pour ma part, je suis persuadé que l'Algérie contrairement à certains qui se livrent à de la sinistrose, recèle d'importantes potentialités pour surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée. 3.-On peut émettre l'hypothèse que c'est l'Etat qui est en retard par rapport à la société qui enfante des règles qui lui permettent de fonctionner... Ce genre de situation est à prendre en considération pour l'analyse de la stratégie des acteurs. Un modèle économique non porté par des forces politiques, économiques et sociales n'a aucun sens et aucune portée opérationnelle. Il s'agit en tout premier lieu d'identifier les différents intervenants dans le processus des réformes économiques, qu'ils y soient favorables ou défavorables, qu'ils soient nationaux ou étrangers. Dans une seconde étape, il s'agira de procéder à l'analyse des stratégies qu'ils mettent en œuvre pour soutenir les réformes, les bloquer ou, à défaut, les ralentir, en évaluant les moyens mis au service de ces stratégies. Quels sont les enjeux des réformes et le jeu des acteurs internes-externes favorables et défavorables aux réformes ? La résistance aux changements annoncés par les réformes provient de certains cercles appartenant au pouvoir politique ou à sa périphérie immédiate qui redoutent les effets de tels changements sur les situations de rente qu'ils ont pu se construire tout au long de ces dernières décennies. Ces mêmes acteurs craignent par ailleurs de perdre le contrôle qu'ils exercent sur certains leviers politiques et économiques et cela au profit de ceux qui œuvrent à la promotion de ces réformes et à leur réussite. Les résistances au changement peuvent être localisées au niveau de cinq espaces de prédilection:- certains segments du système partisan qu'ils soient dans l'opposition, les Assemblées élues ou même dans certains segments du pouvoir central et local; certains segments de l'administration centrale et locale; certains segments de la société civile; une partie des opérateurs économiques privés connus pour avoir prospéré à l'ombre des monopoles détenus par le secteur public et plus tard de leur démantèlement et une partie significative des syndicats corporatistes et du secteur public mue par des considérations idéologiques ou par des intérêts rentiers. Par ce maillage d'une partie de la société et de l'Etat, les opposants aux réformes tentent de peser sur la nature de ces dernières, sur l'agencement de l'ordre des priorités et enfin sur les rythmes à imprimer à leurs conduites. En ce qui concerne les acteurs internes favorables aux réformes, présents également même minoritairement dans les cinq espaces analysés précédemment, nous pouvons affirmer sans exagération aucune que, tout en restant diffus et inorganisés, l'adhésion aux réformes s'inscrit dans un courant qui est potentiellement majoritaire dans la société. Le besoin de changement existe dans toutes les couches de la société. Il est surtout visible chez une grande frange de l'intelligentsia silencieuse consciente des enjeux, les femmes qui voient en les réformes une manière d'exister et de participer à la gestion de la cité, une jeunesse avertie, de plus en plus exigeante et impatiente, inquiète pour son avenir, expliquant l'exode de cerveaux. Nous trouvons de jeunes entrepreneurs dynamiques au sein de la sphère informelle le désir de l'aventure en dehors des frontières et de travailler hors droit contrôlant d'ailleurs 40/50% de la superficie économique. Quant au rôle des acteurs externes, avec le processus de mondialisation, le système des regroupements politiques et économiques régionaux, existant ou en cours de formation, a profondément modifié les relations bilatérales existant entre les Etats. C'est à partir de cette problématique qu'il faut apprécier la perception que certains acteurs externes ont de l'expérience de notre pays mène en matière soit de blocage ou d‘approfondissement des réformes. Avec les tensions géostratégiques notamment en Afrique, les grandes puissances considèrent l'Algérie, à juste titre, comme un acteur majeur dans la stabilisation de la région méditerranéenne et africaine. Ce qui nous conduit à analyser les réformes dans la stratégie des acteurs. 4.- L'objectif des acteurs internes favorables aux réformes est de préparer la communauté nationale à un projet de société auquel elle n'est pas étrangère du fait même de son histoire, de sa culture et des luttes innombrables qu'elle a menées. Leurs actions prioritaires ont pour finalité: la poursuite du processus de désengagement de l'Etat de la sphère économique afin de lui permettre d'assumer plus efficacement son rôle de régulateur; l'adaptation de l'économie nationale aux contraintes de la globalisation par la maîtrise des coûts sociaux d'une mise à niveau trop longtemps différée; le rétablissement durable des équilibres budgétaires par la stabilisation macroéconomique; la préparation de l'environnement de l'investissement public et privé, devant démystifier tant le privé national qu'international, par la mise en œuvre des réformes de seconde génération dont la réforme des institutions par une réelle décentralisation, la réforme du système socio-éducatif et la réforme fiscale, douanière, du foncier bancaire, ce qui, il faut le souligner, représentent un enjeu capital pour la réussite de l'ensemble des réformes projetées. Quant aux acteurs internes défavorables, le redéploiement de leur stratégie passe notamment par: l'harmonisation du discours de l'ensemble des réseaux dans des opérations de désinformation comme les réformes vont de pair avec le bradage du patrimoine national; l'action en amont par leurs réseaux par le blocage de réformes structurantes de la société algérienne; la mise à profit des foyers de tension qui naîtraient de revendications sociales légitimes, tantôt la bonne, tantôt la difficulté financière de l'Algérie étant constamment mise en avant pour montrer le caractère insupportable de la situation sociale et économique des populations les plus fragiles; une très large diffusion des positions, en apparence séduisantes, d'adversaires nationaux ou étrangers aux réformes, mais en réalité pour protéger les intérêts de la rente. 5.-Quels sont les trois scénarios pour l'Algérie 2017/2020 ? Nous avons le premier scénario où les conditions de l'échec sont réelles et réunies dans l'environnement juridique et économique algérien en raison du poids important de la bureaucratie centrale et locale renforcées par la faiblesse de visibilité et de cohérence dans la démarche économique et sociale et enfin les fortes pressions pour revenir aux pressions protectionnistes dans la mesure où la libéralisation prévue par tant par les. Le second scénario serait le statu quo qui préparera les conditions de l'échec en imputant les conditions sociales actuelles (pauvreté et chômage) aux réformes, qui, malgré la stabilisation macro-économique, n'en sont qu'à leurs débuts (réformes microéconomiques et institutionnelles, enjeux des années 2017/2020), ou à des organes techniques alors que l'essence réside dans l'absence de volonté politique (neutralisation des rapports de force). Le troisième scénario concerne la réussite des réformes dont les conditions sont également contenues dans son environnement juridique, économique et politique.. Une communication active par le devoir de vérité, s'appuyant sur des réseaux crédibles, la bonne gouvernance et la réhabilitation du savoir, ère du XXIe siècle, sont fondamentales pour faire aboutir la réforme globale. Ne nous trompons pas de cibles pour paraphraser le langage militaire. Ce n'est pas une question d'âges pouvant trouver les conservateurs et les réformateurs au niveau de toutes les franges de la société mais d'une volonté politique de changement porté par des forces sociales pour le développement des libertés économiques, sociales et politiques. Dans l'histoire récente de l'Algérie, la question des réformes – qu'elles soient économiques ou politiques – a donné lieu, en raison des enjeux qu'elles représentent, à l'élaboration de stratégies antagoniques qui œuvrent à la défense et à la promotion de ces dernières ou, au contraire, à leur blocage et, à défaut, à leur perversion ou à leur ralentissement. Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international