Mais quand donc les magistrats intègres qui forment la majorité des acteurs de la justice algérienne réagiront-ils face au comportement de certains de leurs pairs ciblés par des suspicions de corruption? Notamment à l'Est du pays où l'opinion publique est quotidiennement assaillie par des cas de corruption impliquant des magistrats. A Annaba, notamment où hier mercredi, s'est déroulée la cérémonie officielle d'installation du nouveau procureur général près la Cour de Annaba. Il s'agit de Nahnouh Miloud anciennement procureur général adjoint près la cour suprême. Il remplace son homologue Ahmed Rahim appelé à assumer, dès aujourd'hui jeudi, la même fonction à la cour de justice de Tarf. Ces citoyens des deux sexes n'ont pas manqué de s'interroger sur cette décision de nouvelle affectation du procureur général Ahmed Rahim. Celui-ci avait été nommé il y a à peine quelques mois à la tête du parquet de Annaba. Les mêmes interrogations étaient également de mise du côté de bon nombre de magistrats. Interrogés, ces derniers se sont prononcés en faveur d'une plus grande liberté de mouvement pour lutter efficacement contre toutes les formes de corruption. Pour un de ces magistrats qui s'est exprimé sous le sceau de l'anonymat, la subordination totale des juges est préjudiciable à l'efficacité de la justice. Pour lui, seule l'indépendance de l'appareil judiciaire est capable de renverser la vapeur et de garantir de meilleurs jugements. Atteindre également de meilleurs résultats en termes de délais de traitement des dossiers des justiciables, de prise en charge administrative, d'application des lois, de gestion des prisons... Son avis est partagé par plusieurs autres. A Annaba, ils étaient plusieurs hommes à la toge noire à louer les efforts consentis par le procureur général partant. Selon eux, ce dernier a réussi, en quelques mois de présence au parquet de Annaba, à redonner à la justice toute sa crédibilité. Il faut dire que les magistrats étaient nombreux à le suivre dans ce combat. A Affirmer aussi que leur sentiment de lutte contre la corruption au sein de leur institution est si réel que la liste des adhérents à ce combat s'allonge chaque jour un peu plus. Tout aussi réelle est leur conviction quant aux causes qui amènent certains de leurs pairs à mettre leurs intérêts personnels au-dessus de l'intérêt général et d'une justice équitable, saine et efficace. «Il est curieux que la suspicion généralisée ciblant une toute petite minorité de magistrats corrompus à Annaba, n'ait pas abouti à une enquête approfondie de la tutelle. Le ministère s'est limité à quelques inspections. Or, certains cas de corruption sont ostentatoires car commis dans des espaces publics», dira un d'entre eux. En tout état de cause à la cérémonie d'installation du nouvel homme fort de la magistrature à Annaba, l'on a fait du surplace. L'on aurait pu même écrire «rien à signaler à l'Est...» tant le contenu du discours lu par le représentant du ministre de la Justice était identique à ceux ayant précédé ces dernières années. Il contenait les mêmes «tachakouret» du ministre de la Justice et garde des sceaux. Elles sont adressées à ses deux proches collaborateurs, l'ancien et le nouveau. Cela a été fait en présence du wali Taoufik Mezhoud, des autorités civiles et militaires, des membres du barreau de Annaba, des consuls de France et de Tunisie. La cérémonie étant publique, beaucoup de citoyens y ont pris part. Il faut souligner que la mission qui attend Miloud Nahnouh au poste de procureur général d'Annaba n'est pas de tout repos. Ira-t-il jusqu'à poursuivre la politique d'une justice équitable pour tous appliquée par son prédécesseur qui a donné un sens à la lutte contre la corruption ou se soumettra-t-il aux ordres sous peine de se voir appelé à une autre mission ? La question mérite d'être posée au regard des principes directeurs émis par le Conseil supérieur de la justice. Dans le lot, figure celui de la transparence pour une justice équitable pour tous. Vient ensuite le non-recours à la mutation comme moyen de pression sur les magistrats intègres. N'est-ce pas là les arguments contenus dans la circulaire du Premier ministre portant sur la mise en place des moyens nécessaires pour lutter efficacement contre la corruption ? Les prochains jours seront déterminants. Dans le lot des affirmations de nos interlocuteurs magistrats, il est question de réouverture des dossiers d'accusation dans diverses affaires criminelles et de droit commun pour d'éventuelles ordonnances d'élargissement. Le nouveau procureur général Miloud Nahnouh pourrait-il résister à la pression subie par son prédécesseur qui a refusé de plier ?